La loi sur les interruptions volontaires de grossesse n'a pas donné lieu à un abondant contentieux. Cela ne veut pas dire qu'il n'y a pas, en France, d'avortements. Parmi ceux-ci, il en est qui échouent. Cela signifie que naissent des enfants qui n'étaient pas totalement désirés. « L'échec des interruptions volontaires de grossesse est rare, mais non cependant inconnu de la littérature médicale : dans un pourcentage variant entre 0,05% et 0,1% des cas selon la méthode utilisée l'intervention échoue, c'est-à-dire que la grossesse continue malgré la tentative d'interruption. » C'est de la sorte que le commissaire du Gouvernement de cette affaire, M. Fornacciari, présente le sujet dans ses conclusions.
Dans un arrêt en date du 2 juillet 1982 de l'Assemblée du contentieux, le Conseil d'État a rendu une décision de principe en se plaçant sur le terrain du préjudice. Il juge, en effet, que « la naissance d'un enfant, même si elle survient après une intervention pratiquée sans succès, en vue de l'interruption d'une grossesse demandée dans les conditions requises aux articles L. 162-1 à L. 162-6 du Code la santé publique par une femme enceinte, n'est pas génératrice d'un préjudice de nature à ouvrir à la mère un droit à réparation par l'établissement hospitalier où cette intervention a eu lieu. » L'absence de préjudice réparable est cependant tempérée par la réserve émise dans le cas où il existe « des circonstances ou une situation particulière susceptibles d'être invoquées par l'intéressée ».
le cas étudié ce jour semble répondre à ces circonstances particulières évoquées ci-dessus. Une jeune femme célibataire âgée de 19 ans a été admise en décembre 1980 au centre hospitalier de Châlons-sur-Marne pour y subir le 16 décembre, après les consultations prévues par la loi du 27 janvier 1975, une interruption volontaire de grossesse. Mais trois semaines plus tard, on constata que la grossesse était toujours en évolution. Une nouvelle intervention fut refusée car le délai de 10 semaines était écoulé. Le 14 mai 1981, au terme de 8 mois et 1 semaine de grossesse, Madame Karl accouchait d'un enfant de sexe masculin. Mais cet enfant présentait une absence totale de membre inférieur droit et une excroissance charnue sur l'autre membre, qui fut excisée par la suite.
Madame Karl a d'abord choisi la voie pénale, qui s'est close par un non-lieu, puis a demandé réparation à l'hôpital du préjudice subi tant par elle que par son fils du fait de l'échec de l'interruption volontaire de grossesse. Déboutée en première instance, elle a interjeté appel devant le Conseil d'État qui voit la réunion des 5ème et 3ème sous-section dans cette affaire.
Face à cette situation, une question se pose : l'échec d'une interruption volontaire de grossesse est-il de nature à ouvrir droit à indemnité lorsque l'enfant est handicapé ? Deux interrogations fondamentales auxquelles les juges administratifs ont tenté de répondre en découlent. Tout d'abord, le médecin a-t-il commis une faute lourde? Puis cette faute, si elle est caractérisée, est-elle à l'origine du préjudice certain et direct qu'est le handicap de l'enfant ?
[...] La règle fixée par l'arrêt d'Assemblée du 2 juillet 1982 concerne le régime d'indemnisation de la mère. Cependant, ce qui vaut pour la mère vaut a fortiori pour l'enfant même si les cas d'indemnisation de celui-ci sont plus réduits puisque la seule hypothèse véritablement envisageable semble être celle d'un handicap physique ou mental. Il paraît en effet peu crédible qu'un enfant né en parfaite santé puisse invoquer un préjudice moral ou matériel même si sa naissance suscite au plan familial, donc à ses parents, des difficultés de tous ordres, et même si sa naissance non désirée peut avoir des conséquences psychologiques non négligeables pour lui. [...]
[...] Tandis que la première suffit à engager la responsabilité de l'Administration lorsque est en cause la mauvaise organisation ou le fonctionnement défectueux du service public hospitalier ; lorsqu'il s'agit d'un dommage imputable à un acte médical ou chirurgical, la responsabilité de la puissance publique ne peut être engagée que si une faute lourde peut être établie à la charge du médecin. Or, en matière d'interruption volontaire de grossesse, il est admis par la jurisprudence que l'on se trouve en présence d'un acte médical. Ceci résulte sans doute des dispositions de l'article L. [...]
[...] Le 14 mai 1981, au terme de 8 mois et 1 semaine de grossesse, Madame Karl accouchait d'un enfant de sexe masculin. Mais cet enfant présentait une absence totale de membre inférieur droit et une excroissance charnue sur l'autre membre, qui fut excisée par la suite. Madame Karl a d'abord choisi la voie pénale, qui s'est close par un non- lieu, puis a demandé réparation à l'hôpital du préjudice subi tant par elle que par son fils du fait de l'échec de l'interruption volontaire de grossesse. [...]
[...] Commentaire de l'arrêt CE septembre 1989, Mme Karl La loi sur les interruptions volontaires de grossesse n'a pas donné lieu à un abondant contentieux. Cela ne veut pas dire qu'il n'y a pas, en France, d'avortements. Parmi ceux-ci, il en est qui échouent. Cela signifie que naissent des enfants qui n'étaient pas totalement désirés. L'échec des interruptions volontaires de grossesse est rare, mais non cependant inconnu de la littérature médicale : dans un pourcentage variant entre 0,05% et des cas selon la méthode utilisée l'intervention échoue, c'est-à-dire que la grossesse continue malgré la tentative d'interruption. [...]
[...] La mère souffre des troubles causés à ses conditions d'existence par l'infirmité de son fils. L'enfant quant à lui est victime de souffrances physiques, d'un préjudice esthétique, de troubles dans les conditions d'existence mais aussi du coût de la prothèse nécessaire et de son renouvellement En revanche, si l'enfant était né normal, le Conseil d'État aurait certainement considéré, dans la lignée de la jurisprudence Mademoiselle R. précitée, que la requérante ne pouvait exciper d'aucun préjudice indemnisable. C'est ainsi le fait que l'enfant soit gravement handicapé de façon certaine qui le rend éligible à une indemnisation. [...]
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