La loi du 9 décembre 1905 marque l'achèvement du processus de laïcisation des institutions républicaines en affirmant la séparation des Eglises et de l'Etat. Ce mouvement, témoignant d'une volonté d'affranchir l'Etat Français de l'Eglise catholique, a été initié par les révolutionnaires et s'est accéléré sous la IIIè République. De nombreuses lois de laïcisation sont ainsi intervenues à la fin du XIXè siècle, particulièrement dans le domaine de l'enseignement. Elles ont fait l'objet de débat houleux quant aux sens attaché au terme « laïc ». La loi du 9 décembre 1905 est venue clarifier la situation. D'une part, elle pose le principe selon lequel la laïcité doit être entendue comme la neutralité de l'Etat français à l'égard de toute les religions (Art. 2 : « La république ne reconnaît […] aucun culte »). D'autre part, elle indique que l'Etat reconnaît la liberté de conscience et garantit le libre exercice des cultes (Art. 1).
La polémique autour de la laïcité du service public n'était toutefois pas close. En 1989, la question de la compatibilité de ce principe avec le port de signe d'appartenance religieuse (en l'espèce, le « hidjab » ou « voile islamique ») en milieux scolaires par des élèves est venue se poser.
Et c'est trois ans plus tard que le Conseil d'Etat y a apporté une réponse dans l'arrêt Kherouaa et autres du 8 novembre 1992.
Le 28 septembre 1990, le conseil d'administration d'un collège adopte une décision interdisant le port du « voile islamique » dans l'enceinte de l'établissement. Un mois plus tard, une nouvelle décision vient modifier l'article 13 du règlement intérieur du collège. Est alors prohibé « le port de tout signe distinctif, vestimentaire ou autre, d'ordre religieux, politique ou philosophique ». Pour ne pas avoir respecté ces nouvelles dispositions du règlement intérieur, trois jeunes filles sont, le 14 décembre 1990, exclues du collège. Les élèves avaient en effet continué à porter le « foulard islamique » dans l'établissement.
Suite à cette décision du conseil d'administration du collège, les jeunes filles et leurs parents présentent un recours devant le recteur de l'académie de Créteil. Celui-ci confirme, le 11 mars 1991, la décision d'exclusion définitive.
Les parents des jeunes filles décident alors de saisir le Tribunal administratif de Paris D'une part, ils demandent l'annulation des décisions établissant les nouvelles dispositions du règlement intérieur et d'autre part l'annulation des décisions du conseil d'administration et du recteur de l'académie de Créteil prononçant l'exclusion de leurs filles.
Déboutés de leurs demandes par les juges du tribunal administratif, les parents présentent au Conseil d'Etat une requête tendant à l'annulation de ce jugement.
Selon les requérants, les nouvelles dispositions de l'article 13 du règlement intérieur seraient en effet contraires à divers textes de valeur législative et constitutionnelles garantissant la liberté de conscience religieuse et de son expression. La décision d'exclusion n'aurait donc pas de base légale.
La requête porte donc à l'attention des juges de l'ordre administratif la question de la compatibilité de la laïcité de l'enseignement public avec la liberté de conscience et d'expression religieuse. Elle pose le problème de l'interprétation du concept de laïcité et de la manière dont il doit s'appliquer aux usagers du service public, en l'espèce les élèves. Ainsi, la neutralité religieuse qui s'impose au service public et à ses agents depuis la loi de 1905 doit elle également être imposée à ses usagers ? Ne leur permet-elle pas, au contraire, en reconnaissant sur un pied d'égalité les diverses croyances religieuses, de les exprimer librement ?
Le Conseil d'Etat, en décidant d'annuler le jugement rendu par le tribunal administratif, ainsi que les dispositions litigieuses du règlement intérieur et les décisions du conseil d'administration et du recteur prises sur son fondement, adopte cette deuxième interprétation.
En effet, il indique dans son attendu que le principe de laïcité exige le respect de la liberté de conscience des élèves (I). Celle-ci se manifeste par leur droit d'exprimer leur croyance religieuse au sein de l'établissement. A ce titre, l'article 13 du règlement intérieur du collège est illicite en ce qu'il pose une interdiction générale et absolue relative à l'exercice d'une liberté publique.
Le Conseil d'Etat pose cependant un certain nombre de limites à la liberté de conscience religieuse des élèves (II). Or, il constate qu'aucun dépassement de ces limites par les élèves exclues n'est établi. Seules les dispositions illicites du règlement intérieur sont alléguées pour justifier l'exclusion des jeunes filles. A ce titre, les décisions d'exclusion sont entachées d'excès de pouvoir.
[...] Le juge administratif souligne tout d'abord que la liberté reconnue aux élèves ne peut pas porter atteinte aux activités d'enseignement, au contenu des programmes et à l'obligation d'assiduité Les élèves ne peuvent donc pas en principe refuser de participer à certaines activités d'enseignement pour des motifs religieux. Le juge a notamment confirmé cette position dans sa décision Wisaadane et autres[12] du 27 novembre 1996. En l'espèce, le Conseil d'Etat avait confirmé l'exclusion définitive de plusieurs élèves. Celles-ci avaient manqué à leur obligation d'assiduité au cours d'éducation physique et sportive en refusant d'y participer sans motif médical valable. Par ailleurs cette limite impose que les élèves ne puissent recevoir de dispense d'assiduité au cours et enseignements pour motifs religieux. [...]
[...] p CE avril 1997, Epoux Mehila et autres n°173103 CE octobre 1999, Ministre de l'éducation nationale M. [...]
[...] L'abstention est donc également la règle en matière de propagande religieuse. En application de la limite ainsi posée, le Conseil d'Etat a pu confirmer la décision prise par l'administration d'un établissement scolaire d'exclure des jeunes filles ayant eu un comportement prosélyte. En l'espèce, les élèves avaient fait signer des pétitions à l'entrée de leur établissement[17]. Le Conseil d'Etat indique également que les limites qu'il apporte à la liberté de conscience des élèves ont pour objet de protéger leurs propres intérêts. [...]
[...] Celle-ci refusait en effet toute interdiction générale et absolue en la matière. Une ébauche de réponse est apportée par l'arrêt Union française pour la cohésion nationale[21] rendu le 8 octobre 2004 par le Conseil d'Etat. Dans cette affaire, le Conseil d'Etat a eu à apprécier la légalité d'une circulaire appliquant la loi du 15 mars 2004. Cette circulaire visait donc l'application d'une interdiction générale et absolue en matière de liberté de conscience religieuse. Or le Conseil d'Etat a estimé qu'elle n'était pas contraire à la liberté de religion reconnue par les textes fondant la décision Khrouaa et certains engagements internationaux (dont l'article 9 de la CEDH). [...]
[...] En effet, le juge administratif reprend le terme ostentatoire mais ne le définit pas. Sous son contrôle, il laisse donc aux chefs d'établissement le soin d'apprécier le caractère ostentatoire des signes portés par les élèves. Cette responsabilité est considérée par de nombreux chefs d'établissement comme trop lourde. Par ailleurs, une partie de la doctrine a pu considérer que l'évaluation au cas par cas des différentes situations était trop aléatoire. En 1994, une nouvelle circulaire émanant du Ministre de l'éducation nationale, M. [...]
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