Mademoiselle Faucheux est secrétaire d'administration au ministère de la Marine marchande ; elle est d'autre part secrétaire du syndicat du personnel administratif CGT de la Marine marchande. La demoiselle Faucheux a divulgué dans une lettre qu'elle a affichée sur le panneau réservé aux communications syndicales le contenu d'un projet d'instruction relatif aux horaires alors encore en préparation dans les services du ministère. Cette note appelant le personnel à protester commençait ainsi : « A nos collègues : nous apprenons officieusement que M. Gaston Deferre, ministre de la Marine marchande, a décidé de fixer comme suit les horaires du personnel de ses services : (…) Nous devons protester ensemble et appelons nos camarades de travail à agir auprès de leurs directions syndicales et de leurs chefs de services pour que ces dispositions ne soient pas appliquées». Le ministre lui a infligé un blâme par arrêté du 16 novembre 1950 au motif que la demoiselle Faucheux avait méconnu l'obligation de discrétion professionnelle en exposant au yeux de ces collègues le contenu d'un projet que le ministre n'avait pas encore rendu public. Par une requête pour excès de pouvoir la requérante désire obtenir l'annulation de cette décision.
Le statut général des fonctionnaires n'a rien d'un code de déontologie, ni d'un traité de morale. Sur le devoir des agents de l'Etat, les textes sont peu explicites. La présente décision du Conseil d'Etat tranchant le litige qui oppose la demoiselle Faucheux à l'administration éclaire la portée de l'obligation de discrétion professionnelle. Le Conseil d'Etat répond à un certain nombre d'interrogations et permet de préciser l'étendu et les effets de l'obligation. Pour répondre à la question « y a-t-il vraiment eu, en l'espèce un manquement au devoir de discrétion professionnelle ?» (Chardeau) le Conseil d'Etat doit savoir à l'égard de qui le fonctionnaire est tenu à la discrétion. L'obligation doit-elle être observée à l'égard des seuls tiers ou doit elle s'appliquer à l'égard des autres fonctionnaires. Une autre problématique est soulevée par la qualité de secrétaire d'un syndicat de la requérante. On aurait pu penser que cette obligation de discrétion soit tempérée à l'égard des fonctionnaires investis de responsabilité syndicale. L'arrêt montre que ce n'est pas le cas et que l'obligation l'emporte sur la liberté syndicale.
Le devoir de discrétion professionnelle est une obligation stricte aux contours larges (I). Elle s'impose même à l'égard des fonctionnaires investis de responsabilités syndicales (II).
[...] Commentaire de l'arrêt CE 6 mars 1953, Demoiselle Faucheux Mademoiselle Faucheux est secrétaire d'administration au ministère de la Marine marchande ; elle est d'autre part secrétaire du syndicat du personnel administratif CGT de la Marine marchande. La demoiselle Faucheux a divulgué dans une lettre qu'elle a affichée sur le panneau réservé aux communications syndicales le contenu d'un projet d'instruction relatif aux horaires alors encore en préparation dans les services du ministère. Cette note appelant le personnel à protester commençait ainsi : A nos collègues : nous apprenons officieusement que M. [...]
[...] La présente décision du Conseil d'Etat tranchant le litige qui oppose la demoiselle Faucheux à l'administration éclaire la portée de l'obligation de discrétion professionnelle. Le Conseil d'Etat répond à un certain nombre d'interrogations et permet de préciser l'étendu et les effets de l'obligation. Pour répondre à la question y a-t-il vraiment eu, en l'espèce un manquement au devoir de discrétion professionnelle (Chardeau) le Conseil d'Etat doit savoir à l'égard de qui le fonctionnaire est tenu à la discrétion. L'obligation doit-elle être observée à l'égard des seuls tiers ou doit elle s'appliquer à l'égard des autres fonctionnaires. [...]
[...] L'obligation de discrétion est d'une portée large, mais elle n'est pas dépourvue de limites. Ces limites tiennent au devoir des agents de satisfaire aux demandes légitimes d'information des administrés. Il existe également de plus en plus d'agent chargé de faire le lien entre l'administration et l'administré afin de rendre moins opaque et plus légitime le processus décisionnel administratif. Cette demande d'information résulte également de la législation organisant la liberté d'accès aux documents administratifs, la commission d'accès aux documents administratifs veillant par ses avis au respect de cette liberté. [...]
[...] C'est ce que fit valoir la requérante de l'espèce Faucheux. En fait, il ne s'agit nullement d'interdire à un syndicat de protester contre les mesures touchant les intérêts collectifs qu'il a pour mission de défendre. Ce droit de protester contre les mesures touchant les intérêts collectifs peut s'exercer, soit à l'encontre des décisions portant atteinte à ces intérêts, soit à l'encontre de projet de décision en cours d'élaboration lorsque les fonctionnaires sont consultés. Mais les responsabilités syndicales ne peuvent légitimer la divulgation d'informations sans autorisation de la hiérarchie. [...]
[...] Le prima de l'obligation de discrétion sur la liberté syndicale 1. L'obligation de discrétion s'impose à tous les fonctionnaires Les devoirs imposés aux fonctionnaires dans l'intérêt du service s'imposent à tous et passent avant les prérogatives qui leur sont reconnues par ailleurs pour sauvegarder leurs intérêts personnel et professionnel Il s'agit là pour le commissaire du gouvernement Chardeau d'un principe essentiel de la fonction publique. Le Conseil d'Etat, suivant le commissaire de gouvernement, estime donc dans cet arrêt que l'on ne saurait affranchir un fonctionnaire de ses obligations du simple fait que l'agent en question est investi de responsabilité syndicale : sa qualité de secrétaire d'un syndicat du personnel ( ) ne la dispensait pas de l'obligation de discrétion On peut à cet égard relever que le décret 82-451 du 28 mai 1982 relatif aux commissions administratives paritaires de l'Etat rappelle en son article 39 que les membres des commissions administratives sont soumis à l'obligation de discrétion professionnelle en ce qui concerne les faits et documents dont ils ont eu connaissance Un risque de paralysie de l'activité syndicale ? [...]
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