Commentaire d'arrêt, Conseil d'État, 28 décembre 2001, responsabilité hospitalière, faute personnelle
« Si la personnalité de l'agent se révèle par des fautes de droit commun, par un dol, alors la faute est imputable au fonctionnaire, non à la fonction », cette citation du Commissaire du Gouvernement Laferrière caractérise la faute personnelle, qui s'oppose à la faute de service. En matière de responsabilité hospitalière, la faute personnelle peut être une faute commise à l'occasion du service présentant une gravité inexcusable au regard de la déontologie de la profession de médecin, comme l'illustre l'arrêt Valette, rendu par Conseil d'État, le 28 décembre 2001.
En l'espèce, un médecin du service de radiologie du docteur Valette a injecté par erreur de l'eau non stérile à un patient, le 29 juillet 1996. Le jour même, le docteur Valette a appris cette erreur médicale. Suite à l'injection, le patient a subi un choc septique entrainant son admission au service de réanimation de l'hôpital de Lagny la nuit du 29 au 30 juillet, et son transfert le lendemain, en état de détresse respiratoire aiguë, dans un autre l'hôpital. Malgré sa connaissance de l'état de santé du patient et des recherches des médecins pour trouver l'origine du choc septique, le docteur Valette n'a pas informé la famille du patient et les praticiens lui ayant dispensé des soins, de l'injection qu'il avait subie, avant le 31 juillet.
[...] Le CE considère donc que la faute commise par le docteur Valette n'était pas détachable du service et fait ici référence au fait que, dans un souci d'indemnisation, la victime d'une faute commise par un agent de l'administration, peut soit engager la responsabilité de l'agent devant les tribunaux judiciaires lorsqu'il s'agit d'une faute personnelle, soit engager la responsabilité de l'administration dont relève cet agent devant le juge administratif lorsqu'il s'agit d'une faute de service. En l'espèce, la victime a choisi d'engager la responsabilité du docteur Valette. Si elle avait voulu engager la responsabilité du service, l'administration aurait pu se retourner contre l'agent en cas d'existence d'une faute personnelle de l'intéressé (CE juillet 1951, Laruelle et Delville). [...]
[...] Par une ordonnance du 22 octobre 1999, le TA de Paris a transmis la requête de M. Valette au CE, qui l'a enregistrée le 28 octobre 1999. La question qui était posée au CE tenait à savoir si la faute d'un fonctionnaire commise dans le service hospitalier pouvait constituer une faute personnelle. La Haute juridiction répond par l'affirmative, elle estime que l'administration a légalement refusé de donner sa protection à son fonctionnaire avant l'issue des poursuites pénales dont il faisait l'objet en estimant qu'il avait commis une faute personnelle présentant un caractère inexcusable, dans le cadre du service hospitalier (II). [...]
[...] Valette contestait la légalité externe de la décision, estimant qu'elle n'avait pas été prise par l'autorité compétente. Le CE rejette le moyen soulevé par le docteur Valette, car la décision contestée ayant été signée par le directeur des affaires juridiques de l'Assistance Publique Hôpitaux de Paris qui avait reçu délégation de signature du directeur général pour signer toutes décisions ressortissantes aux attributions de la direction juridique par un arrêté du 25 novembre 1997 publié au Bulletin officiel de la ville de Paris le 5 décembre 1997 les conditions de légalité externe sont remplies. [...]
[...] Le rappel du principe de protection de l'administration quant à son fonctionnaire ayant commis une faute de service En l'espèce, le CE rappel qu'aux termes du quatrième alinéa de l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, dans sa rédaction issue de la loi 96-1093 du 16 décembre 1996 : collectivité publique est tenue d'accorder sa protection au fonctionnaire ou à l'ancien fonctionnaire dans le cas où il fait l'objet de poursuites pénales à l'occasion de faits qui n'ont pas le caractère d'une faute personnelle” Ce rappel est nécessaire car le docteur Valette invoque ce principe de protection pour demander la prise en charge par l'administration de ses frais de défense dans son procès pénal, que le CE a déjà eu l'occasion d'accorder dans le passé (CE juin 1999, M. Ménage). Mais cette obligation de protection s'applique uniquement si le fonctionnaire a commis une faute de service, distincte de la faute personnelle depuis l'arrêt Pelletier de 1873 (TC juillet 1873, Pelletier). [...]
[...] II) Un refus de protection légalement justifié par la commission d'une faute personnelle dans le cadre du service hospitalier. En l'espèce, le CE, estime que le caractère inexcusable de la faute du docteur commise dans le service hospitalier Valette entraîne sa qualification de faute personnelle et que la victime aurait pu engager la responsabilité de l'administration Une faute présentant un caractère inexcusable au regard de la déontologie de la profession La Haute juridiction va ici relever le caractère inexcusable du comportement du praticien au regard de la déontologie de la profession pour admettre que l'Assistance publique Hôpitaux de Paris a fait une exacte application des dispositions précitées de l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983 en estimant qu'il avait commis une faute personnelle Le CE rejette ici le moyen soulevé par le docteur Valette selon lequel sa faute ne pouvait être qualifiée de faute personnelle, car elle était non détachable du service hospitalier. [...]
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