Il y a des principes qui demeurent en vigueur, malgré l'usure du temps. C'est le cas du principe d'inaliénabilité du domaine public, qui trouve son origine dans l'Edit de Moulins de 1566.
En effet, il consacrait l'inaliénabilité comme une loi fondamentale du Royaume, qui empêchait le corps politique du Roi, dissocié de son corps naturel, de dilapider les biens de la couronne. De cette façon, le Roi suivant ne récupérait pas un patrimoine dilapidé.
Seulement, comme le disait Charles Eisenmann, le principe actuel d'inaliénabilité « a un fondement, un sens et une portée différente de l'ancien régime ».
A l'époque, la règle d'inaliénabilité concernait l'ensemble des biens de la couronne, en ne distinguant pas entre le domaine public et le domaine privé (parfaitement aliénable).
Le principe moderne a quant à lui, été refaçonné durant le XIXe siècle en même temps que la distinction du domaine public et du domaine privé. Il a été repris par la jurisprudence, et consacré très clairement par le Code général de propriété des personnes publiques de 2006, dans son article L.3111-1 qui dispose « Les biens des personnes publiques mentionnés l'article L.1, qui relève du domaine public, sont inaliénables et imprescriptibles ».
Il n'est alors pas à remettre en cause, cependant sa portée peut être largement discutée.
Il fait couler beaucoup d'encre de la part des auteurs de doctrine, et continue d'alimenter la jurisprudence.
C'est d'ailleurs le cas dans l'arrêt du Conseil d'État, en date du 4 mai 2011, Communauté de Communes du Queyras.
[...] En l'espèce, le Conseil d'État a maintenu la relation contractuelle qui unissait la société à la communauté de communes parce qu'il est plus profitable à la personne publique que ce soit une personne privée qui exploite et gère le domaine skiable les équipements. Effectivement, la société lui versait des loyers, mais également, elle imposait de lui reverser une taxe sur les remontées mécaniques, une redevance et un loyer pour l'usage des locaux Il a donc bien fait de maintenir le contrat, qui aurait pu être annulé si le principe d'inaliénabilité avait encore la force qui le caractérisait autrefois. [...]
[...] Ici aussi l'illégalité des stipulations est tolérée, et le juge cherche indubitablement à sauver le contrat passé entre personnes publique et privée afin de préserver les relations économiques qui les lie. Tout cela a pour but d'enrichir les personnes publiques, et de montrer l'exemple aux autres personnes privées. On veut installer une sorte de climat de confiance pour inciter les personnes privées à contracter sereinement avec l'administration, ce qui est important pour l'économie. On peut se demander, si cet appât du gain pour les personnes publiques, et cette recherche de balance entre légalité et stabilité des relations contractuelles ne pouvaient pas vite basculer du mauvais côté. [...]
[...] Néanmoins, même si ces stipulations sont illicites, le Conseil d'État sauve le recours contractuel en considérant qu'elles sont divisibles du reste de la convention et que leur illicite n'entache pas les autres stipulations du contrat. Le litige peut donc être réglé dans le cadre contractuel. Cet arrêt est doublement intéressant, en ce dont d'une part, il rappelle le fameux principe d'inaliénabilité du domaine public et en ce que, d'autre part, il décide de maintenir un contrat malgré des stipulations illicites et contraires à ce même principe (II). [...]
[...] Celle-ci devait en contrepartie, verser à la société une valeur d'utilisation des biens en question, égale à la valeur vénale. La Chambre régionale des comptes de Provence s'est rendu compte que le contrat de location-vente portait sur des biens appartenant au domaine public, et a demandé à la communauté de communes de faire cesser cette relation contractuelle, ou de lancer une nouvelle procédure de délégation de service public. En effet, ce contrat se caractérise par sa nullité puisqu'il méconnait le principe d'inaliénabilité du domaine public. [...]
[...] Elle a néanmoins condamné la communauté de communes a versé à la société, une indemnité pour réparer le préjudice subi du fait de la résiliation anticipée, et à régler les frais de justice. La cour n'a cependant pas statué sur la convention portant sur des biens du domaine public et sur la question de la nullité des stipulations de la convention de location-vente. Elle s'est contentée de trancher le litige relatif aux conséquences indemnitaires en faisant application des stipulations contractuelles. [...]
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