La commune présente une requête devant le Conseil d'Etat en vue de faire annuler le jugement au motif que l'interdiction de la publicité en faveur des « messageries roses » était justifiée à la fois par le caractère immoral de ces messageries et par l'atteinte qu'elles portent à la dignité humaine.
Le Conseil d'Etat a eu à répondre à la question de savoir si le simple caractère immoral d'une activité peut justifier son interdiction par le biais d'une mesure de police administrative.
Il a rejeté la requête de la commune au motif d'une part que le caractère immoral d'une activité ne permet pas en lui-même de justifier son interdiction, si aucun risque de troubles matériels sérieux ou si aucune circonstance locale particulière n'est établie, d'autre part que la commune n'apporte aucun élément au soutien du moyen selon lequel l'arrêté répondait à la nécessité de prévenir une atteinte à la dignité.
Le Conseil d'Etat rappelle, à travers cette décision, que l'immoralité d'une activité n'est pas un motif d'interdiction valable en lui-même (I), cette limite se justifiant aisément mais présentant néanmoins une exception (II)
[...] Commentaire d'arrêt : CE décembre 1997 commune d'Arcueil La police administrative a pour but le maintien de l'ordre public. Ce dernier consiste, selon le Code Général des Collectivités Territoriales, en la tranquillité, la salubrité et la sécurité publique. Cependant l'article 2212-2 du même code évoque aussi le bon ordre Nombres d'auteurs estiment que c'est en partant de cette notion floue que la jurisprudence a pu étendre dans certains cas le contenu de l'ordre public. Dans un arrêt de rejet du 8 décembre 1997 commune d'Arcueil le Conseil d'Etat se prononce sur la possibilité d'intégrer à la notion d'ordre public celle de bon ordre moral En l'espèce le maire de la commune d'Arcueil interdit, par arrêté du 14 mai 1990, l'affichage publicitaire en faveur des messageries roses L'Union des chambres syndicales de la publicité extérieure attaque l'arrêté devant le juge administratif. [...]
[...] La dignité humaine est en elle-même une des composantes de l'ordre public, le Conseil d'Etat estimant que l'essence même de la notion de dignité humaine ne tolère pas des appréciations différentes d'une commune à une autre Cette jurisprudence est critiquable pour les mêmes raisons que l'est l'acceptation de l'immoralité en générale comme but de police administrative. Le risque est identique que celui décrit précédemment .Il consiste en l'appréciation subjective du juge de la teneur de la dignité humaine. [...]
[...] Pourtant il existe une hypothèse ou l'immoralité d'une activité entraîne son interdiction sans plus de conditions, et c'est ce que nous allons voir. B'/ La dignité humaine but de police administrative à elle seule On ne peut douter du caractère moral de la dignité humaine, son non respect étant puni parce qu'il choque l'ordre moral Le respect de la dignité humaine est également une exigence constitutionnelle, il est donc normal qu'elle soit protégée. Ce qui est beaucoup moins normal c'est que le juge administratif puisse déclarer qu'une activité porte atteinte à la dignité publique, et qu'en cela elle peut faire l'objet d'une mesure de police administrative l'interdisant, sans qu'aucune autre condition ne soit nécessaire. [...]
[...] D'après la jurisprudence sur les visas cinématographiques et notamment l'arrêt société les films Lutetia du 18 décembre 1959, s'il n'existe pas de troubles matériels sérieux,le caractère immoral d'un film ET des circonstances locales particulières préjudiciables à l'ordre public peuvent être de nature à justifier l'interdiction de la diffusion d'un film, autorisé sur le territoire national, dans une commune. L'arrêt commune d'Arcueil reprend ce raisonnement et l'applique à un domaine complètement étranger à celui des interdictions de diffusion d'un film, faisant ainsi de l'exigence de circonstances locales en plus d'une atteinte au bon ordre moral un critère général, et non plus spécifique au domaine cinématographique, justifiant l'interdiction au niveau local d'une activité immorale autorisée au niveau nationale. [...]
[...] Cette exigence a pour conséquence l'ignorance totale du caractère immoral de l'activité. Celui-ci ne joue aucun rôle justificatif vis-à-vis de l'interdiction, celle-ci étant prise en considération des risques de troubles matériels, et donc des risques d'atteinte non au bon ordre moral mais à l'ordre moral matériel tel qu'il est défini originairement (tranquillité, sécurité, salubrité publiques) Ce qui est pris en compte ce sont les atteintes à l'ordre public matériel qui peuvent être générés par les atteintes à l'ordre moral, et non directement les atteintes à l'ordre moral. [...]
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