En principe, une situation juridique comportant un élément d'extranéité est solutionnée par les règles de conflit de lois propres à chaque État. Mais il arrive parfois que l'application de la méthode conflictuelle soit écartée au profit d'autres règles : les lois de police sont de celles-là. Il s'agit de lois dont l'observation est nécessaire pour la sauvegarde de l'organisation sociale, politique ou économique du pays. Ces lois se caractérisent par leur très haut degré d'impérativité et leur applicabilité immédiate. Le législateur prenant rarement le soin de désigner comme telle une loi de police lorsqu'il édicte une norme, se pose fréquemment le problème de leur identification. La jurisprudence est alors amenée à faire œuvre d'interprétation. De fait et dans l'objectif de protéger la partie présumée la plus faible, ce sont généralement aux normes relatives au droit de la consommation ou au droit du travail que la jurisprudence reconnaît les caractères de lois de police.
C'est précisément dans ce contexte que s'inscrit l'arrêt Syndicat général du personnel de la Compagnie des wagons-lits en date du 29 Juin 1973. En l'espèce, il s'agissait d'une société anonyme à caractère international dont le siège se trouvait à Bruxelles, société dont le syndicat exigeait, par application de l'ordonnance du 22 février 1945, la création de comités d'établissement pour neuf établissements situés en France ainsi que la création d'un comité central d'entreprise afin de restructurer la représentation du personnel.
La direction de la Compagnie refusant de satisfaire à ses exigences, le syndicat saisît l'inspecteur principal du travail et de la main d'œuvre des transports d'une demande tendant à l'augmentation du nombre de comités d'établissements et à la création d'un comité central d'entreprise. L'inspecteur régional rejeta cette demande estimant que l'ordonnance n'imposait pas la création d'un comité central à une entreprise dont le siège était situé hors de France et que la direction de l'exploitation ferroviaire ne constituait qu'un seul établissement (qui ne justifiait donc qu‘un seul comité d‘établissement et pas neuf). Un recours hiérarchique est alors formé auprès du Ministre des Transports qui oppose au syndicat un même refus. Le Conseil d'État, saisi du litige, accueille la demande du syndicat tendant à la création d'un comité central d'entreprise mais rejette celle relative à la création des comités d'établissement.
Cette décision revêt un intérêt certain pour plusieurs disciplines (Droit du travail, Droit des sociétés). Mais c'est probablement à l'égard du Droit International Privé qu'elle présente les plus grandes incidences et ce, non pas tant sur la résolution au fond du litige mais par la méthode utilisée pour régler le conflit. En écartant d'autorité les règles de conflits de lois (I) et en donnant une portée générale à l'ordonnance de 1945, le Conseil d'État a fait des normes édictées par cette ordonnance des lois de police (II).
[...] Le Conseil d'État en déduit que ces sections ne justifient pas la création de comités d'établissements. L'on voit bien ici que le Conseil État constate quasiment de manière innocente que le siège de la société se situe en Belgique mais qu'il n'y attache aucune des conséquences que l'on aurait pu en attendre puisqu'en principe une société est régie par la loi du pays de l'établissement de son siège social. Cette indifférence au critère du siège social touche directement le droit international des sociétés. [...]
[...] Il s'ensuit que la législation doit être appliquée par toute personne physique ou morale employant des salariés en France dans les conditions qu'elle prévoit Ainsi, le Conseil État, par l'utilisation d'une méthode de réglementation des situations internationales exorbitantes de l'usage commun, a entendu faire application de la méthode dite des lois de police. II. La reconnaissance implicite du caractère de lois de police a l'ordonnance de 1945 La notion de lois de police Il s'agit de règles impératives du droit interne, dont la teneur et le but nécessitent leur application immédiate aux situations internationales, quelle que soit la règle de conflit applicable. On ne règle pas le litige par des règles de conflit dont dépend la solution au fond. On donne directement la solution au fond par application des lois de police. [...]
[...] Il a ainsi complètement écarté de facto la mise en œuvre de la méthode conflictuelle. L'absence de mise en œuvre des règles de conflit de lois La méthode conflictuelle met en jeu une règle de conflit qui désigne comme loi applicable une loi interne. Cette loi interne est la loi du pays ayant le rattachement le plus intense avec le rapport de droit envisagé. En principe, toutes les fois qu'un tribunal aura à connaître d'un litige international, il devra consulter sa propre règle de conflit de lois et déterminer la loi applicable par référence à sa propre règle. [...]
[...] Cette décision revêt un intérêt certain pour plusieurs disciplines (Droit du travail, Droit des sociétés). Mais c'est probablement à l'égard du Droit International Privé qu'elle présente les plus grandes incidences et ce, non pas tant sur la résolution au fond du litige mais par la méthode utilisée pour régler le conflit. En écartant d'autorité les règles de conflits de lois et en donnant une portée générale à l'ordonnance de 1945, le Conseil d'État a fait des normes édictées par cette ordonnance des lois de police (II). [...]
[...] Il a même pris le soin de circoncire son domaine d'application dans l'espace. Selon lui, elle doit être appliquée par toute personne physique ou morale exerçant en France les responsabilités de l'employeur Autrement dit, lorsque l'employeur est une personne morale, la localisation de son siège social n'entre pas en ligne de compte au plan de la délimitation de la sphère d'applicabilité de la loi française de police sur les comités d'entreprise. Le Conseil État pose tout de même une limite en précisant qu'un tel comité central doit être mis à même d'exercer l'ensemble des attributions définies par l'ordonnance, à l'exception de celles qui seraient incompatibles avec la présence à l'étranger du siège social. [...]
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