commentaire d'arrêt, Conseil d'État, 2 novembre 2011, amortissement des incorporels, SA Clarence Dillon
L'amortissement se définit comme la constatation en comptabilité de la dépréciation subie au cours d'un exercice par un élément qui se détériore par l'usage ou par le temps (P. Serlooten, Droit fiscal des affaires, Précis Dalloz 5e édition).
Concrètement, l'amortissement d'un bien d'une entreprise conduit, via la réduction de son résultat brut, à une baisse de son bénéfice imposable. Ainsi, l'amortissement se traduit par une amélioration de la sincérité des bilans comptables et une incitation fiscale à investir.
L'arrêt qu'il s'agit d'étudier apporte des précisions sur les règles fiscales régissant l'amortissement des éléments incorporels de l'actif immobilisé des entreprises. Selon le doyen Cornu, un bien est dit incorporel dès lors qu'il est « impalpable, immatériel » comme, par exemple, un brevet.
En l'espèce, la SA Domaine Clarence Dillon, a acquis en 1983 un domaine viticole comprenant les terres et bâtiments d'exploitation d'un domaine viticole de renom. Le montant de la cession s'élevait à 57, 7 millions de francs. Parmi ce montant, la valorisation des éléments autres que les bâtiments d'exploitation, soit 40, 3 millions, n'était pas détaillée.
[...] Ainsi, la marque viticole est assimilée par la Haute assemblée à une immobilisation incorporelle alors même que son propriétaire ne peut la céder. La marque est un bien incorporel. Ainsi, la valeur des plantations doit être réduite de la valeur de cette marque puisque le Conseil d'Etat estime que la valeur de cette marque doit figurer au bilan dans le compte correspondant à l'actif immobilisé incorporel. Par voie de conséquence, à la valeur déclarée des plantations et des terres doit être défalquée celle de la marque attachée au vignoble. [...]
[...] En effet, selon le Conseil d'Etat, elle a sous-estimé la part des coûts d'entretien. Donc, par l'arrêt du 2 novembre 2011, le Conseil d'Etat fixe la valeur amortissable des vignes à partir du coûts des plantations, majoré des frais d'entretien des trois premières années de culture. Cet arrêt révèle que l'évaluation de biens incorporels comme une marque viticole est sujette à de fortes incertitudes. Le contribuable peut donc d'autant craindre un redressement que cet arrêt démontre que l'Administration n'hésite pas à le mettre en oeuvre plusieurs années après les faits. [...]
[...] Or, même après l'arrêt déjà rendu par le Conseil d'Etat en 2007, la méthode pour obtenir cette valeur était incertaine. Il ne fait aucun doute que la valeur amortissable des vignes devait être diminuée car elle comprenait un élément non amortissable (la marque du vignoble, bien incorporel dont il est impossible de déterminer une date à laquelle ses effets bénéfiques cesseront). En 2007, le Conseil d'Etat proposait deux méthodes : par une évaluation directe ou bien par différence entre le coût global de l'exploitation et celui des autres éléments dont le coût est déjà connu. [...]
[...] Cette condition de dépréciation soulève des questions relativement aux biens incorporels. En effet, selon le Code Général des Impôts, les immobilisations incorporelles ne se déprécient pas de manière irréversible Cela devrait donc faire obstacle à leur amortissement. Pourtant, le Conseil d'Etat est favorable à l'amortissement d'un élément incorporel de l'actif immobilisé dès lors qu'il est certain, dès sa création ou son acquisition, que ses effets bénéfiques prendront fin nécessairement à une date déterminée (CE avril 1979). En l'espèce, la marque viticole ne remplit pas le critère de la fin prédéterminée des effets bénéfiques. [...]
[...] Selon l'administration, l'évaluation était gonflée par la valeur de la marque du vignoble cédé. Or, cette marque constitue un bien incorporel qui ne peut pas faire l'objet d'amortissement. Le Conseil d'Etat, après une première décision rendue le 28 décembre 2007, statua sur renvoi à propos d'un arrêt rendu le 27 avril 2010 par la Cour administrative d'appel de Bordeaux . La Cour administrative d'appel donnait partiellement raison à l'administration fiscale en estimant les plantations à par hectare. Il s'agissait pour la Haute juridiction administrative de déterminer si cette estimation était acceptable. [...]
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