Commentaire d'arrêt, conseil d'état, 26 mai 2010, Mafille, responsabilité de l'état, faute de l'administration, responsabilité pour faute, faute simple, préjudice, indemnisation, droit administratif, délai raisonnable de jugement, fonctionnement défectueux du service de la justice
« L'état est tenu de réparer le dommage causé par le fonctionnement défectueux de la justice ». Cet alinéa de la loi du 5 juillet 1972 met fin à l'irresponsabilité de l'état du fait du fonctionnement défectueux de la justice.
Mais ce fondement qui a servi dans un premier temps de fondement au Conseil d'État pour engager la responsabilité de l'état s'est vite montré insuffisant et c'est à partir d'une construction jurisprudentielle que s'est peu à peu établi le régime de responsabilité de l'état du fait du fonctionnement défectueux de la justice. Le juge administratif a dans un premier temps abandonné la faute lourde dans l'engagement de la responsabilité de l'état et a étoffé sa jurisprudence jusqu'au 26 mai 2010, arrêt dans lequel le Conseil d'État va préciser l'ensemble du régime de responsabilité de l'état du fait du fonctionnement défectueux de la justice.
Les 6 avril 1993, 12 juillet 1993 et 4 janvier 1994, M.A saisit le tribunal administratif de Rennes en annulation de trois arrêtés le radiant du service de la commune de Brest au 1er avril 1992. Le 23 novembre 1994, le tribunal administratif de Rennes annule les arrêtés attaqués et le 3 janvier 1995, M.A est réintégré dans les services de la commune de Brest sans être pour autant affecté à un emploi. Voulant être réintégré à un emploi correspondant à son grade, M.A engage de multiples procédures devant la juridiction administrative, qui aboutissent le 11 février 2005 à sa réaffectation sur un emploi correspondant à son grade.
Mécontent de la durée qu'a prise la procédure pour le réaffecter à son emploi, M.A saisi effectue une demande d'indemnisation en réparation du préjudice qu'il a subi en raison du fonctionnement défectueux de la justice auprès du garde des Sceaux le 23 novembre 2007, lequel a rejeté implicitement sa demande. M.A forme alors une requête devant le Conseil d'État le 19 mai 2008. Le Conseil d'état le 26 mai 2010 fait droit à la demande de M.A déclarant l'état responsable du fonctionnement défectueux du service de la justice. Les questions suivantes se posent :
Dans quelles mesures le dépassement du délai raisonnable de jugement engage-t-il la responsabilité de l'état du fait du fonctionnement défectueux du service de la justice ? Quels sont les préjudices indemnisables du fait du dépassement du délai raisonnable de jugement devant la juridiction administrative?
[...] Un rejet critiquable en l'espèce Le conseil d'État rejette la demande d'indemnisation du préjudice de M. A découlant du comportement de la commune de Brest qui s'opposant sans cesse à son affectation à un emploi au sein des services de la commune. Cette position s'explique par le l'exigence d'un lien de causalité direct entre le préjudice subi et le dysfonctionnement des services de la justice. Mais si l'on s'interroge sur le but poursuivi par la sanction du dépassement du délai raisonnable de jugement, on comprend que l'intérêt est de réduire les délais d'attente des usagers du service public de la justice. [...]
[...] Bien que dans la réparation, le conseil d'État ne fasse pas de différence entre préjudices matériels et préjudice moral, tout dommage n'est pas réparable sur le fondement du dépassement du délai raisonnable de jugement. Les limites à l'indemnisation du préjudice causé par le fonctionnement défectueux du service de la justice Le conseil d'État pose une limite temporelle du préjudice indemnisable et exige un lien de causalité direct entre le préjudice et le dysfonctionnement du service de la justice La délimitation temporelle du préjudice indemnisable L'indemnisation du préjudice se rapportant à la période excédant le délai raisonnable Tout préjudice n'est pas indemnisable, et le conseil d'État va poser une première limite : ils peuvent obtenir la réparation de l'ensemble des préjudices [ ] causés par le fonctionnement défectueux du service de la justice et se rapportant à la période excédant le délai raisonnable Il y a donc une première limite temporelle dans la détermination du préjudice indemnisable : le préjudice n'est réparable que s'il résulte de la période entre la fin du délai raisonnable et l'exécution effective de la décision de justice. [...]
[...] Par conséquent le conseil d'État exclu des préjudices indemnisables, tous les préjudices se rapportant à la période du délai raisonnable de jugement. La légitimité de cette limite de fait aucun doute puisque l'on répare un préjudice né d'une faute, car on est dans une responsabilité pour faute de l'état. Il est donc logique que les préjudices résultant de la période du délai raisonnable ne soient pas indemnisés, puisque dans cette période, il n'y a aucune faute de l'état du fait du fonctionnement du service de la justice. [...]
[...] C'est cette durée d'exécution anormalement longue qui est relevée par le conseil d'État. Une exécution effective du jugement tardive sanctionnée Le conseil d'État sur le fondement du droit à voir sa requête jugée dans un délai raisonnable a donc sanctionné l'exécution tardive du jugement du 23 mai 1994, dont la durée a excédé le délai raisonnable d'exécution d'une décision de justice. Donc le conseil d'État en a déduit une faute de l'état en raison du mauvais fonctionnement du service de la justice. [...]
[...] Comme on peut le constater, bien que le fondement de la responsabilité de l'état du fait du fonctionnement défectueux du service de la justice ait changé, la faute de ce dernier s'apprécie toujours par le dépassement du délai raisonnable de jugement. On comprend donc l'importance de définir ce qu'entend la haute juridiction administrative par le terme de délai raisonnable de jugement notion qui constitue la base de la responsabilité de l'état. Une appréciation in concreto du caractère raisonnable du délai de jugement Il est pertinent de s'interroger dans un premier temps sur la manière dont le conseil d'État apprécie le caractère raisonnable du délai de jugement puis dans un second temps sur la portée de cette appréciation sur l'engagement de la responsabilité de l'état Une appréciation globale circonstanciée Le conseil d'État emploie la formule suivante : le caractère raisonnable du délai doit s'apprécier de manière globale, compte tenu de l'exercice des voies de recours Par ce mode d'appréciation déjà présent dans la jurisprudence Magiera pour partie, on observe une appréciation circonstanciée du délai raisonnable de jugement compte tenu de l'exercice des voies de recours, de la complexité de l'affaire, des conditions de déroulement de la procédure. [...]
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