L'originalité de l'organisation juridictionnelle française tient de sa dualité : une juridiction spécialisée dans le règlement des litiges administratifs existe à côté de la juridiction judiciaire compétente pour connaître des litiges opposant les particuliers entre eux. Cependant, dans certaines affaires, la compétence de l'une ou de l'autre des juridictions est parfois difficile et subtile à déterminer.
L'arrêt rendu par le Conseil d'Etat le 30 mars 1962 « Association Nationale de la Meunerie » porte ainsi sur les limites de compétence des juridictions judiciaires et administratives.
En l'espèce, depuis la loi du 15 mars 1943, les meuniers français bénéficiaient d'un régime de péréquation compensant les frais afférents aux opérations de transport des blés et seigles supportés par les meuniers qui s'approvisionnaient dans des organismes stockeurs éloignés. Les bureaux de péréquation chargés de ce remboursement aux meuniers étaient gérés par « la profession organisée ». Par un décret du 30 septembre 1953, soit dix ans plus tard, ces bureaux sont supprimés et leurs attributions ainsi que leurs biens et leurs fonds dévolus à l'Office National Interprofessionnel des Céréales (ONIC). Un autre décret, celui du 12 mai 1959 relatif aux pouvoirs de l'ONIC, va permettre à l'organisation de réviser les comptes des bureaux de péréquation et d'engager des actions devant les tribunaux judiciaires pour récupérer les sommes indûment payées par ceux-ci.
L'association nationale de la meunerie conteste la légalité du décret du 12 mai 1959 devant le juge administratif par un recours pour excès de pouvoir. Elle soutient devant le Conseil d'Etat que le décret doit être annulé car d'une part, il crée une compétence pour l'ordre judiciaire qui doit statuer sur le reversement des sommes indûment payées et d'autre part, il donne trop de pouvoir à l'ONIC sur la révision des comptes des bureaux de péréquation.
Le Conseil d'Etat va se pencher sur les pouvoirs acquis par l'ONIC mais son problème principal va être d'examiner la frontière des compétences entre le juge administratif et le juge judiciaire. Ainsi un décret a-t-il la capacité de donner compétence à un juge judiciaire sur un contentieux a priori administratif?
[...] L'association nationale de la meunerie conteste la légalité du décret du 12 mai 1959 devant le juge administratif par un recours pour excès de pouvoir. Elle soutient devant le Conseil d'Etat que le décret doit être annulé car d'une part, il crée une compétence pour l'ordre judiciaire qui doit statuer sur le reversement des sommes indûment payées et d'autre part, il donne trop de pouvoir à l'ONIC sur la révision des comptes des bureaux de péréquation. Le Conseil d'Etat va se pencher sur les pouvoirs acquis par l'ONIC mais son problème principal va être d'examiner la frontière des compétences entre le juge administratif et le juge judiciaire. [...]
[...] L Néanmoins il arrive parfois que les compétences d'un ordre de juridiction soient transférées à l'autre ordre par le biais de la loi. II Un aménagement prudent des compétences respectives des ordres juridictionnels L'aménagement des compétences respectives des juridictions administratives et judiciaires est possible mais strictement encadré. Seul le législateur peut fixer les limites des compétences des ordres juridictionnels alors les autres autorités sont écartées sur ce point Une plénitude du législateur pour fixer les limites des compétences des ordres juridictionnels L'article 34 de la constitution de 1958 réalise une véritable révolution juridique en définissant et limitant le domaine législatif notamment en précisant que la loi fixe les règles concernant les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l'exercice des libertés publiques Le Conseil d'Etat, dans l'arrêt Association Nationale de la Meunerie, déduit de cette disposition qu'il appartient au législateur seul de fixer les limites de la compétence des juridictions de l'ordre administratif et de l'ordre judiciaire. [...]
[...] Donc un décret, qui relève du domaine du règlement (article 37 de la constitution), ne peut pas sur ce point aller contre la loi. Ainsi est invoqué la nature a priori administrative du contentieux et est précisé la possibilité d'un aménagement des compétences respectives des ordres juridictionnels (II). I Un contentieux a priori administratif Les actions en justice que va engager l'ONIC pour récupérer les sommes indûment payées par les bureaux de péréquation semblent relever d'un contentieux administratif. En effet, d'une part, ces organismes ont un statut comparable à celui d'un service public et d'autre part, leurs décisions sont qualifiées d'actes administratifs Un statut assimilé à celui des services publics Les bureaux de péréquation dont les membres étaient nommés par le préfet étaient gérés par la profession organisée Ces deux précisions laissent supposer que les bureaux de péréquation peuvent être assimilés à des organismes professionnels se plaçant à la frontière du droit public et du droit privé, retenant du premier la nomination des membres par l'administration déconcentrée et leur mission (cf. [...]
[...] Ainsi des organismes professionnels ou économiques tels que les bureaux de péréquation adoptent des actes administratifs. La nature administrative des actes des bureaux de péréquation résulte en l'espèce de ce qu'ils sont pris dans la sphère (des) attributions des bureaux chargés de participer à l'exécution d'un service public Le critère du service public reste alors le seul déterminant pour reconnaître un acte administratif. L'arrêt Association Nationale de la Meunerie confirme ainsi l'importance de ce critère après les arrêts Blanco (TC février 1873), Terrier (CE février 1903), etc. [...]
[...] Il va d'abord constater que les bureaux de péréquation et donc l'ONIC qui les a remplacés répondaient au critère de service public car participant à l'exécution d'un service public et que les décisions qu'ils étaient amenés à prendre dans la sphère de ces attributions constituaient des actes administratifs Or aucune disposition législative n'avait jusqu'alors dérogé en la matière aux règles normales fixant la compétence respective des juridictions. Il va alors de soit que les recours sur des actes administratifs sont de la compétence du juge administratif. Enfin le Conseil d'Etat va s'appuyer sur les dispositions de l'article 34 de la constitution qui définit le domaine de la loi. [...]
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