Le temps qui s'écoule peut-il créer une vérité factuelle primant sur l'irrégularité formelle ? La question se posait ici à propos du déclassement d'un bâtiment anciennement affecté au service public des écoles et dont la désaffectation, à l'époque, ne s'était déroulée selon la procédure alors en vigueur.
Il résulte des faits que la commune de Mazayes-Basses a accordé, par deux délibérations de son conseil municipal en date du 30 octobre 2003, le déclassement d'un bâtiment situé sur son territoire ainsi qu'une autorisation de la cession de ce bâtiment pour 53 357€ prioritairement au locataire en place à cette date. Il se trouve, en réalité, que le bâtiment faisant l'objet du déclassement et de l'autorisation de cession avait abrité successivement l'école du village jusqu'en 1952, puis les services de la mairie jusqu'en 1988, avant d'être pour partie utilisé comme local associatif et pour partie loué à titre de logement. Or, un particulier, M. A, conteste la procédure d'acquisition au motif qu'il en a été irrégulièrement écarté. Il défère ainsi ces deux délibérations de la commune devant le tribunal administratif de Clermont-Ferrand, tribunal qui rejette sa demande dans un arrêt en date du 22 mars 2005. M. A fait donc appel de la décision devant la Cour administrative d'appel de Lyon qui fait partiellement droit à sa demande dans une décision rendue le 11 décembre 2007, puisque celle-ci annule le jugement du tribunal administratif ainsi que les délibérations attaquées. En effet, pour les juges d'appel, la délibération était illégale, car contraire à l'article L. 2121-30 du CGCT. En effet, le déclassement était en réalité intervenu sans la consultation préalable du représentant de l'État alors que le bâtiment avait été affecté au service public de l'instruction publique. La commune de Mazayes-Basses se pourvoit donc en cassation en demandant aux juges du Conseil d'État d'annuler l'arrêt de la Cour administrative d'appel de Lyon, de régler l'affaire au fond et de mettre à la charge de M. A la somme de 3000€ au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du CJA.
[...] La Cour administrative d'appel de Lyon suit le demandeur dans son raisonnement. Les juges d'appel jugeant en effet la délibération illégale au motif que le déclassement était intervenu sans la consultation au préalable du représentant de l'Etat prévu par les dispositions de l'article L. 2121-30 du CGCT. Pourtant, le Conseil d'Etat adopte une position totalement différente et censure la décision de la Cour administrative d'appel. Le Conseil d'Etat rappelle qu'en 1952, au moment où la désaffectation a matériellement eu lieu, cet article L. 2121-30 n'était pas applicable. [...]
[...] Le Conseil d'Etat confirme donc la possibilité pour la commune de Mazayes-Basses de pouvoir aliéner le bien anciennement affecté au service public des écoles. En effet, l'acte de déclassement entraîne une sortie du bien concerné du domaine public de la commune. Le bâtiment appartient désormais à son domaine privé, c'est-à-dire qu'il reste propriété de la commune, mais qu'il n'est plus soumis aux règles très strictes qui protègent le domaine public d'une personne publique, notamment en raison de l'affectation du bien au service public. [...]
[...] La légalité de l'autorisation de cession Pour le Conseil d'Etat, en application de l'article L. 821-1 du CJA qui prévoit que le Conseil d'Etat peut régler l'affaire au fond si une bonne administration de la justice le justifie, les circonstances de l'espèce lui permettent de pouvoir régler l'affaire au fond. Il va donc ainsi se prononcer sur la légalité de la décision de déclassement, mais également sur la régularité de la délibération ainsi que sur le problème tenant à la résolution de la vente demandée par M. [...]
[...] Il ressort de ces dispositions, et de l'arrêt du Conseil d'Etat rendu le 2 décembre 1994, Commune de Pulversheim, que le conseil municipal ne peut prononcer la désaffectation de bâtiments scolaires sans avoir au préalable recueilli l'avis du préfet. L'avis du préfet est donc désormais une formalité substantielle dans la décision de désaffectation de locaux scolaires, c'est l'argument que faisait valoir le demandeur en première instance et c'est sur ce fondement que la Cour administrative d'appel de Lyon a annulé les délibérations contestées. [...]
[...] Dans cet arrêt, le Conseil d'Etat nous apporte des éléments importants concernant la sortie du domaine public des locaux scolaires initialement affectés au service public des écoles. En effet, les juges font ici prévaloir une situation de fait établie depuis plus d'un demi-siècle sur une procédure de désaffectation manifestement illégale. Ainsi, le Conseil d'Etat décide que le conseil municipal a pu légalement procéder, par la délibération attaquée, au déclassement du bâtiment litigieux en vue de son aliénation, sans recueillir l'avis du représentant de l'Etat, dès lors que ce bâtiment n'était plus affecté au service public des écoles Dans une première partie, nous verrons quelle est la portée de cet arrêt concernant le déclassement des biens affectés au service public des écoles, puis dans une seconde partie nous verrons qu'elles sont les conséquences du déclassement d'un bien sur les modalités de sa cession. [...]
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