Tribunal des conflits 8 février 1873, arrêt Blanco, droit administratif, compétence du juge administratif, service public, responsabilité de l'Etat, commentaire d'arrêt
Le 8 février 1873, le Tribunal des conflits rend un arrêt fondateur du droit administratif, l'arrêt Blanco, qui apparait alors, selon l'expression de Gaston Jeze, comme la « pierre angulaire » du droit administratif. Depuis cette décision, les principes d'autonomie et de spécificité du droit administratif ainsi que celui de responsabilité de l'Etat en matière de dommages causés par des services publics sont entérinés.
En effet, quelques mois auparavant, une enfant avait été blessée « par le fait d'ouvriers employés par l'administration des tabacs ». Son père avait alors porté l'affaire devant les juridictions judiciaires afin que la responsabilité de l'Etat soit reconnue (les ouvriers en question étant employés dans le service public) en application des articles 1382, 1383 et 1384 du Code civil. Le préfet du département de la Gironde, estimant que cela relevait du droit administratif, a élevé l'affaire devant le Tribunal des conflits afin que celui-ci tranche le litige et le renvoie devant la juridiction compétente. Le Tribunal a alors estimé que l'affaire relevée du droit administratif et non judiciaire.
La décision du Tribunal des conflits vient donc mettre fin à la notion d'irresponsabilité continue et perpétuelle de l'Etat. Désormais, ce dernier peut être déclaré responsable en matière de dommages causés à des particuliers par des services publics, et plus seulement en matière contractuelle ou « d'intervention législative ». Le juge administratif est, dès lors, compétent pour juger de telles affaires et « l'autorité administrative est seule compétente pour en connaitre ».
Cet arrêt marque donc une évolution majeure du droit administratif avec l'extension du rôle et de la compétence du juge administratif mais également l'affirmation d'une autonomie et d'une spécificité de ce droit par rapport au droit civil. C'est la raison pour laquelle il convient de se demander dans quelles mesures cette décision consolide l'autonomie du droit administratif et affirme la naissance d'une responsabilité de l'Etat ?
[...] Cette notion est affirmée dans un arrêt du Tribunal des conflits du 22 janvier 1921 (affaire de la société commerciale de l'Ouest africain). Il peut donc arriver que, dans certaines situations, l'ordre judiciaire soit amené à traiter ces affaires. Le service public n'est donc plus un critère relevant spécifiquement de la compétence du juge administratif, tout comme la responsabilité de l'Etat, dont il n'a plus le monopole. Enfin, il est important de noter que la scission entre droit administratif et droit civil n'est plus aussi marquante qu'autrefois. [...]
[...] On note ici la volonté du Tribunal des conflits de poser le principe selon lequel les litiges entre service public et particulier relèvent de la seule compétence du juge administratif. Ainsi, la compétence de ce dernier est désormais étendue puisque ce type d'affaire, mettant en jeu la responsabilité de l'Etat par le biais de la responsabilité d'un service public, « ne peut être régie par les principes qui sont établis dans le Code civil pour les rapports de particulier à particulier ». [...]
[...] L'affirmation de l'autonomie et de la singularité du droit administratif « Vu les lois des 16-24 août 1790 et du 16 fructidor an III » : le Tribunal des conflits appuie sa décision sur des textes législatifs emblématiques marquant la séparation entre le droit administratif et judiciaire. En effet, les premières de ces trois lois, interdisent alors aux tribunaux judiciaires de « troubler de quelque manière que ce soit les opérations des corps administratifs » tandis que la dernière leur fait défense « de connaître des actes administratifs ». Ces lois s'inscrivent directement dans l'atmosphère traditionnelle de méfiance envers les juges depuis la « révolte » des Parlements sous l'Ancien régime. [...]
[...] Ainsi, il est donc devenu commun de voir les juridictions administratives se référer à certains principes inhérents au droit civil ou encore de voir certaines affaires, qui jadis, relevaient exclusivement de la compétence du juge administratif, être attribuées de nos jours à celle du juge judiciaire. A partir de tout cela, il est donc nécessaire de se demander si, en réalité, ce n'est pas en grande partie la doctrine qui a construit l'aspect fondateur de l'arrêt Blanco afin de consolider cette matière qu'est le droit administratif. [...]
[...] Afin de répondre à cette question, il semble alors nécessaire d'étudier dans un premier temps la consécration du service public comme moyen d'engager la responsabilité de l'Etat et ses conséquences avant d'analyser la portée, restreinte de nos jours, de cet arrêt dans l'évolution même du droit administratif (II). I. De l'apparition d'une responsabilité de l'Etat à l'accroissement des compétences du juge administratif Les juges du Tribunal des conflits appuient leur décision sur l'existence d'une responsabilité de l'Etat dans le cas où le personnel d'un service public commet des dommages à un particulier et de ce fait, ils estiment qu'il revient au juge administratif de traiter l'affaire A. [...]
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