Lorsqu'un ouvrage public a causé un dommage, il est nécessaire de retenir la responsabilité de la collectivité publique propriétaire. Pour ce, les juges du fond doivent procéder à une appréciation souveraine des faits notamment le défaut d'entretien normal de l'ouvrage public ce qui lorsque l'affaire est portée devant le juge de cassation lui permet d'exercer un contrôle non sur l'appréciation des faits mais si leur qualification est en phase avec le droit applicable.
L'arrêt du Conseil d'Etat du 26 juin 1992 dans l'affaire Commune de Béthoncourt, permet justement de préciser l'étendu du contrôle de cassation qu'il exerce quand il est saisi de litige mettant en cause la responsabilité de l'administration du fait des dommages d'un travail public en cernant notamment la notion de défaut d'entretien normal. L'arrêt Commune de Béthoncourt a trait à l'électrocution d'un pêcheur dont la canne à pêche est entrée en contact avec les fils d'une ligne à haute tension alors qu'il participait à un concours de pêche organisé le 14 juillet 1980 sur un étang spécialement aménagé à cet effet par la commune.
La veuve et les enfants de ce pêcheur avaient recherché la responsabilité de la commune devant le Tribunal administratif de Besançon qui avait rejeté leur demande en relevant que la commune n'avait commis aucune faute de nature à engager sa responsabilité. Mais par un arrêt du 21 novembre 1989, la Cour administrative d'appel de Nancy avait condamné la commune à verser aux consorts Barbier une indemnisation en réparation du préjudice subi par le décès de M. Barbier au motif que la commune n'avait pas signalé la présence d'une ligne à haute tension au dessus de l'étang aménagé par elle ce qui constituait en un défaut d'entretien normal de nature à engager la responsabilité de la commune. La Cour d'appel avait cependant laissé la moitié du préjudice à la charge de la victime qui avait commis une imprudence en ne vérifiant pas avant de lever sa canne l'existence d'un risque. La commune représentée par son maire se pourvoi en cassation afin que l'arrêt de la Cour d'appel soit annulé.
Le Conseil d'Etat rejette le pourvoie au motif que la responsabilité de la commune retenu par la Cour administrative d'appel est fondée et qu'il n'est pas nécessaire de la remettre en cause dès lors que les juges du fonds ont fait une appréciation souveraine. Comment s'apprécie alors le défaut d'entretien normal d'un ouvrage public afin de retenir la responsabilité de la commune alors même qu'il n'est pas à l'origine direct du dommage causé à la victime ? Quel contrôle le Conseil d'Etat effectue ?
Le Conseil d'Etat y répond en retenant tout comme la fait la Cour administrative d'appel la responsabilité de la commune du fait que son ouvrage public est à l'origine du dommage (I) sans pour autant que la Haute Juridiction en fasse un contrôle approfondi, dès lors qu'elle estime que les juges du fond ont apprécié souverainement les faits (II).
[...] Ainsi le défaut d'entretien normal s'entend comme un défaut d'aménagement de l'ouvrage. Cet entretien normal permet d'assurer aux usagers de l'ouvrage une utilisation conforme à sa destination. Il y a défaut d'entretien normal dès lors qu'il y a un risque auquel ne peut s'attendre l'usager. La responsabilité de la commune peut être engagée sauf si elle fait tomber la présomption de faute tenant du défaut d'entretien normal de l'ouvrage public. En l'espèce, les juges du fond ont retenu qu'au vu de l'absence de signalisation du danger pour les usagers de l'étang, la commune n'apportait pas la preuve qui lui incombait d'un entretien normal de l'ouvrage public. [...]
[...] Quel contrôle le Conseil d'Etat effectue ? Le Conseil d'Etat y répond en retenant tout comme la fait la Cour administrative d'appel la responsabilité de la commune du fait que son ouvrage public est à l'origine du dommage sans pour autant que la Haute Juridiction en fasse un contrôle approfondi, dès lors qu'elle estime que les juges du fond ont apprécié souverainement les faits (II). Une responsabilité retenue au vu de l'appréciation d'un défaut d'entretien normal de l'ouvrage public Afin de rendre responsable la commune de Béthoncourt des dommages subit par la victime, la Cour administrative d'appel a du d'une part déterminer la qualité de la victime en ce qu'il est usager ou tiers à l'ouvrage public dans le but d'appliquer le régime de responsabilité correspondant Le préjudice subit engage la responsabilité de la commune impliquant que celle- ci au vu des circonstances de fait tenant à l'ouvrage public n'a pas procédé à un entretien normal de ce dernier La qualification de la qualité de la victime vis-à-vis de l'ouvrage public dans la mise en œuvre de la responsabilité L'intérêt de qualifier la qualité de la victime par rapport à l'ouvrage public est que celle-ci à des conséquences sur le régime de responsabilité applicable. [...]
[...] La victime étant dans une situation d'usager de l'ouvrage public qui est l'étang, la commune de Béthoncourt est tenue responsable des dommages. Cependant, cette qualité subissait une remise en cause par la commune tenue responsable qui estimait que la victime était tiers à l'ouvrage public ce qui engageait la responsabilité d'EDF (ce fut la solution que certain arrêt avait retenu : CE mai 1986 EDF Brunot). Le Conseil d'Etat en reprenant le raisonnement de la Cour administrative d'appel fait primer la qualité d'usager de l'étang sur celle de tiers. [...]
[...] En ce qui concerne la responsabilité, la Cour administrative d'appel a apprécié souverainement que la commune était tenue responsable dès lors qu'un défaut d'entretien normal a été constaté. Au vu de la qualité d'usager de la victime, il s'agit d'une responsabilité sans faute en ce que celle-ci n'a pas à prouver l'existence d'une faute de la commune mais doit seulement établir l'existence d'un préjudice et un lien de causalité entre le dommage subit et l'ouvrage public. Dès lors, la faute de la victime peut exonérer la responsabilité de l'administration. [...]
[...] Sa qualité a des répercutions sur le régime de responsabilité. Il s'agira en effet d'une responsabilité sans faute s'il est considéré comme tiers à l'ouvrage public et il s'agira d'une responsabilité avec présomption de faute lorsqu'il est considéré comme un usager. En l'espèce, la Cour administrative d'appel a estimé que le maire n'avait commis aucune faute dans l'exercice de ses pouvoirs de police et même si la ligne à haute tension n'était pas incorporée à l'ouvrage public qu'est l'étang, la responsabilité de la commune était engagée en sa qualité de maître de l'ouvrage public. [...]
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