« Tout fait quelconque de l' homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la
faute duquel il est arrivé, à le réparer » article 1382 du code civil. La responsabilité en
matière civile est donc clairement posée par cet article. Toutefois, en matière administrative,
il n' en va pas de même car la responsabilité de l'Etat est plus difficile à mettre en oeuvre,
notamment la responsabilité du service public de la justice comme l'illustre l' arrêt du
Conseil d 'Etat du 29 décembre 1978.
La commission de contrôle des banques inspecte en 1960 et 1963 la banque de Nice et
remarque des irrégularités de gestion, s'en suit un blâme, puis un deuxième en 1964. Mais
les problèmes de gestion perdurent, et la commission envoie un inspecteur en 1965. De
nombreuses fraudes et malversations sont découvertes conduisant à la mise en faillite de
l'établissement.
D'anciens clients de la banque, dont M. Darmont, demandent alors réparation à l' Etat des
pertes qu' ils ont subies. Ils invoquent pour cela, des fautes lourdes de la commission de
contrôle des banques, qui auraient été commises dans l'accomplissement de sa mission
administrative de surveillance par rapport à la lenteur de la procédure, et dans l'exercice de
sa fonction juridictionnelle d' ordre disciplinaire notamment par un laxisme dans les
sanctions infligées. Le TA de Nice rejette leurs demandes, et le jugement est porté devant le
CE qui confirme la décision de rejet.
Le problème est donc de savoir dans quelle mesure et dans quelles conditions peut on mettre
en cause le responsabilité de l'Etat du fait d' un dommage causé par le service public de la
justice.
Le CE considère « qu'en vertu des principes généraux régissant la responsabilité de la
puissance publique, une faute lourde commise dans l'exercice de la fonction juridictionnelle
par une juridiction administrative est susceptible d 'ouvrir droit à indemnité, l'autorité qui
s'attache à la chose jugée s' oppose à la mise en jeu de cette responsabilité dans le cas où la
faute lourde alléguée résulterait du contenu même de la décision juridictionnelle et où cette
décision serait devenue définitive ».
Le CE au travers de cet arrêt opère donc l'avènement de la responsabilité du service public
de la justice (I), s'inscrivant en rupture avec sa jurisprudence antérieure et en s'inspirant de
la loi du 5 juillet 1972 et d'autres parts, le CE établit un conditionnement à cette
responsabilité (II) par le biais de l' autorité de la chose jugée et par l'exigence d'une faute
lourde.
[...] irresponsabilité du service public de la justice ébréchée par la loi du 5 juillet 1972 La loi du 5 juillet 1972 dispose que l'Etat est tenu de réparer le dommage causé par le fonctionnement défectueux du service de la justice. Cette responsabilité n'est engagée que par la faute lourde ou par un déni de justice Cette loi marque donc le début de la reconnaissance de la responsabilité de la personne publique dans l'exercice de ses fonctions juridictionnelles. Toutefois, le problème se pose de savoir à quelle juridiction ce texte est appliquable. En effet, il reste vague à ce sujet. [...]
[...] La rupture avec le système de responsabilité traditionnel La suppression de l'exigence de faute détachable de l'exercice des fonctions Avant arrêt Darmont en 1978, le juge administratif considérait que la responsabilité de l'Etat ne pouvait pas être mise en cause du fait de sa fonction juridictionnelle, et que seul une faute détachable de la fonction juridictionnelle pouvait entraîner une mise en cause de l'Etat. Cette position du juge se retrouve notamment dans l'arrêt Poucelet du CE de 1952, confirmé en 1963 dans l'arrêt Bapst. Par ailleurs, il avère que le juge, même s'il reconnaît la possibilité de mettre en cause la responsabilité de l'Etat pour le fonctionnement de la justice en cas de faute détachable des fonctions juridictionnelles, applique pas cette possibilité en fait. C'est par exemple le cas dans l'arrêt sieur L'Etang du CE de 1969. [...]
[...] Cependant, la nécessité une faute lourde est loin d'être anodine. La faute lourde sousentend que la victime qui engagera la responsabilité de l'Etat aura un régime de protection moins favorable. En effet, il sera beaucoup plus difficile de qualifier une faute de faute lourde, qui entend comme toute déficience caractérisée par un fait ou une série de faits traduisant l'inaptitude du service public de la justice à remplir la mission dont il est investi selon la Cour de cassation dans un arrêt du 23 février 2001. [...]
[...] En effet, aujourd'hui, il ne reste que quelques services de l'Etat où la faute lourde est toujours exigée, comme pour les services fiscaux par exemple. Il semblerait donc qu' aujourd'hui une place prédominante soit faite, ou veuille être faite à la protection renforcée des admnistrés et non plus de l'administration comme auparavant, ce qui conduit à la généralisation de la faute simple, plus facile à démontrer pour les requérants. Cette tendance générale se retrouve donc aussi pour le service public de la justice. [...]
[...] Elle est en effet contentée affliger des blâmes à la banque de Nice. Ce moyen n'est donc pas recevable devant le CE, puisque la Commission des banques en tant que juridiction a pris une décision définitive de blâme, n'entrant pas dans le champs possible de la mise en cause de la responsabilité. Ainsi malgré le caractère restreint de l'exigence du juge pour engager la responsabilité, ce dernier n'admet pas, en l'espèce cette mise en cause. Après avoir conditionné la responsabilité à l'autorité de la chose jugée, le juge exigent également, qu'il y ait une faute lourde de la part des services de l'Etat. [...]
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