Chef du service de chômage à la mairie de Drancy jusqu'en 1935 et employé dans ces services depuis 1928, le Sieur Langneur a, dans le cadre de ses fonctions, permis à de nombreuses personnes de percevoir indûment des allocations chômages et notamment aux « gladiateurs de Drancy », une troupe nord-africaine au service de la municipalité. La victoire aux élections municipales de 1935 de l'opposition a entraîné la mise à jour de l'illégal procédé. C'est sur ces faits que le maire révoqua, par un arrêté en date du 30 mai 1936, le Sieur Langneur. Celui déféra la décision au conseil de préfecture qui rejeta sa réclamation. C'est ainsi que l'affaire fut portée au Conseil d'Etat.
Trois moyens étaient utilisés par le fonctionnaire municipal pour contester la décision du maire. En ce qui concerne le détournement de pouvoir, il ne semble pas utile de s'y arrêter ici, le Conseil d'Etat l'ayant écarté considérant que la procédure était régulière.
Le Sieur Langneur arguait également que les informations judiciaires ouvertes à son encontre ayant été clôturées par des ordonnances de non-lieu, le maire n'était pas fondé à mettre en cause sa responsabilité. Or il est établi que l'autorité administrative, ici municipale, peut déclencher des poursuites disciplinaires ou s'abstenir de le faire sans que l'existence, l'absence ou l'éventualité de poursuites pénales soient de nature à exercer une incidence sur la liberté de décision. Ce principe a été explicitement consacré ultérieurement à l'arrêt Sieur Langneur (CE, 24 juillet 1987, Cons. Départemental de l'ordre des médecins de l'Ariège) mais l'indépendance des deux sortes de poursuites juridictionnelles est un principe ancien qui découle directement des lois de 16 et 24 août 1790 et du décret du 16 fructidor an III.
[...] Ces deux temps de l'obéissance (ou de la désobéissance) sont très présents dans le traitement fait par le juge de l'affaire Langneur. Le caractère relatif du devoir d'obéissance L'obéissance est une obligation à laquelle l'agent public doit se conformer au titre de ses devoirs. Ce devoir découle de l'obligation de servir Cependant, cette obligation n'est pas absolue notamment dans sa dimension d'obéissance. Elle est, au contraire, contingentée aux circonstances ce qui induit qu'il existe des limites au devoir d'obéissance qui sont particulièrement prégnante dans l'affaire Langneur (II). [...]
[...] La jurisprudence Langneur ne constitue donc pas une protection pour le fonctionnaire mais bien une obligation qui peut comme, en l'espèce, se retourner durement contre l'agent. Aujourd'hui apparaît un droit à la désobéissance, notamment dans le cas du droit de retrait (TA Besançon octobre 1996, Gloty c. Comm. de Chatenois-les-Forges), dans le cas où il semble être l'objet d'un abus d'autorité en matière sexuelle (art.6 de la loi 13 juillet 1983 complété par la loi du 2 novembre 1992) ou lorsqu'il est sommé par son supérieur de reprendre le travail alors qu'il travaillé à une grève licite (CE juin 1996, Comm. [...]
[...] De plus, il ne faut pas perdre de vue que l'administration est libre à tout moment de poursuivre disciplinairement un fonctionnaire. Cependant, il semble aller de soit que même si les actes que le Sieur Langneur a commis n'ont pas engendré sa responsabilité directe, ceux-ci sont pénalement répréhensibles et constitue une infraction flagrante. C'est en substance ce que le commissaire du gouvernement Chenot suggère dans ses conclusions en disant que le Sieur Langneur n'a pas ignoré le caractère coupable de cette pratique, puisqu'il affirme l'avoir souligné dans une lettre au maire Cela signifie de surcroît que s'il doit y avoir un ordre illégal ou contraire à l'intérêt général, le fonctionnaire doit avoir conscience du caractère anormal de l'acte pour que son devoir de désobéissance soit mis en cause. [...]
[...] C'est sur ces faits que le maire révoqua, par un arrêté en date du 30 mai 1936, le Sieur Langneur. Celui déféra la décision au conseil de préfecture qui rejeta sa réclamation. C'est ainsi que l'affaire fut portée au Conseil d'Etat. Trois moyens étaient utilisés par le fonctionnaire municipal pour contester la décision du maire. En ce qui concerne le détournement de pouvoir, il ne semble pas utile de s'y arrêter ici, le Conseil d'Etat l'ayant écarté considérant que la procédure était régulière. [...]
[...] Le fonctionnaire devrait donc, d'après le juge, avoir un certain recul sur ses actes et les ordres de ses supérieurs. Dans un sens, il doit être, lui-même, habité par l'intérêt général et ses valeurs. Il doit être en mesure de ne pas obéir quand un ordre est contraire à celui-ci (ou illégal). Les cas où le devoir de désobéir apparaît sont néanmoins rares car le refus d'obéissance ne se justifie que lorsque les deux conditions susmentionnées sont présentes. Dans la plupart des cas, celui-ci constitue une faute, même lorsque l'ordre attaqué a été retiré (CE octobre 1968, Pomana). [...]
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