« S'il fallait donner en quelques mots une définition du droit administratif, je dirais, laissant de côté la partie purement descriptive d'institutions… qu'il est essentiellement l'étude du pouvoir discrétionnaire des autorités administratives et de sa limitation en vue de la sauvegarde des droits des tiers ». Marcel WALINE , exprime ici l'importance considérable du pouvoir de l'Administration dans les moyens qui lui sont conférés, l'exercice du pouvoir discrétionnaire en étant le plus emblématique. Mais même l'existence d'un tel pouvoir n'induit pas la possibilité que l'Administration puisse exercer ses fonctions de manière arbitraire, le domaine du contentieux en droit administratif prévoyant tout de même un contrôle restreint des actes administratifs pris dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire. Ainsi, outre les différents recours contentieux intentables aux actes de l'Administration et que M. LAFERRIERE répartissait en quatre catégories dans son Traité de la juridiction administrative de 1881 , le principe de légalité s'impose aussi en droit administratif, les autorités administratives étant soumises à une obligation de légalité dans l'exercice de leurs compétences. Dans le cadre du domaine discrétionnaire de l'Administration cependant, et contrairement aux cas où sa compétence est seulement liée , l'obligation de légalité se retrouve limitée. En effet d'après André HAURIOU , « L'administration dans l'exécution quotidienne des services et pour les mesures qu'elle prend vis-à-vis des particuliers, est soumise à la loi et d'une façon plus générale à des règles juridiques. Mais elle y est soumise avec une certaine marge de liberté qu'on appelle le pouvoir discrétionnaire et qui correspond assez sensiblement à la zone de l'opportunité […] L'existence du pouvoir discrétionnaire est généralement justifiée, tout au moins lorsqu'il s'agit de l'application de la loi, par l'impossibilité en face de laquelle se trouve le Législateur, obligé qu'il est de procéder par des règles générales, de prévoir la complexité de situations particulières et de marquer à l'administration en chaque hypothèse de quelle façon et à quel moment elle doit agir. […] Le pouvoir discrétionnaire de l'administration apparaît donc, de ce point de vue, comme cette part de l'initiative et de l'indépendance juridiques de l'administration, qui n'a pas été limitée par la loi et les règles de droit et comme le pendant, en droit public, du principe de l'autonomie de la volonté en droit privé et de la souveraineté des Etats sur le plan du droit international .» Le plus souvent la loi ne prévoit pas si le pouvoir conféré à l'Administration est de caractère discrétionnaire ou s'il s'agit de compétences liées, la tâche incombant alors généralement au juge administratif. L'opportunité du recours pour excès de pouvoir ne peut donc être appréhendée par le juge administratif que dans deux cas, celui de l'erreur manifeste d'appréciation et celui du contrôle de proportionnalité (aussi appelé contrôle maximum ou bilan coût-avantages).
[...] Le Conseil d'Etat estime en l'espèce que la mesure d'interdiction d'une publication constitue une atteinte tant à la liberté du commerce et de l'industrie qu'à la liberté d'expression. Ainsi sous couvert d'un contrôle normal, le juge substitue son appréciation à celle du ministre et vérifie si le contenu de la publication justifie ou non l'interdiction ce qu'il avait déjà opéré lors de l'affaire Ekin. Ainsi, après avoir envisagé un revirement de jurisprudence concernant l'étendue du contrôle juridictionnel dans le domaine de la police des publications étrangères, nous en venons à abandonner cette possibilité pour au contraire y voir un contrôle juridictionnel plus étendu, car même si ce dernier ne devient pas un contrôle normal de la décision (par un contrôle de la qualification juridique des faits), le juge se substitue lui-même à l'appréciation du ministre de l'Intérieur, contrôlant ainsi de facto la proportionnalité entre sa décision et n'importe quel intérêt général susceptibles d'être touché par cette dernière. [...]
[...] La Cour reçoit l'association dans sa demande et décide alors que l'article quatorze de la loi est effectivement contraire à l'article dix de la Convention. D'où la sanction par le Conseil d'Etat en 2003 de l'article quatorze de la loi du 29 juillet 1881 dans sa formulation issue du décret du six mai 1939, au motif que ce dernier donne au ministre de l'Intérieur compétence pour interdire, de manière générale et absolue, sur l'ensemble du territoire et sans limitation dans le temps la circulation, la distribution ou la mise en vente de toute publication rédigée en langue étrangère ou considérée comme de provenance étrangère Le droit interne français suit donc ici la jurisprudence européenne qui souhaite limiter le pouvoir d'interdiction des publications étrangères. [...]
[...] Le Conseil d'Etat avait déjà précédemment examiné le décret lors de l'arrêt Société Librairie Maspero en 1973. CEDH juillet 2001, association Ekin. Conclusions de M. Corneille lors de l'arrêt Baldy (CE 1907) cité in Cours de Droit Administratif, Jacqueline Morand-Deviller, neuvième édition, Montchrestien, p CE ass novembre 1973. CE section novembre 1962, Dolbeau et CE 17 décembre 1958, Société Olympia Presse. [...]
[...] On dit qu'il y a compétence liée lorsque l'administration est, d'une part tenue d'agir, d'autre part tenue d'agir dans un sens déterminé, sans possibilité d'appréciation ou de choix. Le pouvoir discrétionnaire et sa justification, Mélanges Carré de Malberg En réalité, il s'agit bien de deux méthodes distinctes. L'erreur manifeste se déploie dans un contexte de compétence discrétionnaire où le juge dispose d'une certaine marge d'appréciation en opportunité. Pour la déceler, le juge situe son raisonnement sur le résultat (la décision qu'a pris l'administration) et non sur le raisonnement ayant conduit à ce résultat. [...]
[...] Cette interdiction peut également être prononcée à l'encontre des journaux et écrits de provenance étrangère rédigés en langue française, imprimés à l'étranger ou en France. Le Conseil d'Etat estimait jusqu'à la jurisprudence Société Librairie Maspero[12] de 1973 que les décisions prises dans le domaine de la police des publications étrangères étant des mesures de haute police, l'Administration disposait dès lors d'un très large pouvoir d'appréciation. Après s'être longtemps contenté d'opérer un contrôle minimal[13], lors de l'arrêt Société Librairie Maspero, le Conseil d'Etat décide ainsi de n'établir qu'un simple contrôle restreint de l'erreur manifeste d'appréciation. [...]
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