Au terme de l'article R. 421-5 du code de justice administrative, ancien article R. 104 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, « les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision. »En l'espèce, la contestation de Mme Mauline, qui agit au nom de son mari, porte sur le refus d'attribution de l'allocation spécifique prévue par le décret du 8 juin 1951 qui a été opposé à son mari, agent des postes et télécommunications, par une décision du 2 mai 1989.
Un recours administratif a été formé contre cette décision le 29 juin 1989, le rejet implicite de ce recours étant confirmé par des décisions explicites du 19 avril 1990 et du 26 juillet 1990. Aucune des décisions explicites ne contient les mentions des voies et délais de recours. Ainsi, Mme Mauline forme un recours pour excès de pouvoir devant le Conseil d'Etat en vue de voir la décision administrative en date du 2 mai 1989 par laquelle la demande d'allocation de son mari s'est vue rejetée, annulée. Or, ce recours relevait de la compétence des tribunaux administratifs en premier ressort et non du Conseil d'Etat, les tribunaux administratifs étant les juges de droit commun en matière de contentieux administratif. Cependant, en cas d'irrecevabilité manifeste, la juridiction administrative incompétemment saisie peut se dispenser de renvoyer l'affaire à la juridiction compétente, et rejeter le recours. Ainsi, le Conseil d'Etat va examiner la recevabilité de la requête de Mme Mauline. L'obligation de mentionner les délais et les voies de recours dans la notification des décisions administratives résulte de l'article 9 du décret du 28 novembre 1983, codifié à l'article R. 104 du Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel doit donc être appliqué. Le non-respect de l'obligation tenant à la mention des voies et délai de recours dans la notification telle qu'elle est prévue par l'article R. 104 du code de justice administrative est-t-elle de nature à permettre de faire courir le délai de recours contentieux ? En cas d'absence de mention des délais et voies de recours dans la notification, quel est le point de départ du délai pour agir ? Ainsi, le Conseil d'Etat va répondre à cette première question par la négative sous la forme d'un revirement de jurisprudence par rapport à l'arrêt Ville de Saint Louis contre Mme Peters rendu par le Conseil d'Etat le 2 mars 1994. Il devra ainsi se prononcer sur le maintien ou l'abandon de la théorie de la « connaissance acquise. » Le Conseil d'Etat suivra en l'espèce les conclusions du commissaire du gouvernement Jean-Denis Combrexelle proposant au Conseil d'Etat d'effectuer un revirement de jurisprudence par rapport à l'arrêt Ville de Saint Louis (rendu par le Conseil d'Etat le 2 mars 1994), sans pour autant abandonner la théorie de la connaissance acquise en maintenant la jurisprudence Grandone relative à la connaissance acquise résultant d'un recours contentieux. Le conseil d'Etat limite donc le champ d'application de la théorie de la connaissance acquise sans remettre en cause son existence. Cette solution se justifie par la recherche d'un équilibre entre le droit au juge reconnu à chacun d'une part et la sécurité juridique ainsi que la stabilité des situations de droit d'autre part.
[...] Les délais de recours commencent à courir à partir de cette date, même en l'absence de mention des délais et voies de recours. Cette décision est sans conséquence quant à la recevabilité du recours formé car la date du recours contentieux étant celle à partir de laquelle commence à courir le délai pour agir, la tardiveté de la requête ne peut être opposée à l'auteur du recours. Seulement, à l'issue du délai de deux mois l'auteur de la requête ne peut plus présenter des moyens fondés sur une cause juridique nouvelle. [...]
[...] Le conseil d'Etat limite donc le champ d'application de la théorie de la connaissance acquise sans remettre en cause son existence. Cette solution se justifie par la recherche d'un équilibre entre le droit au juge reconnu à chacun d'une part et la sécurité juridique ainsi que la stabilité des situations de droit d'autre part. S'il convient d'envisager la position initiale du Conseil d'Etat en la matière il n'en demeure pas moins que la présente décision, sans remettre en cause l'existence de la théorie de la connaissance acquise, le Conseil d'Etat effectue un revirement de jurisprudence quant à l'application combinée de ce principe avec l'obligation de mentionner les délais et voies de recours dans la notification de la décision (II. [...]
[...] Une fois le délai de recours contentieux expiré, l'administré ne pourra plus saisir le juge administratif d'une demande d'annulation de la décision, même si cette dernière est manifestement entachée d'illégalité. L'objectif d'une telle disposition est ainsi de préserver la sécurité juridique et la stabilité des situations. Mais, la présente disposition reste silencieuse quant aux effets du non-respect de l'obligation de mentionner les délais et voies de recours dans la notification. Il appartiendra donc au juge de répondre à cette question à travers sa jurisprudence. [...]
[...] Ainsi, cet article ne s'applique pas à tous les actes administratifs mais il a vocation à s'appliquer aux décisions devant faire l'objet d'une notification. Cela exclut de prime abord les actes de nature réglementaire soumis à la formalité de publication qui ne font pas l'objet d'une notification. De même, sont exclus du champ d'application de l'article R du Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel les décisions implicites de rejet qui, par définition, ne font pas l'objet d'une notification, tel que cela ressort de l'arrêt ville de Metz contre Petre rendu par le Conseil d'Etat le 22 juillet 1994. [...]
[...] 421-5 du code de justice administrative). En l'espèce, si le Conseil d'Etat avait conservé cette position, Mme Mauline, ayant formé un recours administratif le 29 juin 1989 contre la décision administrative notifiée ne mentionnant pas les voies et délais de recours, tout recours contentieux contre la décision initiale formé après le 29 août 1989 aurait été entaché d'une irrecevabilité. En effet, ayant formé un recours administratif contre la décision le 29 juin 1989, par application de la théorie de la connaissance acquise, Mme Mauline est considérée comme ayant avoir eu connaissance de la décision contestée au plus tard le 29 juin 1989, date à partir de laquelle le délai pour agir aurait du commencé à courir si le Conseil d'Etat avait adopté une solution identique que dans son arrêt ville de Saint-Louis. [...]
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