Il est couramment admis que le droit de la responsabilité administrative est un droit de la réparation, non de la sanction. Le récent arrêt "Mazière" (CE, 6 août 2008) n'avait certainement pas pour ambition d'ébranler les fondements de ce construit philosophico-théorique si cher au droit public français. Toujours est-il qu'il semble annonciateur d'un changement crucial pour ce qui est de la conception traditionnelle de la responsabilité administrative.
Autonome depuis la décision "Blanco" (TC, 8 février 1870), le régime de la responsabilité administrative, largement jurisprudentiel, n'a cessé de progresser, de se complexifier et de s'enrichir (...)
[...] En chemin, il décide de prendre à bord de son véhicule de service, et sans autorisation préalable de sa hiérarchie, un autre appelé pour lui permettre de prélever de l'argent dans un distributeur automatique. M. Mazière provoque à cette occasion un accident de la circulation dont il sera par la suite reconnu personnellement responsable par le Tribunal de Police de Longjumeau. En l'absence manifeste de toute condamnation, l'Etat décide pourtant de procéder à la réparation des dommages, puis émet à l'encontre du gendarme Mazière un titre exécutoire en vue d'obtenir le remboursement des sommes versées à titre de dédommagement. M. Mazière se retourne alors contre ledit titre. [...]
[...] Dans cette affaire, le malheureux couple Lemonnier, victime de l'incapacité du maire de Roquecourbe-sur-Tarn d'assurer la sécurité des promeneurs durant la fête du village, courraient le risque de voir leur préjudice faiblement réparé par le seul appel aux revenus modestes de l'élu municipal, pourtant déclaré personnellement fautif. Il est donc à l'honneur du Conseil d'Etat d'avoir élaboré une jurisprudence subtile répondant à la fois à la question de l'obligation à la dette ainsi qu'à celle de la contribution à la dette. En effet, la démonstration de Blum consistait déjà à prouver la coexistence possible de la faute de service avec la faute personnelle. [...]
[...] Serait-ce la fin d'une dérive interprétative de la faute personnelle de l'agent public ? (I.B- Il s'agit là en tout cas d'une tentative volontariste tout à fait remarquable du Conseil d'Etat pour réduire le domaine aujourd'hui démesurément boursouflé du cumul de fautes, technique juridique dont l'utilité n'est plus à démontrer, mais donc l'utilisation abusive était susceptible de dérives dramatiques en matière de finances publiques (I.B- 2). La fin d'une dérive interprétative de la faute personnelle de l'agent public En reconnaissant la responsabilité personnelle absolue de M. [...]
[...] L'administration avait alors décidé de demander la condamnation de son agent à lui rembourser les sommes qu'elle avait dû verser à la victime. Cet arrêt, célèbre revirement de la jurisprudence Poursines (CE mars 1924) autorisant pour la première fois la pratique de l'action récursoire de l'administration, nous apprend que si l'administration joue le rôle d'une assurance multi ou tout risques à l'égard des victimes, elle ne saurait toutefois assurer aux agents fautifs une totale mansuétude et impunité. L'arrêt Mazière (CE août 2008) réaffirme donc cette jurisprudence dans la mise en œuvre de cette action, mais aussi dans ses buts. [...]
[...] Mazière, le Conseil d'Etat pose les bases d'une réduction devenue nécessaire du champ du cumul des fautes de l'administration, largement distendue par cette dernière notion. L'intérêt est tout d'abord pécuniaire. Dans un pays gangrené par un lourd passif déficitaire entretenu par une crise mondiale qui frappe alors aux portes, l'Etat ne peut plus se permettre de jeter par les fenêtres l'argent du contribuable en payant à tort et à travers pour réparer les fautes de ses fonctionnaires fautifs. Le contribuable ne doit pas être rendu indirectement responsable de la faute personnelle de celui qui, malgré tout, est censé agir au service de la collectivité. [...]
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