L'expropriation pour cause d'utilité publique est classiquement définie comme la prérogative de l'État lui permettant, à l'initiative d'une personne publique ou privée, dans un but d'utilité publique et moyennant le respect d'un certain nombre de garanties de procédure et de fond, de contraindre une personne publique ou privée à céder la propriété d'un immeuble ou d'un droit réel immobilier à une personne publique ou privée. Longtemps assimilée au concept d' « intérêt général », l'utilité publique est une notion évolutive dont les frontières ne sont pas strictement définies. Le seul contrôle effectué par le juge administratif sur la notion permettra d'en préciser la nature. La question essentielle est alors celle de savoir comment le juge exercera-t-il ce contrôle.
En l'espèce, une commune, la commune de Charvieu-Chavagneux, désire procéder à l'extension de sa zone industrielle. Par un arrêté en date du 8 juillet 2005, le préfet de l'Isère déclare d'utilité publique l'acquisition par la commune de terrains de 13 752 m2 en vue d'assurer cette extension. Puis, par un arrêté de cessibilité en date du 13 février 2006, le préfet de l'Isère déclare cessibles la parcelle cadastrale B68 appartenant à M. A ainsi qu'une partie de la parcelle B727 voisine appartenant à une autre personne.
[...] Alors que ce contrôle était largement insatisfaisant et pouvait conduire à de graves illégalités, depuis 1971 une brèche s'est ouverte qui permet au juge administratif d'apprécier in concreto l'utilité publique. Ce contrôle est utilisé en l'espèce par la Cour administrative d'appel de Lyon et va permettre de conclure au défaut d'utilité publique du projet d'extension de la zone industrielle. A. Le contrôle du bilan coût-avantages par le juge administratif Depuis une décision Ville-Nouvelle-Est du Conseil d'Etat réuni en Assemblée le 28 mai 1971, le contrôle du juge sur l'utilité publique a complètement évolué. [...]
[...] Le défaut d'utilité publique de l'opération d'extension En effet, le juge administratif va en l'espèce décider d'annuler l'arrêté portant déclaration d'utilité publique de l'opération ainsi que l'arrêté de cessibilité de la parcelle dont les requérants étaient propriétaires. Comme nous l'avons évoqué précédemment, le juge va ici reprendre le considérant de principe de l'arrêt de 1972 et va énumérer les inconvénients que présente l'opération pour conclure que ceux-ci sont excessifs par rapport à l'intérêt qu'elle présente en réalité. Tout d'abord, le juge va mettre en évidence le fait que la zone industrielle en cause a une superficie de 33 hectares et que l'extension projetée n'aurait pas eu pour effet de porter sa taille à 47 hectares (comme le prévoyait le projet en l'espèce), mais seulement à 34,37 hectares. [...]
[...] En réalité, les décisions d'annulations sur la base de cette jurisprudence du bilan restent très rares, parce que souvent compliquées à prouver, à justifier. En ce qui concerne l'utilisation de ce contrôle in concreto faisant intervenir le principe de proportionnalité, l'objectif du juge est principalement de sanctionner des décisions qu'il considère comme irraisonnables, mal étudiée voire arbitraires. Ce contrôle n'est pas un contrôle d'opportunité, mais un véritable contrôle de l'absence de rationalité de la mesure. Dans l'arrêt commenté, le contrôle coût-avantages mis en œuvre par le juge a permis de conclure au défaut d'utilité publique de l'opération d'expropriation. [...]
[...] À cela, le tribunal répond en se déchargeant de toute responsabilité que le juge ne peut pas se prononcer sur l'opportunité du choix opéré par l'administration entre plusieurs possibilités et d'autres solutions Cependant, la Cour d'appel administrative rappelle dans sa décision le fait que les requérants ne sont pas contredits lorsqu'ils invoquent le fait que la zone industrielle n'est pas saturée. C'est cet argument, qui interroge sur la véritable nécessité de l'expropriation pour réaliser l'opération, qui permet sans doute au juge de conclure que l'expropriation n'est pas en l'espèce justifiée par l'utilité publique. [...]
[...] et Mme A demandent alors l'annulation de l'arrêté portant déclaration d'utilité publique et de l'arrêté de cessibilité qui les concerne. Le tribunal administratif de Grenoble, dans un arrêt du 3 avril 2009, rejette leur demande. M. et Mme A font donc ainsi appel de la décision devant la Cour administrative d'appel de Lyon. Ils demandent à la Cour d'annuler le jugement du tribunal de Grenoble, d'annuler l'arrêté de déclaration d'utilité publique et de mettre à la charge de la commune la somme de 2000€ au titre de l'article L. 761-1 du Code de justice administrative. [...]
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