La section du contentieux du Conseil d'État, dans cet arrêt du 29 décembre 1997, opère un revirement de jurisprudence relatif à la dérogation du principe d'égalité des usagers devant le service public pour un motif d'intérêt général.
En l'espèce, le conseil municipal de Gennevilliers a mis en place différents tarifs d'inscriptions au conservatoire municipal de musique en fonction des ressources financières des familles et du nombre de personnes vivant au sein du ménage.
[...] Le motif de l'intérêt général Les conservatoires municipaux de musique sont des services publics à caractère facultatif. Ces services ont un régime hybride d'après Thierry-Xavier Girardot et Fabien Raynaud[4], car ils sont soumis aux règles régissant les services publics administratifs, tel que le principe d'égalité, mais en raison de leur caractère facultatif, les communes peuvent décider de leur ouverture, de leur fermeture, de leur réduction, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir. En 1985, le Conseil d'Etat dans l'arrêt Ville de Tarbes[5], avait jugé, pour le même cas d'espèce que compte tenu de l'objet du service et de son mode de financement, il n'existait aucune nécessité d'intérêt général justifiant, pour la fixation des droits d'inscription, une discrimination fondée sur les seules différences de ressources entre les usagers L'arrêt commune de Gennevilliers opère donc un revirement de jurisprudence en soutenant que l'intérêt général peut justifier une distinction tarifaire en fonction des revenus des familles, et donc une dérogation au principe d'égalité. [...]
[...] Une fois ce principe posé, une question se pose, quelle portée faut-il donner à l'égalité ? En effet, l'égalité peut revêtir plusieurs formes, il peut s'agir d'une égalité en droits, c'est à dire traiter de la même façon les personnes, quelles que soient leurs situations où il peut également s'agir d'une égalité réelle, où le but est de corriger les inégalités de fait pour que le service public soit plus équitable. En parlant de principe d'égalité, on retient normalement la première approche néanmoins dans certains cas, cette vision est écartée pour une approche plus équitable. [...]
[...] Le préfet déféra cette décision devant le tribunal administratif de Paris dans le cadre du contrôle de légalité des actes des collectivités territoriales sur l'unique motif de la méconnaissance du principe d'égalité des usagers devant le service public. Le tribunal administratif a accueilli la demande du préfet. La commune de Gennevilliers a fait appel de ce jugement devant le Conseil d'État en demandant l'annulation du jugement du tribunal administratif rendu le 17 décembre 1993, et par la même occasion de rejeter le déféré du préfet des Hauts-de-Seine. [...]
[...] II Le principe d'égalité relativisé, mais préservé A travers plusieurs décisions à propos des services publics administratifs à caractère facultatif, le juge administratif s'est éloigné de la vision traditionnelle du principe d'égalité afin d'instaurer davantage d'équité en raison de l'intérêt général ce revirement de jurisprudence présentait certains dangers pour le principe d'égalité, l'intervention du législateur a permis de clarifier le droit positif en cette matière A Un revirement de jurisprudence attendu Tout d'abord, Mr Laserre, commissaire au gouvernement lors de l'arrêt Ville de Tarbes, avait invité le Conseil d'État à prendre en compte des considérations d'intérêt général pouvant justifier la modulation des tarifs en fonction des revenus des familles, ce qui prouve que déjà à l'époque, cette question était litigieuse. En 1987, le Conseil autorise la modulation tarifaire entre les résidents et les non-résidents d'une commune pour l'inscription à un conservatoire municipal de musique[6]. Néanmoins cette décision était basée sur la différence de situation entre les usagers, ce qui n'est pas le cas en l'espèce. [...]
[...] Dans trois décisions ultérieures, le Conseil d'État admet la possibilité de moduler les tarifs en fonction des possibilités financières des usagers pour un motif d'intérêt général. Ces trois décisions concernaient des services publics administratifs à caractère facultatif et respectivement les crèches[7], les cantines scolaires[8] et les centres de loisirs[9]. C'est en ce sens que le commissaire au gouvernement de cette décision Mr Stahl indique dans son rapport que la jurisprudence Ville de Tarbes était une figure de solution isolée ».Le Conseil d'État a donc logiquement clarifié sa jurisprudence dans cette matière. [...]
Bibliographie, normes APA
Citez le doc consultéLecture en ligne
et sans publicité !Contenu vérifié
par notre comité de lecture