L'intégration à l'Union européenne et les ratifications successives des traités ont suscité de nombreuses jurisprudences ; l'arrêt Nicolo rendu par le Conseil d'État en 1989 marque la reconnaissance par la Haute juridiction administrative de la primauté du droit communautaire. Le présent avis rendu par les 2e et 7e sous-sections réunies du Conseil d'État, relatif à l'invocabilité directe d'une directive, s'inscrit dans cette pensée.
Dans les deux cas d'espèce, le préfet de la Seine-Saint-Denis a édicté un arrêté pour reconduire à la frontière un étranger fixant le pays de destination, respectivement le 14 janvier et le 3 février 2011. Dans le premier cas, le préfet a pris le même jour un arrêté pour placer le requérant en rétention administrative.
Les requérants initient alors un contentieux juridictionnel, introduisant un recours pour excès de pouvoir devant le tribunal administratif de Montreuil, demandant l'annulation des arrêtés respectifs et enjoignant le préfet à leur délivrer un titre de séjour temporaire. Avant de statuer sur ces deux affaires, le tribunal administratif de Montreuil, a décidé de transmettre les dossiers au Conseil d'État pour avis au contentieux relatif à la directive du 16 décembre 2008 relative à la reconduite à la frontière d'un étranger.
[...] L'avis est notifié aux parties concernées, le tribunal administratif de Montreuil et les requérants des deux cas d'espèce, ainsi qu'aux ministres et collectivités territoriales concernés. Le Conseil d'État obéit à la logique de primauté du droit communautaire appliquée depuis l'arrêt Nicolo de 1989. Le présent avis met ici en exergue le droit communautaire n'ayant d'effet qu'en étant transposé par une loi, l'obligation constitutionnelle de transposer une directive, et le non-respect du délai de transposition. Ces différents facteurs ne sont pas dénués d'enjeux théoriques et pratiques : savoir concilier le droit interne et le droit communautaire, et garantir les droits et la sécurité des justiciables. [...]
[...] En l'espèce, estimant que la faculté de prévoir un délai de retour laissée aux États membres ne fait pas obstacle aux conditions d'inconditionnalité et de précision suffisante, le Conseil d'État a déduit la possibilité aux justiciables d'invoquer la directive de 2008. Il faut rappeler que la jurisprudence constante du Conseil d'État a admis la mise à l'écart d'une norme interne contraire à la directive, ainsi que l'applicabilité directe de la directive dès lors qu'elle est précise et inconditionnelle (CE 2009 Perreux et CE 2007 Arcelor). [...]
[...] De plus, la notion de délai raisonnable dégagée par l'arrêt Magiera rendu par le Conseil d'État en 2002 ouvre d'autant plus cette possibilité d'invocabilité : la directive ayant été prise en 2008, l'État français disposait de deux ans pour voter une loi de transposition. Cette faculté du juge de droit commun montre la garantie d'effectivité du droit communautaire et donc la mise en œuvre de l'engagement communautaire de l'État membre. Cette garantie d'effectivité est également mise en œuvre à l'égard des justiciables lésés par l'absence de transposition de la directive. [...]
[...] En l'espèce, le délai imparti aux États membres pour transposer la directive était fixé au 24 décembre 2010, soit avant les dossiers soumis au Conseil d'État, marquant le non-respect de l'État français aux obligations de transposition. L'expiration du délai imparti ouvre donc la faculté d'écarter les règles faisant obstacle à la directive . La faculté d'écarter les règles incompatibles à la directive après expiration du délai de transposition Il découle de la Constitution et du Traité du fonctionnement de l'Union européenne la faculté de mise à l'écart des règles appartenant au juge national, c'est-à-dire au juge national. [...]
[...] À] L'obligation constitutionnelle de transposer la directive pour créer un effet direct Il faut tout d'abord rappeler que contrairement aux règlements directement applicables en droit interne, la directive n'a pas d'effet direct tant qu'elle n'a pas été l'objet d'une loi de transposition dans un délai imparti. En s'appuyant dans son visa sur l'article 88-1 de la Constitution ainsi que sur le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, le Conseil d'État rappelle l'obligation constitutionnelle issue de la ratification du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne de transposer une directive en droit interne posé à l'article 88-1 de la Constitution de 1958. L'obligation constitutionnelle a d'ailleurs été admise par le Conseil d'État lors de son arrêt Société Arcelor 2007. [...]
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