Devant l'accroissement du droit communautaire et le développement des conventions comme source de droit, il n'est pas rare que des problèmes d'application apparaissent, problèmes liés tant à la hiérarchie de ces normes qu'à leur interprétation. Ainsi, afin d'éviter toutes confusions, les tribunaux n'hésitent pas à se tourner vers le Conseil d'Etat pour solliciter son avis sur un problème de droit ambigu.
C'est ainsi que le Conseil d'Etat fut saisi par deux fois le 31 mars 1995, pour se prononcer sur différentes questions relatives aux pénalités fiscales et notamment celle de l'applicabilité, en la matière, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme (CEDH).
Ainsi, dans l'avis rendu concernant les affaires SA d'expertise comptable du Languedoc et SARL Cara Cara, le Conseil d'Etat a, comme nous le verrons, largement admis les conditions de mise en oeuvre de l'article 12 de la loi du 31 décembre 1987 aux termes duquel "avant de statuer sur une requête soulevant une question de droit nouvelle, présentant une difficulté sérieuse et se posant dans de nombreux litiges, le tribunal administratif ou la cour administrative d'appel peut, [...] transmettre le dossier de l'affaire au Conseil d'Etat".
C'est d'ailleurs sur ce fondement qu'il fut saisi par la Cour administrative de Lyon, lui soumettant le dossier de l'affaire SARL Auto-industrie Méric. Ladite SARL a été assignée à payer des impositions supplémentaires à l'impôt sur les sociétés, des pénalités ainsi que des droits supplémentaires de TVA pour différentes périodes. Le Conseil d'Etat dut se prononcer sur le point de savoir si les pénalités pour manoeuvres frauduleuses devaient être considérées comme assimilables à des condamnations pénales au sens de la CEDH et particulièrement à son sixième article. Cet article prévoit en substance le droit à un procès équitable, aux respects de la présomption d'innocence et du principe du contradictoire. Le Conseil d'Etat estime que ledit article n'est pas applicable aux procédures d'élaboration ou aux prononcés des sanctions mais qu'il l'est lors des procédures de contestations des majorations d'impositions prévues en cas de manoeuvre frauduleuses. En effet, il estime que ces sanctions n'ont pas pour objet la seule réparation pécuniaire d'un préjudice et qu'elles constituent des "accusations en matière pénale" au sens de l'article 6 précité.
Ce principe ainsi posé par le Conseil d'Etat est d'une grande portée. Aussi, d'autres questions préjudicielles ne tardèrent pas à lui être posées, surtout puisqu'il admet largement les conditions de mise en oeuvre de l'article 12 de la loi de 1987. Ainsi dans l'arrêt Houdmond du 5 avril 1996, il dut se prononcer sur différentes questions pratiques découlant du principe d'applicabilité de la CEDH. Il se prononça donc sur le problème de l'application de la loi répressive nouvelle plus douce et sur différents points s'y rapportant. Par conséquent, il déclara que les majorations de droit pour mauvaise foi étaient soumises au principe de nécessité des peines et qu'il avait lieu de faire application de la loi répressive nouvelle plus douce en se référant à la date à laquelle statuait le juge.
Ayant admis d'une part, le caractère pénal de certaines sanctions infligées par l'administration fiscale et d'autre part l'applicabilité de principes de droit pénal général, c'est certains pouvoirs et devoirs du juge fiscal qui se devaient d'être modifiés en ce domaine. Ces aménagements étaient nécessaires afin de permettre le respect de la CEDH en droit interne et de faire en sorte que lors de sanctions "à coloration pénale", le juge fiscal ait des pouvoirs similaires au juge pénal tout en respectant les mêmes principes juridiques.
C'est pourquoi nous étudierons le principe d'applicabilité de la CEDH (I) puis la portée de ce principe en droit français(II).
[...] Ces aménagements étaient nécessaires afin de permettre le respect de la CEDH en droit interne et de faire en sorte que lors de sanctions "à coloration pénale", le juge fiscal ait des pouvoirs similaires au juge pénal tout en respectant les mêmes principes juridiques. C'est pourquoi nous étudierons le principe d'applicabilité de la CEDH puis la portée de ce principe en droit français(II). I. Le principe d'applicabilité de la CEDH Il convient de s'interroger préalablement sur la compétence du CE avant de constater qu'il a admis l'applicabilité de la convention uniquement lors de la contestation de sanctions administratives ayant le caractère de punitions(B). [...]
[...] Ce principe étant d'ordre public, il est normal que personne, ni même aucun juge, ne puisse y déroger. En effet, les peines n'existent que pour réprimer les comportements nuisibles à la société. Or si un comportement devient moins ou plus du tout nuisible, cette peine n'a plus lieu d'exister. Il est donc évident que ce principe doit être respecter dans toutes les juridictions infligeant des sanctions, quelle que soit la nature de celles-ci. Tout comme le juge pénal, le juge fiscal a le pouvoir de sanctionner, dès lors il se doit d'avoir les mêmes devoirs. B. [...]
[...] La Haute juridiction dut alors en préciser certains aspects. Ce principe étant d'ordre public, le juge de l'impôt se devait d'examiner d'office si la loi nouvelle était plus douce et le cas échéant en faire application. Ce principe n'apparaît pas comme une faculté pour le juge mais comme une obligation réelle dont le non-respect peut constituer un cas d'ouverture en cassation. Le Conseil d'Etat précisa également que le juge devait se placer à la date à laquelle il statuait pour déterminer la loi applicable et non bien entendu la date des faits ou de leur majoration pour mauvaise foi. [...]
[...] Ce principe va donc modifier et compléter les compétences du juge fiscal. Ainsi, ce juge a vu ses devoirs et ses pouvoirs redéfinis par rapport aux principes de droit pénal. Observons quels sont maintenant les devoirs et les pouvoirs du juge fiscal. A. Les devoirs du juge L'avis rendu dans l'arrêt Houdmond répond aux inquiétudes de la doctrine qui se demandait si la reconnaissance du caractère pénal des sanctions fiscales allait avoir des prolongements en matière d'applicabilité de la loi nouvelle plus douce. [...]
[...] C'est donc seulement si le nouveau texte répressif modifie le taux de cette majoration qu'il est nécessaire de vérifier le caractère plus doux de la sanction. Un taux moins élevé, ferait de ce texte une loi répressive plus douce qui se verrait appliqué rétroactivement, c'est à dire à des faits antérieurs n'ayant pas l'autorité de chose jugée. Du fait du caractère pénal des sanctions, le Conseil d'Etat semble conféré au juge de l'impôt les mêmes devoirs et obligations qu'au juge pénal. [...]
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