La Cour des comptes occupe aujourd'hui une place importante dans le débat politique qu'elle alimente par le biais notamment de ces rapports publics. Mais la Cour des comptes est également juge des comptables de fait. C'est dans le cadre de cette double attribution juridictionnelle et administrative que s'inscrit l'arrêt suivant.
Dans le cadre de ses compétences administratives, la Cour des comptes a effectué le contrôle de la gestion de divers services de l'armée de terre. Au cours de son contrôle, celle-ci a mis en évidence un système de fausses factures.
Suite à ces découvertes, la Cour décidait de mettre en œuvre une procédure de gestion de fait comme ses pouvoirs juridictionnels le lui permettent. En 1995, la Cour rendait dans un premier temps un arrêt déclarant, à titre provisoire, certains personnels comptables de fait de l'État. Parallèlement à ces procédures, la Cour décidait d'intégrer dans son rapport pour 1996, ces faits en opérant une véritable qualification juridique avant même le rendu d'un quelconque arrêt. Postérieurement à la parution de ce rapport public, la Cour des comptes rendait enfin un arrêt en date du 7 novembre 1997 par lequel elle confirmait de manière définitive la gestion de fait à l'encontre des personnes faisant l'objet de la procédure.
[...] Dans cette décision le conseil d'état fait une application classique du principe d'impartialité en l'appliquant cependant à la juridiction dans sa globalité mais en revanche, fait application des principes relatifs au droit de la défense dont la procédure de gestion de fait qui en était jusqu'alors exclue. Il convient d'étudier dans un premier temps la double motivation de cet arrêt du conseil 1 d'état qui allie l'impartialité aux droits de la défense pour justifier son annulation Cependant il n'en demeure pas moins que cette décision reste un cas particulier sans réel écho possible étant données les particularités de la Cour des Comptes (II). [...]
[...] En droit français, l'application de la présomption d'innocence est limitée à la matière pénale stricto sensu. Le juge administratif avait d'ailleurs clairement rappelé dans sa jurisprudence que lorsque la cour des comptes statue dans le cadre de la gestion de fait, celle-ci n'entre pas dans le champ d'application de l'article 6 de la convention européenne ( sauf lorsqu'elle inflige une amende C'est finalement cette proximité avec le droit pénal qui va pousser le conseil à faire une application particulière des droits de la défense. [...]
[...] C'est donc dans ces conditions que l'assemblée du conseil d'état a décidé d'enrichir les droits de la défense et notamment le principe de la présomption d'innocence en s'inspirant de la jurisprudence européenne entourant l'application de l'article CEDH. Un droit interne enrichi par les apports européens Comme nous l'avons rappelé supra, le juge administratif fait ici application des droits de la défense bien que ces derniers ne soient pas réellement applicables à la procédure en question. Cette application démontre selon Mattias Guyomar que le juge administratif s'est progressivement inspiré de la jurisprudence européenne entourant l'article 6 CEDH pour enrichir le droit interne là où ce même article n'a pas vocation à être appliqué. [...]
[...] Bien que le fait lui-même d'intégrer cette affaire aux rapport public, c'est bien la qualification des faits qui posait problème. Cette qualification, combinée avec la procédure d'adoption du rapport avait eu, selon le Conseil, pour conséquence de disqualifier de manière définitive l'institution. Il nous faut ici relativiser les faits tant ils sont particuliers et ne connaissent d'après nous aucun précédent avec la juridiction ordinale. Cependant cet incident était l'occasion pour les commentateurs et pour le commissaire lui-même de développer une réflexion sur l'articulation possible des deux attributions. [...]
[...] La Cour des Comptes pouvait-elle légalement déclarer les requérants coupables de gestion de fait alors même qu'elle avait évoqué les faits dans un rapport précédant cet arrêt ; rapport dans lequel elle avait qualifié juridiquement les agissements ? Afin de répondre à cette question le Conseil d'État réunit en assemblée doit vérifier qu'il n'y a pas eu confusion entre les attributions administratives et juridictionnelles de la Cour. La question qui se pose est donc de savoir si, en prenant position sur l'affaire dans son rapport public avant que ne soit rendu l'arrêt de déclaration définitive de gestion de fait, la Cour a pris position et de ce fait méconnu le principe d'impartialité. [...]
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