Suite aux violences urbaines qui ont débuté dans la nuit du 27 au 28 octobre 2005, le Président de la République a pris le décret n°2005-1386 du 8 novembre 2005, délibéré en Conseil des ministres, portant application de la loi du 3 avril 1955. Ce décret déclare l'état d'urgence sur le territoire métropolitain à compter du 9 novembre 2005 et précise que l'état d'urgence ainsi énoncé met en application le 1° de l'article 11 de la loi du 3 avril 1955 conférant à l'autorité administrative le pouvoir d'ordonner des perquisitions de jour et de nuit. Ce décret donne lieu à l'adoption du décret simple n°2005-1387, pris par le premier ministre, relatif à l'application de la loi du 3 avril 1955.
Le Conseil d'Etat, statuant en premier et dernier ressort sur ces décrets, a été saisi, en tant que juge de l'excès de pouvoir, par deux requérants M. Rolin et M. Boisvert qui demandaient l'annulation de ces deux décrets sur le fondement que la loi du 3 avril 1955 n'était pas légalement applicable car elle aurait, d'une part, été implicitement abrogée par l'entrée en vigueur de la Constitution de 1958 et, d'autre part parce qu'elle ne serait pas compatible avec les stipulations de la Convention européenne des droits de l'homme.
[...] L'ordonnance n'en dit pas davantage sur les modalités concrètes d'intervention de l'autorité judiciaire. II. Le choix d'un contrôle de légalité proportionné Un contrôle de proportionnalité influencé par le juge européen Concernant le décret d'application pris par le Premier ministre, il semble que le juge administratif exerce un contrôle de proportionnalité des mesures prises sous l'influence du juge européen des droits de l'homme. En effet, la Cour européenne des droits de l'homme contrôle les mesures concrètes d'application prises par les autorités de police, comme elle l'a fait dans son arrêt de 1961, Lawless Irlande, en examinant la proportionnalité de la mesure. [...]
[...] La question n'a pas été tranchée concernant la nature du contrôle que le juge de l'excès de pouvoir pouvait exercer sur la déclaration d'urgence s'il était amené à statuer avant l'intervention de la loi de prorogation ou postérieurement au délai de douze jours, dans un cas où le gouvernement n'aurait pas sollicité la prorogation. L'article 1er de la loi du 3 avril 1955 peut être vu comme une condition légale justifiant l'application d'un contrôle entier. Il était possible également de prôner un contrôle d'adéquation de la mesure à la menace à l'ordre public, dans la droite ligne de la décision Benjamin de 1933, dès lors que la déclaration d'urgence déclenche l'application d'un régime de police exceptionnel. [...]
[...] Mais le plus pertinent est l'exercice d'un pouvoir restreint par le juge puisque l'exécutif exerce une mission très régalienne en déclarant l'état d'urgence et dispose d'un pouvoir d'appréciation étendu que remarque le juge des référés dans son ordonnance Rolin du 14.11 .2005. [...]
[...] Or, la décision du Président de la République de déclarer l'état d'urgence, prise seule, ne touche ni aux relations entre les pouvoirs constitutionnels ni à l'exercice de la fonction législative, même si elle donne des pouvoirs accrus aux autorités de police. Concernant l'objet du litige, le Conseil d'Etat a adopté une solution de non-lieu sur le décret déclarant l'état d'urgence, en raison de l'entrée en vigueur, postérieurement à l'enregistrement des requêtes de MM. Rolin et Boisvert, de la loi du 18 novembre 2005 prorogeant l'état d'urgence au-delà du délai initial de douze jours. [...]
[...] La première déclenche l'état d'urgence, la seconde le maintient pour l'avenir, sans autres effets de droit, notamment rétroactif. Cette optique est d'autant plus concevable que le régime de l'état d'urgence ne crée pas de lien si indissoluble entre le pouvoir législatif et exécutif que la perspective d'une intervention du premier ait pour conséquence d'excepter de tout contrôle juridictionnel l'initiative du second. Ce non-lieu concernant le décret du président de la République a pour conséquence de ne pas régler le sort réservé à la possibilité pour les autorités administratives d'ordonner des perquisitions de jour comme de nuit. [...]
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