Selon l'article 17 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen, « la propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n'est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l'exige évidemment, et sous la condition d'une juste et préalable indemnité ». Cet article montre alors l'importance de la propriété tout en aménageant une restriction, plus connue en droit positif comme étant la procédure d'expropriation, dont il est question dans un arrêt de la CAA de Nantes du 27 septembre 2005.
Au regard de la volonté d'aménager un chemin pédestre sur une rive de l'Erdre, la commune de la Chapelle sur Erdre souhaite exproprier Mme X. Le préfet de la Loire-Atlantique déclare alors d'utilité publique, le 25 mai 2000, un projet. Ceci est la première phase de la procédure d'expropriation. Le second temps est constitué par l'arrêté préfectoral déclarant cessibles les immeubles nécessaires à la réalisation de ce projet, intervenu le 1er Juillet 2002. Mme X, expropriée et propriétaire d'immeubles faisant partie du projet d'aménagement, attaque les deux arrêtés du préfet de Loire-Atlantique afin que la procédure d'expropriation soit annulée.
Après avoir perdu en première instance devant le Tribunal administratif de Nantes le 6 janvier 2004, Mme X interjette appel. Elle argumente alors que la mesure d'expropriation établie à son encontre n'est pas fondée au regard de l'atteinte excessive à la propriété privée, à l'écologie ainsi qu'à l'esthétisme du site. La cour administrative d'appel de Nantes rendra alors un arrêt infirmatif le 27 septembre 2005.
Le problème posé par l'arrêt et résolu par les juges porte sur la légalité de la déclaration publique du 25 mai 2000 : la mesure d'expropriation est-elle justifiée ?
[...] Comment s'effectue le contrôle de l'utilité publique ? Quelles sont les limites imposées par le juge à celle-ci ? Les juges contrôlent l'utilité publique en opportunité, c'est à dire de manière subjective en procédant à la méthode du Bilan S'en dégage une atteinte excessive au droit de propriété qui entraîne de surcroît l'annulation de la DUP (II). Un contrôle de l'utilité publique effectuée de façon subjective par les juges à l'aide de la théorie du bilan La théorie du bilan, mise en place par les juges lors de l'arrêt Ville Nouvelle Ouest permet d'établir l'utilité publique d'une mesure d'expropriation cette méthode permet l'évolution et l'apparition progressive de nouveaux intérêts publics qui sont des limites aux mesures d'expropriation Une théorie issue de la jurisprudence Ville Nouvelle Est : un bilan nécessaire pour montrer l'utilité publique, une notion évolutive L'arrêt de la CAA de Nantes pose un considérant de principe : Considérant qu'une opération ne peut être légalement déclarée d'utilité publique que si les atteintes à la propriété privée, le coût financier et éventuellement les inconvénients d'ordre social ou l'atteinte à d'autres intérêts publics qu'elle comporte ne sont pas excessifs eu égard à l'intérêt qu'elle présente On retrouve ce considérant exactement dans les mêmes termes dans l'arrêt du Conseil d'état du 28 mai 1971 Ville Nouvelle Est. [...]
[...] La cour administrative d'appel de Nantes rendra alors un arrêt infirmatif le 27 septembre 2005. Le problème posé par l'arrêt et résolu par les juges porte sur la légalité de la déclaration publique du 25 mai 2000 : la mesure d'expropriation est-elle justifiée ? Selon les juges du fond, qui se livrent à un bilan coûts-avantages, celle-ci n'est pas en adéquation avec l'intérêt écologique, l'esthétisme et les conditions d'occupation du site. Le jugement du TA de Nantes est annulé, tout comme la déclaration publique du 25 mai 2000. [...]
[...] À côté des limites imposées à l'utilité publique, par le biais de l'esthétique et de l'environnement, qui paraissent assez annexes, une est d'une importance fondamentale, car elle touche la matière même de l'expropriation : la propriété II) L'atteinte excessive au droit de propriété entraînant l'annulation de la DUP Par le biais de la construction jurisprudentielle, le juge administratif est protecteur de la propriété privée lorsqu'il annule une DUP Cela entraîne une situation complexe pour l'exproprié du fait de la nature complexe de la procédure d'expropriation Le juge administratif, protecteur du droit de propriété, droit fondamental, en concurrence avec le juge judiciaire Le droit de propriété est un droit fondamental comme le montre l'article 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, ou encore l'article 1er du 1er Protocole de la CEDH, qui dispose que toute personne à droit au respect de ses biens. C'est ce droit qui est défendu par le juge administratif. En effet, selon la CAA, l'opération déclarée d'utilité publique porterait ( ) à la propriété une atteinte excessive Le juge admisnistratif s'érige alors comme le garant de la propriété privée, ce qui est normalement l'apanage du juge judiciaire. Cela confère à ce droit une importance fondamentale, que les autorités étatiques ont peut-être tendance à sous-estimer. [...]
[...] On pourrait dire : réaliser l'expropriation projetée, n'est pas trop cher payer, du point de vue, tant de l'atteinte à la propriété privée, que du coût financier, que du coût social (Critères retenus par la jurisprudence Ville Nouvelle Est) de l'opération ? On peut ici relever l'importance de l'arrêt SCI Sainte Marie de l'Assomption du Conseil d'État datant du 20 octobre 1972. Ce dernier a en effet ouvert la voie à une limitation des mesures d'expropriation. En consacrant l'atteinte à d'autres intérêts publics le CE a permis ainsi l'enrichissement de la théorie du bilan. [...]
[...] Cela nous montre le caractère incertain de la notion d'utilité publique : en fonction du bilan (positif ou négatif), l'utilité publique sera établie ou non. Comme le souligne Stéphane Rials (dans le juge administratif français et la technique du standard), il s'agit là d'un concept fondamentalement contingent : il n'y a pas d'utilité publique en soi, mais seulement en fonction d'un monde de valeurs situées, ce qui explique les inflexions historiques de la notion Il convient de signaler, afin d'illustrer ces propos, que les révolutionnaires de 1789 parlaient de nécessité publique plutôt que d'utilité publique (qui a été consacrée par le Code Civil de 1804 à l'article 545). [...]
Bibliographie, normes APA
Citez le doc consultéLecture en ligne
et sans publicité !Contenu vérifié
par notre comité de lecture