Principe d'exclusivité, police spéciale, principe de précaution, prévention d'un risque sanitaire, police générale
"L'art de la police est de ne pas voir ce qu'il est inutile qu'elle voie" disait Napoléon Bonaparte. Si cette maxime, extraite d'un discours au citoyen Fouché, arbore un sous-entendu politique bonapartiste, il est possible d'affecter cette citation à un autre domaine : celui du concours entre police générale (PG) et police spéciale (PS). En effet, si la police administrative peut être entendue comme l'ensemble des moyens juridiques et matériels ayant pour but d'assurer le maintient de la tranquillité, de la sécurité et de la salubrité publiques, elle recouvre deux champs de compétences. Le premier, la police générale, constitue la prérogative d'assurer un pouvoir de police pour tout sujet; le second, la police spéciale, est spécialement investi par la loi afin d'organiser la police d'événements précis.
[...] Ainsi, il est nécessaire que cette restriction se fasse de manière calculée, le besoin de sécurité devant être évalué à juste mesure pour ne pas empiéter de manière excédante sur la liberté. Cette tâche étant expressément confiée à une autorité étatique, une autorité de police locale ne saurait faire œuvre du principe de précaution, lequel ne s'applique qu'uniquement dans le domaine d'attribution des institutions. Le Conseil d'État, en se pliant à l'article 5 de la Charte de l'environnement, se soumet donc au bloc de constitutionnalité et fait exacte application du Droit tel que consacré par la loi. [...]
[...] En outre, le Conseil d'État poursuit sa jurisprudence en la matière (CE Benjamin) selon laquelle les mesures de police restrictives de liberté doivent être proportionnelles au risque de trouble à l'ordre public. La seule nuance à apporter est que, ici, le" risque au trouble à l'ordre public" n'est pas certain en considération de l'incertitude scientifique (cf. infra II - B). Si le Conseil d'État prend soin de suivre les prescriptions constitutionnelles, il est également attentif à la cohérence avec l'Union européenne et à la spécialisation des institutions. [...]
[...] L'affaire soulève le débat entre deux solutions possibles : la compétence du maire en vertu de son pouvoir de police générale pour intervenir en prévention d'un risque sanitaire sur le fondement du principe à valeur constitutionnelle de précaution d'une part ; la compétence en l'espèce de la police spéciale attribuée à l'autorité administrative étatique d'autre part. Face au litige, le Conseil d'État doit ipso facto trancher pour savoir si le maire peut réglementer la dissémination volontaire d'organismes génétiquement modifiés en vertu de son pouvoir de police générale. La solution rendue confirmera la seconde thèse susénoncée : la dissémination volontaire d'organismes génétiquement modifiés relève, en vertu de la loi, d'une police spéciale confiée à l'État. Une autorité de police générale ne saurait s'immiscer dans ce domaine. [...]
[...] Cette compétence est donc confiée à l'État et fonde la décision du Conseil d'État de prôner l'exclusivité de la police spéciale en raison de son caractère légal. Ainsi, la juridiction fait une exacte application de la loi : le législateur a organisé une police spéciale de la dissémination volontaire d'organismes génétiquement modifiés, confiée à l'État Cette décision consiste en une abolition des limites au principe d'exclusivité de la police spéciale auparavant posées par le Conseil d'État. En effet, la jurisprudence reconnaissait des cas ou la police générale pouvait intervenir dans le domaine normalement attribué à la police spéciale. [...]
[...] Cette considération braverait toute logique d'efficacité de la protection de l'ordre public par la police administrative. Pour terminer ce propos, il convient de mentionner que si le Conseil d'État fait une exacte application des textes dans sa décision, il laisse cependant courir un risque discutable de mauvaise protection de l'ordre public par la police administrative. Quoi qu'il en soit, le concours entre police générale et police spéciale semble propice à appeler de nouveaux angles de considération de la part du Conseil d'État afin d'éclaircir ce point de Droit. [...]
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