« Nemo auditur propriam turpitudinem allegans: nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude ». Une règle pour le moins oubliée du Conseil d'Etat pendant un temps
(CE Ass. 6.5.1966 Ville de Bagneux) mais qu'il ne tarda pas à réinstaurer en 2001
(CE Ass. 26.10.2001 Ternon, GAJA) puis à réaffirmer implicitement par cet arrêt de Section du Conseil d'Etat du 6 novembre 2002.
Un fonctionnaire territorial, Madame Soulier, formule une demande auprès du Maire de Castries à bénéficier d'une prime d'activité. Par arrêté en date du 25 août 1992, le maire accorde cet avantage en lui conférant une nouvelle bonification indiciaire de trente points. Par suite, ce dernier décide par un nouvel arrêté pris le 7 juin 1993 de retirer l'acte initial (...)
[...] des chemins de fer de l'Est, GAJA), l'abrogation d'un acte créateur de droits n'est possible que pour motif d'illégalité. Le régime de l'abrogation parait en effet aussi limité que le retrait aux considérations des droits acquis à une exception près, tout délai paraissant parfaitement exclu par le juge. Mais si l'administration semble bénéficier d'une plus grande liberté en matière d'abrogation, cette faculté ne la dispense cependant pas d'assurer l'application de la loi du 11 juillet 1979 qui précise que toute décision individuelle qui abroge un acte créateur de droits doit être motivée (principe de sécurité des relations juridiques). [...]
[...] Le juge consacre par la même un revirement de la jurisprudence Buissière de 1976 (CE Sect Buissière) qui établissait une distinction entre les actes pécuniaires pris soit en vertu d'un pouvoir discrétionnaire (créateurs de droits), soit d'une compétence liée (non créateurs de droits). Le juge opère par suite une application traditionnelle de la jurisprudence Ternon de 2001 (CE Ass Ternon) lorsque notamment eu égard à son caractère d'acte créateur de droits, la décision du 25 août 1992 lui attribuant cet avantage ne pouvait être légalement retirée après l'expiration du délai de quatre mois suivant son édiction. [...]
[...] En l'espèce, par son article premier, le décret de 1991 précise que l'avantage financier est versé mensuellement à raison de leurs fonctions aux fonctionnaires territoriaux Il en ressort ainsi clairement que la décision d'accorder cet avantage à Mme Soulier demeurait illégale dans la mesure ou celle-ci se trouvait en congé de longue durée. En effet, même si cette période correspondait à l'une des positions d'activité du fonctionnaire Mme Soulier n'exerçant plus ses fonctions ne pouvait bénéficier d'une telle prime (d'activité). L'administration avait bel et bien l'obligation de refuser cet avantage non statutaire qui n'est lié ni au cadre d'emploi, ni au grade du fonctionnaire. Une illégalité caractérisée par le juge rejetant ainsi le moyen invoqué par la requérante. [...]
[...] Le maire constatant cet état de fait manifesta par suite la volonté de mettre fin rétroactivement à l'arrêté du 25 août 1992 (procédant à son retrait) au nom du principe de légalité. Il apparaissait dès normal qu'un tel acte demeurant illégal se devait de disparaître (afin de restaurer la légalité bafouée). Une décision (du 7 juin 1993) comportant des effets rétroactifs qui n'est pas sans porter atteinte au principe de sécurité des relations juridiques. En outre, il ne s'agissait pas ici d'une liberté laissée à l'administration mais bel et bien d'une obligation qui d'ailleurs vaut pour l'ensemble des actes irréguliers qu'ils soient non créateurs de droits (CE 1960 Compagnie d'assurance la Prévoyance : l'administration a l'obligation de retirer l'acte à tout moment sur demande d'un administré) ou créateurs de droits (CE Roques : l'obligation de retrait des actes créateurs de droits n'intervient qu'aux conditions posées par la jurisprudence Dame Cachet de 1922, puis par l'arrêt Ternon de 2001). [...]
[...] Des actes pécuniaires désormais créateurs de droits sans plus de distinctions Le juge affirme qu'une décision administrative accordant un avantage financier crée des droits au profit de son destinataire alors même que l'administration avait l'obligation de refuser cet avantage De fait, la décision du Maire de Castries prise par arrêté d'accorder un avantage financier à un de ses fonctionnaires territoriaux constitue bel et bien un AAU. Selon une définition communément admise par la doctrine (à quelques exceptions près dont R. Chapus), un AAU est un acte juridique (l'arrêté du 25 août 1992) adopté unilatéralement par un autorité administrative (le Maire représentant de la commune) et qui modifie ou refuse de modifier les droits et obligations des administrés (Mme Soulier) indépendamment de leur consentement. En l'espèce, cette décision explicite accorde à Mme Soulier un avantage financier dont elle pourra désormais prétendre. [...]
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