Aux termes de l'article L. 122-4 du Code du travail, le contrat de travail à durée indéterminée peut cesser à l'initiative d'une des parties, employeur ou salarié. Dans la première hypothèse, la rupture s'analyserait en un licenciement et dans la seconde, en une démission du salarié. Mais certaines hypothèses sont plus complexes, en effet, dans certains cas, il est impossible d'imputer de manière systématique la responsabilité de la rupture à l'une ou à l'autre des parties au contrat.
C'est par exemple le cas lorsque le salarié, prétendant que l'employeur manque à ses obligations "prend acte de la rupture" de son contrat de travail, en tentant de l'imputer à l'employeur afin d'obtenir le paiement des indemnités légales et conventionnelles de rupture. Nous verrons à travers l'arrêt de la chambre sociale de la cour de cassation du 25 juin 2003, que la jurisprudence a connu un revirement en matière de prise d'acte de la rupture du contrat de travail par le salarié.
En l'espèce, m. X avait été embauché le 1er février 1996 par la société Technoram en qualité de cadre commercial. Le 10 novembre 1998, il prit acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de l'employeur. C'est pourquoi, il saisit la juridiction prud'homale d'une demande tendant notamment au paiement d'une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. La cour d'appel fit droit à sa demande, au motif que la démission ne se présumant pas, la rupture du contrat de travail par le salarié motivée par des fautes qu'il impute à l'employeur, ne caractérise pas une volonté claire et non équivoque de démissionner, peu important le caractère réel ou non des fautes alléguées, et ne peut donc s'analyser qu'en un licenciement réputé sans cause réelle et sérieuse.
Se posa alors la question de savoir si une prise d'acte de rupture par la salarié devait entrainer une requalification systématique en licenciement sans cause réelle et sérieuse au seul motif que la démission ne se présume pas.
La cour de cassation répondit par la négative et cassa l'arrêt rendu en appel, affirmant que « lorsqu'un salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison des faits qu'il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets, soit d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifient, soit dans le cas contraire d'une démission ». Désormais, les juges semblent donc s'intéresser à l'importance des faits invoqués alors qu'auparavant, la qualification de la rupture en licenciement sans cause réelle et sérieuse était quasi automatique au motif que la démission ne se présumait pas. Pour commenter cet arrêt nous nous demanderons quels sont les effets d'un tel revirement.
Nous verrons en premier lieu que la jurisprudence abandonne la requalification systématique de la prise d'acte de rupture par le salarié, en licenciement sans cause réelle et sérieuse, au profit de l'appréciation du bien fondé des faits invoqués par le salarié, évitant ainsi le mécanisme dit d' « autolicenciement ». Nous examinerons en second lieu les conséquences d'un tel revirement en montrant que la solution est désormais fondée sur les effets de l'une ou l'autre des qualifications auparavant utilisées, créant de la sorte une nouvelle catégorie de qualification « d'emprunt », création aux effets encore incertains...
[...] Et sur ce point, le droit positif a aussi connu une certaine évolution. En effet, un arrêt du 29 octobre 1989 avait requalifié la prise d'acte de rupture par le salarié en licenciement car en l'espèce, l'employeur avait commis une faute particulièrement grave, rendant impossible le maintien du contrat. Plus récemment, la cour de cassation retenait que la faute devait présenter seulement une certaine gravité, s'alignant sur le régime du droit commun de la résiliation judiciaire (cas. 1ère civ juillet 1999). [...]
[...] Commentaire d'arrêt Cass. soc juin 2003 Aux termes de l'article L. 122-4 du Code du travail, le contrat de travail à durée indéterminée peut cesser à l'initiative d'une des parties, employeur ou salarié. Dans la première hypothèse, la rupture s'analyserait en un licenciement et dans la seconde, en une démission du salarié. Mais certaines hypothèses sont plus complexes, en effet, dans certains cas, il est impossible d'imputer de manière systématique la responsabilité de la rupture à l'une ou à l'autre des parties au contrat. [...]
[...] Si les juges estiment qu'ils ne correspondent pas à un cas de résiliation judiciaire, ce sera certainement un cas de démission. Et nous pouvons finalement dire qu'antérieurement, c'est l'employeur qui était dans une situation délicate dans la mesure où il avait tous les risques de devoir accorder des indemnités consécutives à un licenciement sans faute réelle et sérieuse. Aujourd'hui, c'est le salarié qui semble être dans une situation instable du fait de cette incertitude sur le caractère de la faute reprochée à l'employeur, il risque effectivement de quitter l'entreprise à ses risques, n'étant pas certain de se voir accorder les indemnités liées aux effets du licenciement . [...]
[...] Le 10 novembre 1998, il prit acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de l'employeur. C'est pourquoi, il saisit la juridiction prud'homale d'une demande tendant notamment au paiement d'une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. La cour d'appel fit droit à sa demande, au motif que la démission ne se présumant pas, la rupture du contrat de travail par le salarié motivée par des fautes qu'il impute à l'employeur, ne caractérise pas une volonté claire et non équivoque de démissionner, peu important le caractère réel ou non des fautes alléguées, et ne peut donc s'analyser qu'en un licenciement réputé sans cause réelle et sérieuse. [...]
[...] Et c'est en cela que réside le plus grand changement dans la mesure où antérieurement, c'était la rupture en elle-même qui était qualifiée et non ses effets. On se trouve donc dans une solution d'emprunt puisqu'il ne s'agit ni d'un licenciement, ni d'une démission, mais d'une solution qui présente uniquement les effets de l'une ou l'autre des solutions, selon que la responsabilité incombe à l'employeur ou au salarié. Désormais, le procédé de l'autolicenciement ne pourra plus jouer puisque si les griefs invoqués par le salarié ne sont pas fondés, il n'aura pas le droit au régime du licenciement, mais son départ équivaudra à une démission. [...]
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