D'après Emmanuel KANT, "dans le règne des fins, tout a un prix ou une dignité. Ce qui a un prix peut être aussi bien remplacé par quelque chose d'autre, à titre d'équivalent : au contraire, ce qui est supérieur à tout prix, ce qui par suite n'admet pas d'équivalent, c'est ce qui a une dignité"
Cette citation illustre bien le problème soulevé par l'arrêt du Conseil d'Etat assemblée du 27 octobre 1995, Commune de Morsang-sur-Orge.
Cet arrêt a trait au respect de la dignité humaine ainsi qu'à la police administrative.
En effet, les activités de l'administration sont habituellement réparties en 2 catégories.
Certaines se rattachent aux missions de réglementation du comportement des personnes : elles ont pour objet le maintient de l'ordre public dans le cadre des relations sociales. On parle alors d'activité de police administrative.
D'autres activités se rattachent à la prise en charge, par les personnes publiques ou privées, de besoins considérés d'intérêt général. On parle dans ce cas d'activité de service public.
En l'espèce, le maire de Morsang-sur-Orge, Geneviève RODRIGUEZ, a interdit un spectacle de "lancer de nains" dans une discothèque de sa commune.
Un arrêté a donc été pris, dans ce but, le 25 octobre 1991.
La société Fun-Production, organisatrice du spectacle et Monsieur WACKENHEIM, la personne de petite taille participant au spectacle, demandent alors au tribunal administratif de Versailles d'annuler cet arrêté d'interdiction.
Ce dernier leur donna gain de cause le 25 février 1992 en condamnant la commune de Morsang-sur-Orge à leur verser la somme de 10 000 francs en réparation du préjudice subit.
La commune décida alors d'interjeter appel de ce jugement devant le Conseil d'Etat.
En outre, nous pouvons noter que le Conseil d'Etat a rendu dans le même sens, le même jour, un second arrêt concernant un motif similaire suite à un appel interjeté par la ville d'Aix-en-Provence contre un jugement du tribunal administratif de Marseille du 8 octobre 2002.
Se pose alors la question de savoir si le principe du respect de la dignité de la personne humaine peut, à lui seul, justifier un acte de police administrative ?
Pour répondre à cette problématique nous analyserons le raisonnement du Conseil d'Etat (I) qui a permis de justifier le trouble à l'ordre public (II).
[...] En effet, l'ordonnance de 1945 soumet les spectacles forains, de curiosité ou de variétés à l'autorisation préalable du maire. Or en l'espèce aucune demande d'autorisation n'a été demandée. Cela aurait suffit à interdire le spectacle au seul motif qu'il n'avait pas été autorisé mais le maire a choisi de se placer sur un motif tendant à l'objet même du spectacle et non sur un motif d'ordre procédural. Cette opiniâtreté a été payante : pour le Conseil d'Etat, le fondement qu'il fallait donner à l'arrêté d'interdiction est bien cet article L. [...]
[...] Le raisonnement tenu par le Conseil d'Etat Nous verrons dans une première partie que le maire de Morsang-sur-Orge, pour interdire le spectacle de "lancer de nains", a choisi de s'appuyer sur des pouvoirs de police générale. Nous verrons ensuite que cela a permis au Conseil d'Etat d'élargir la notion d'ordre public. A). Les pouvoirs de police administrative du maire de Morsang-sur- Orge L'article 13 de l'ordonnance du 13 octobre 1945 relative aux spectacles aurait pu servir, au maire de Morsang-sur-Orge en tant qu'autorité de police administrative spéciale, de fondement afin d'interdire le spectacle de "lancer de nains" qui devait se dérouler le 25 octobre 1991 dans la discothèque de l'Embassy Club de sa ville. [...]
[...] Par là même il va donc élargir la notion d'ordre public. On ne peut que constater que cet arrêt s'inscrit dans la lignée de la décision du Conseil constitutionnel du 27 juillet 1994, Lois sur la bioéthique où il a été reconnu une valeur constitutionnelle au principe du respect de la dignité de la personne humaine. Cette logique s'est déjà également trouvée dans l'arrêt du Conseil d'Etat du 7 novembre 1924, Club sportif Chalonnais où a été intégrée la protection de la moralité publique parmi les composantes de l'ordre public. [...]
[...] Incontestablement ce raisonnement nous fait également remarquer qu'il est possible de protéger un individu isolé. La notion d'ordre public recouvre par conséquent tous les aspects de la vie en société ainsi que certains aspects de la vie privée En outre, nous aurions pu légitimement croire que cette jurisprudence était demeurée isolée si le Conseil d'Etat n'avait pas réitéré la notion d'atteinte au principe du respect de la dignité humaine. Ce fut en effet le cas à l'occasion de son arrêt du 5 janvier 2007, Ministre de l'Intérieur contre Association solidarité des français où le juge des référés avait estimé que c'est à bon droit qu'un maire avait interdit, dans sa commune, la distribution, par une association, de soupes au cochon aux SDF. [...]
[...] Un juste équilibre entre les nécessités du maintien de l'ordre public et le respect des libertés publiques a donc été trouvé en jugeant l'arrêté du maire du Morsang-sur-Orge parfaitement légal. En outre, nous pouvons ajouter que le haut commissaire de l'Organisation des Nations unies sur les droits de la personne jugea le 27 septembre 2002 que cette décision n'était pas discriminatoire à l'encontre des nains, ni abusive mais nécessaire au maintien de l'ordre public, en incluant des considérations de dignité humaine. [...]
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