Commentaire d'arrêt comparé : Institution Notre Dame de Kreisker 29 janvier 1954 et Mme Duvignires du 18 décembre 2002, circulaires
Dans la vie de tous les jours, l'administration peut être amenée à prendre différents actes unilatéraux : des textes réglementaires posant des règles générales et impersonnelles, mais aussi des circulaires, émanant d'un chef de service et destinées aux fonctionnaires placés sous son autorité, qui permettent l'interprétation et l'application des lois et des règlements.
Les circulaires possèdent donc un rôle d'intermédiaire entre la disposition générale et le personnel qui est supposé en faire l'application. Cependant, en réalité, ce rôle d'intermédiaire sera nuancé en fonction de la nature de la circulaire, d'où l'intérêt de se pencher sur les deux arrêts suivants.
L'arrêt « Institution Notre Dame de Kreisker » rendu par le Conseil d'État le 29 janvier 1954 ainsi que l'arrêt « Mme Duvignères » rendu en Section par le Conseil d'État, le 18 décembre 2002, sont relatif au régime contentieux des circulaires.
Dans la première espèce, les faits sont que le ministre de l'Éducation nationale prend une circulaire destinée à fixer des règles relatives à la constitution des dossiers de demande de subvention. Le 25 février 1950, le sous-préfet de Morlaix exige alors, dans une lettre, que le dossier de demande de subvention de l'institution Notre-Dame du Kreisker soit constitué conformément aux prescriptions de la circulaire en question.
L'institution saisit, alors le juge administratif par recours contre un excès de pouvoir du ministère de l'Éducation nationale.
Dans la seconde espèce, les faits sont que Mme Duvignères, après s'être vue refuser la demande du bénéfice de l'aide juridictionnelle au motif que ses ressources, aide personnalisée au logement compris, étaient trop élevées, demande au garde des Sceaux d'abroger le décret du 19 décembre 1991 relatif à l'aide juridictionnelle, ainsi que la circulaire du 26 mars 1997.
Celui-ci refuse par lettre le 23 février 2001.
Mme Duvignères saisit, alors le juge administratif afin qu'il annule pour excès de pouvoir la lettre de refus d'abroger le décret et la circulaire de la garde des Sceaux.
Le problème de droit auquel a été confronté le juge administratif lors de ces deux arrêts est le suivant : quel caractère une circulaire doit-elle présenter pour pouvoir faire l'objet d'un recours de la part des administrés ?
[...] Cependant, il est possible que des circulaires ne se contentent pas d'interpréter les textes et ajoutent des dispositions nouvelles. Il s'agit alors de circulaires règlementaires. Celles-ci, du fait qu'elles apportent une modification à l'ordonnancement juridique et présentent, dès lors, un caractère innovatoire, sont attaquables, invocables et opposables car considérées comme de véritables décisions administratives. Ainsi, dans cet arrêt, le Conseil d'Etat approuve la requête de l'institution Notre-Dame de Kreisker car il affirme que la circulaire du ministre de l'Éducation nationale est entachée d'un excès de pouvoir du fait qu'elle présente un caractère règlementaire. [...]
[...] La circulaire du 11 janvier 1950 est ainsi annulée et la requête de l'Institution Notre-Dame de Kreisker est approuvée. Quant à l'arrêt du 18 décembre 2002, le Conseil d'Etat y affirme que le décret du 19 décembre 1991 est entaché d'illégalité en tant qu'il inclut l'A.P.L. sans retenir l'allocation de logement familiale alors que leurs finalités sociales sont similaires et que le ministre de la Justice doit alors préparer un projet de décret pour l'abroger. Dans cet arrêt le Conseil d'Etat admet la recevabilité du recours de Mme Duvignères en abandonnant la distinction entre circulaires interprétatives et règlementaires et consacre le caractère impératif de la circulaire comme critère de recevabilité du recours. [...]
[...] Ainsi, grâce à la nouvelle distinction, une circulaire bien qu'elle soit interprétative peut faire l'objet d'un recours dès lors qu'elle est impérative. La jurisprudence Mme Duvignères a dépassé le caractère interprétatif. Ici, dans cet arrêt nous sommes en présence d'une erreur de droit car une circulaire prescrit l'application d'un texte illégal. En effet, en l'espèce, la circulaire du 26 mars 1997 réitère et donc interprète la règle fixée par l'article 2 du décret du 19 décembre 1991 qui a été jugé illégale car contraire au principe d'égalité. [...]
[...] Ainsi, c'est pour remédier aux limites de la jurisprudence Institution Notre-Dame du Kreisker que le juge va définir un nouveau critère de recevabilité. La consécration du critère de l'impérativité par la jurisprudence Mme Duvignères Le Conseil d'Etat, dans son arrêt du 18 décembre 2002, a dû se pencher sur la possibilité d'exercer un recours contre une circulaire administrative interprétant un texte illégal mais sans présenter un caractère innovatoire, caractère qui était posé par la jurisprudence Institution Notre-Dame de Kreisker comme critère unique de recevabilité de ce type de recours. [...]
[...] Précédemment, pour qu'une circulaire ne soit pas opposable aux administrés et qu'elle ne puisse pas non plus être invoquée, il fallait qu'elle présente un caractère interprétatif c'est-à-dire qu'elle se contente d'interpréter la norme supérieure sans rien y ajouter. Désormais, avec l'arrêt Mme Duvignières les circulaires pour disposer du même avantage doivent être non impératives. Ces dernières ne produisent aucun effet de droit, elle se borne à conseiller leurs destinataires d'agir dans un sens déterminé tout en respectant leur liberté de décision et représentent donc de simples recommandations. [...]
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