Kelsen soulignait qu' « un ordre juridique (pouvait) être décrit en propositions de droit qui ne se contredisent pas ». Or la constitution de 1958 ne règle pas expressément toutes les questions relatives aux conflits de norme. Par de nombreux arrêts relatifs aux conflits entre une norme interne et une norme internationale, le Conseil d'Etat a, petit à petit, dessiné les contours d'une politique jurisprudentielle fondée sur l'article 55 de la constitution qu'il approfondit encore dans l'arrêt présentement étudié. En l'espèce, Melle Deprez et M. Baillard ont tous deux, par des requêtes distinctes, contesté un décret du 31 mars 2003 relatif à la sécurité routière et modifiant le Code de procédure pénale et le Code de la route. Les requérants invoquaient, d'une part, l'irrespect du décret des stipulations de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, et d'autre part, la méconnaissance des règles et principes de valeur constitutionnelle par l'article 529 du Code de procédure pénale modifié par le décret litigieux. Les requêtes ont alors été toutes deux rejetées par le Conseil d'Etat qui a fait application de l'article 55 de la Constitution. Le Conseil d'Etat a réaffirmé sa jurisprudence antérieure en se demandant s'il incombait au juge administratif de vérifier que les conditions de l'article 55 de la constitution étaient remplies lorsqu'il rencontrait un conflit entre une norme interne et une norme externe. Et dans un deuxième temps, le Conseil d'Etat s'est demandé si, en cas d'écran législatif, il avait compétence pour invoquer l'inconstitutionnalité d'une loi postérieure à un traité ? Dans l'arrêt Deprez Baillard, le Conseil d'Etat a tout d'abord indiqué le contrôle qu'il exerçait en cas de conflits de normes sur la base d'une disposition constitutionnelle (I) puis il a réitéré son refus d'exercer un contrôle de constitutionnalité de la loi sans pour autant poser le principe de la primauté de la constitution (II).
[...] Révolution d'un point de vu juridique en posant un domaine limité à la loi. Dans la mesure où la primauté du traité sur la loi a un fondement constitutionnel, l'article 55 de la constitution, le CE a été enclin à considérer que son respect pouvait, dans certains cas, soulever un problème de constitutionnalité. En cas de conflit entre le traité et une loi postérieure, le CE estimait que se trouvait par là même soulevé un problème de constitutionnalité échappant à la compétence de la juridiction administrative. [...]
[...] Le juge administratif va vérifier que les normes internationales et communautaires invoquées existent, qu'elles sont bien entrées en vigueur et qu'elles sont applicables en droit français. Notamment, l'entrée en vigueur des normes est conditionnée par le fait que l'acte international invoqué ait été régulièrement signé par les autorités administratives compétentes, qu'en plus l'obligation de ratification ou d'approbation visée par l'article 55 de la constitution ait été accomplie et que l'acte de ratification ait fait l'objet d'une publication régulière au journal officiel. [...]
[...] Le Conseil d'Etat, dans son troisième considérant énonce que la charte n'a pas de portée juridique en droit interne bien qu'elle ait été régulièrement publiée. Il rappelle son attachement à l'application de l'article 55. Il semble donc que l'arrêt du 5 janvier 2005 confirme la jurisprudence du Conseil d'Etat qui avait été mise en péril par la décision du Conseil constitutionnel de 2004. Ainsi, il a réaffirmé son indépendance pour juger des litiges dont il est saisi de même qu'il a rappelé son incompétence pour juger de l'inconstitutionnalité des lois en application. [...]
[...] A'/ Une décision en continuité avec la jurisprudence antérieure Le Conseil d'Etat a adopté plusieurs manières de statuer lorsqu'il a été confronté à un problème de hiérarchie des normes, grâce à la malléabilité de l'article 55 de la constitution. En application de ce principe, il a le choix avec deux raisonnements : il peut déterminer la place hiérarchique respective de chaque norme et ainsi affirmer la suprématie de l'une sur l'autre, ou bien il peut fixer une règle de priorité d'application et ainsi déterminer la norme applicable sans affirmer la suprématie d'une norme. [...]
[...] Cela résulte de la jurisprudence du CE dans un arrêt de section du 1er mars 1968, Syndicat général des fabricants de semoules de France. Or le juge administratif s'est toujours refusé à exercer un contrôle de constitutionnalité de la loi, de crainte d'entrer en conflit avec le législateur, CE 6 novembre 1936, Arrighi. A l'heure actuelle en droit français, la norme la plus élevée et qui doit être respectée par l'ensemble des juridictions françaises est la norme constitutionnelle. En cas de contradiction, le juge administratif fait prévaloir la norme constitutionnelle, arrêt d'assemblée du CE du 30 octobre 1998 arrêt SARRAN (GAJA), position reprise par la Cour de cassation dans un arrêt d'assemblée plénière a elle aussi affirmé le principe de la primauté et de la suprématie de la norme constitutionnelle au sein de l'ordre juridique français dans un arrêt du 2 juin 2000 arrêt FRAISSE. [...]
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