Diverses communes et collectifs d'habitants de la région parisienne mettent en cause la légalité de deux arrêtés ministériels (pris par le ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement) datant du 15 novembre 2011 et portant modification du dispositif de la circulation aérienne en région parisienne.
Les requérants demandaient la suspension de ces arrêtés. Les conclusions de l'enquête publique réalisée sur ce projet étaient assorties de réserves importantes, traduites par le Conseil d'Etat comme induisant un avis défavorable.
De plus, un moyen de procédure opposait un doute sérieux quant à la légalité de l'arrêté (l'avis rendu par une commission dont les mandats des membres avaient expirés) ainsi qu'un moyen de fond tiré des objectifs à valeur constitutionnelle.
Les articles L123-12 et L123-16 du code de l'environnement ainsi que l'article L 554-12 du Code de Justice Administrative faisaient état de conditions qui étaient en l'espèce réunies.
Le juge des référés peut-il, alors même que les conditions de suspension d'un acte administrative sont réunies, décider de ne pas le suspendre ?
Les juges du Conseil d'Etat ont décidé, à titre exceptionnel de ne pas suspendre l'exécution de la décision bien que les conditions requises étaient toutes réunies. Cette décision s'explique par le fait qu'une telle décision aurait pu provoquer une atteinte d'une particulière gravité à l'intérêt général dans la mesure où des opérations complexes étaient demandées afin de procéder au retour aux trajectoires d'approche en vigueur avant les arrêtés ministériels.
Afin de présenter un commentaire détaillé de cette décision, nous procèderons à travers deux parties majeures qui traiteront pour la première du pouvoir de suspension du juge administratif dans le cadre du référé « environnement » et pour la seconde de l'extension des prérogatives du juge administratif au détriment des textes en vigueur.
[...]
Le Code de Justice administrative prévoit des régimes spéciaux à côté des référés d'urgence.
Le référé utilisé dans le présent arrêt et donc celui prévu à l'article L 554-12 du Code de Justice Administrative et applicable en matière d'urbanisme et de protection de la nature et de l'environnement. La voie de suspension invoquée est celle retrouvée en cas de conclusions défavorables du commissaire enquêteur. L'article L123-12 du code de l'environnement pose les conditions applicables à cette situation-ci : « une décision prise après les conclusions défavorables du commissaire enquêteur, puis l'existence de moyens de nature à créer un doute sérieux ». Une fois ces conditions réunies, le prononcé de l'annulation de l'acte administratif attaqué est en principe automatique (...)
[...] La voie de suspension invoquée est celle retrouvée en cas de conclusions défavorables du commissaire enquêteur. L'article L123-12 du code de l'environnement pose les conditions applicables à cette situation-ci : une décision prise après les conclusions défavorables du commissaire enquêteur, puis l'existence de moyens de nature à créer un doute sérieux Une fois ces conditions réunies, le prononcé de l'annulation de l'acte administratif attaqué est en principe automatique. Dans un arrêt commune de Soignolles-en-Brie du Conseil d'Etat rendu le 29 mai 2004, il était également question d'un référé lors duquel les conclusions du commissaire enquêteur étaient défavorables, et lors de cette espèce l'automaticité de la prononciation de l'annulation était reconnue. [...]
[...] Cependant, dans sa jurisprudence il semble avoir prévu ce revirement En effet, dans sa décision du 15 juin 2001 Société Robert Nioche et ses fils» numéro 230637, il estime qu'il appartient au juge des référés d'apprécier si, même lorsque les conditions fixées par la loi sont remplies, il convient néanmoins de ne pas ordonner la suspension Il précise que cette possibilité n'est ouverte qu'à titre exceptionnel. Cette précision vise à éviter les dérives auxquelles avait conduit la jurisprudence de 1976 ( CE Association de sauvegarde du quartier de Notre Dame). [...]
[...] Dans l'arrêt Commune de Conflans Sainte Honorine, le commissaire enquêteur a émis des réserves et le juge a interprété cela comme donnant lieu à des à un avis défavorable. Aussi dans l'arrêt nous étant soumis, le juge dégage deux moyens créant un doute sérieux quant à la légalité de l'acte concerné , ce qui aurait dû le mener à prononcer la suspension de la décision ministérielle. Le doute sérieux quant à la légalité de la décision comme justificatif de la suspension Différents moyens conduisant le juge à percevoir le doute sérieux nécessaire et requis par l'article L123-12 du code de l'environnement ont été relevés dans l'arrêt du 16 avril 2012. [...]
[...] Ensuite, la commission consultative de l'environnement de l'aérodrome Paris- Charles De Gaulle doit obligatoirement être consultée à l'occasion de tels bouleversements dans l'organisation aérienne. Dans les faits, il semblerait que des irrégularités ont été constatées. En effet, il est fait mention dans l'arrêt que la consultation irrégulière de la commission consultative de l'environnement de l'aérodrome Paris Charles De Gaulle tient notamment aux irrégularités ayant affecté la convocation de sa réunion le 6 juillet 2011 afin d'émettre un avis sur le projet proposé alors que le mandat de ses membres était expiré Ainsi, une prise de décision effectuée dans de telles conditions devait irrémédiablement être considérée comme instituant un doute sérieux quant à la légalité de l'acte administratif attaqué La cumulation de ces deux moyens aurait normalement dû conduire le juge administratif à procéder à la suspension des arrêtés ministériels, ce qu'il n'a pas fait aux motifs que l'intérêt général aurait pu être menacé le cas échéant. [...]
[...] LE Conseil d'Etat avait initialement confirmé cette affirmation dans un arrêt du 29 mars 2004 numéro 258563 Commune de Soignolles en Brie Cependant avec cet arrêt du 16 avril 2012, le CE revient sur sa position en déclarant que ces dispositions législatives ne font pas obstacles à ce que le juge des référés écarte, à titre exceptionnel cette demande lorsque la suspension de l'exécution de la décision porterait à l'intérêt général une atteinte d'une particulière gravité Le juge administratif met ici en application la technique des réserves d'intérêt général lui permettant alors de faire primer cet intérêt sur les exigences de légalité. Le caractère contra legem de cette décision semble s'opposer à la sécurité juridique des administrés dans la mesure où cela crée une certaine instabilité concernant les bases légales sur lesquelles se repose le juge administratif. A l'opposé la solution préconisée par le Rapporteur public qui était de différer les effets de la suspension semble aller dans le sens d'un constat praeter legem. [...]
Bibliographie, normes APA
Citez le doc consultéLecture en ligne
et sans publicité !Contenu vérifié
par notre comité de lecture