Hauriou affirmait déjà, il y a de nombreuses années, « le recours pour excès de pouvoir tel qu'il est conçu actuellement ne fait que se survivre ». Cela est sans doute dû à l'introduction de différents recours, car si dans tous les cas, l'action de l'administration est soumise au contrôle du juge administratif, la différence de nature des actes unilatéraux et des contrats fait naître la distinction entre deux types de recours : le recours pour excès de pouvoir contre les actes unilatéraux, et le recours de pleine juridiction contre les contrats.
Le recours pour excès de pouvoir est le recours juridictionnel dirigé, en vue de les faire annuler pour cause d'illégalité, contre des actes unilatéraux émanant soit d'une autorité administrative, soit d'un organisme privé agissant dans le cadre d'une mission de service public. Le recours de pleine juridiction est différent, puisque c'est le recours juridictionnel par lequel un requérant peut demander au juge, en invoquant tous moyens pertinents, de constater l'existence à son profit d'une créance contre l'Etat ou contre une autre collectivité publique, et/ou d'annuler ou de réformer un acte administratif n'entrant pas dans le champ d'application du recours pour excès de pouvoir, tel que le contentieux des contrats administratifs.
Ainsi deux recours contentieux existent, ils sont différents à la fois par leur nature, leurs fonctions et leurs implications. Cependant, en pratique, la distinction n'est pas aussi nette, c'est ce qu'illustre parfaitement l'arrêt, Ville de Lisieux, du conseil d'Etat du 30 octobre 1998.
En effet, le maire de la ville de Lisieux conclut des contrats avec 5 agents non titulaires afin de les recruter mais cela sans réunir le conseil municipal. Les agents non titulaires étant les emplois permanents de l'administration (que ce soit la fonction publique d'Etat, territoriale ou hospitalière) qui sont normalement occupés par des fonctionnaires. Mais qui à titre dérogatoire, dans certains cas, peuvent être des agents non titulaires. On parle alors, d'agents contractuels de droit public
M Fantom introduit une requête devant le tribunal administratif de Caen en annulation du contrat conclu entre la collectivité publique et les agents non titulaires. Il demande cela car le maire de Lisieux aurait du réunir le conseil municipal pour prendre cette décision comme le dispose l'article 34 de la loi du 26 janvier 1984 ainsi que l'article 136 de cette même loi qui précise le cas des agents non titulaires.
Le 4 mai 1993 le tribunal administratif de Caen rejette la demande présentée par M. Fantom tendant à l'annulation d'un contrat conclu entre la commune de Lisieux et 5 agents de cette ville car un tiers n'est pas fondé à demander l'annulation d'un contrat passé entre une collectivité publique et ses agents non titulaires et le recours est donc irrecevable.
M Fantom interjette alors appel devant une cour administrative d'appel qui confirme le jugement, c'est pour cette raison qu'il forme un pourvoi en cassation devant le conseil d'Etat. M Fantom considère qu'en tant que conseiller municipal il est fondé à agir contre un contrat conclu de façon irrégulière entre une collectivité publique et ses agents non titulaires.
Ainsi le conseil d'Etat, le 30 octobre 1998 doit répondre à plusieurs questions à la fois sur la recevabilité : La demande d'annulation d'un contrat par un tiers est-elle recevable ? Un contrat de recrutement d'un agent non titulaire par une collectivité publique peut-il être annulé? Mais également sur la légalité externe de l'acte : le maire a-t-il l'obligation de réunir le conseil municipal avant de conclure des contrats de recrutement avec des agents non titulaires ?
[...] Des incertitudes naissantes Il faut tout d'abord étudier les conséquences de l'annulation des contrats En effet l'annulation est l'anéantissement rétroactif d'un acte juridique, pour l'inobservation de ses conditions de formation, ayant pour effet soit de dispenser les parties de toute exécution, soit de les obliger à des restitutions réciproques. Ainsi en l'espèce le contrat n'est plus susceptible d'exécution et l'effet rétroactif laisse en suspend certaine interrogation ; En effet les co-contractants ayant été recrutés voient subitement leurs contrats annulés ce qui peut poser certains problèmes. La portée de cet arrêt est également cruciale puisque la conseil d'Etat pourrait aboutir à une systématisation du recours à l'excès de pouvoir en ne laissant plus beaucoup de place aux autres contentieux pourtant utile. [...]
[...] Toutefois l'expansion de ce recours que l'on pourrait qualifier de nouveau recours pour excès de pouvoir pourrait sérieusement empiéter sur le traditionnel recours pour excès de pouvoir. Ainsi le conseil d'Etat emmène à concevoir un nouveau type de recours contre les contrats. L'admission du recours pour excès de pouvoir contre le contrat administratif n'est donc pas encore généralisée, et le principe général reste celui de la distinction entre le recours de plein contentieux destiné à juger le contrat et le recours pour excès de pouvoir destiné à juger l'acte unilatéral. [...]
[...] La nouveauté est donc importante dans cette nouvelle vision extensive de l'intérêt à agir du tiers et de la recevabilité de sa demande, toutefois la nouveauté est double car ce tiers peut agir contre un contrat spécifique. II- L'innovante admission du recours a l'encontre des contrats de recrutements des agents non titulaires Le conseil d'Etat admet donc que dans certains cas déterminés, un contrat administratif puisse faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir toutefois certaines incertitudes demeurent et des interrogations naissent L'admission sans précédent d'un recours contre un contrat Depuis les années 1980 l'administration a développée l'utilisation du procédé contractuel or celui-ci ne garantie pas les droit au procès du tiers de la même manière que l'acte unilatéral. [...]
[...] En effet, l'anomalie étant l'absence d'acte, en l'occurrence une décision du conseil municipal, ne permettait pas avec la jurisprudence Cayzeele d'attaquer une décision faisant grief. De plus la théorie de la détachabilité des actes du contrat administratif ne concerne pas le contenu du contrat ce qui aurait limité la portée de la décision. Ainsi, si la loi de décentralisation a ouvert la voie au recours pour excès de pouvoir contre le contrat administratif, elle ne l'a fait que dans le cas très précis de l'action du préfet fondée sur ses pouvoirs de contrôle des actes administratifs pris par les autorités locales. [...]
[...] Un contrat de recrutement d'un agent non titulaire par une collectivité publique peut-il être annulé? Mais également sur la légalité externe de l'acte : le maire a-t-il l'obligation de réunir le conseil municipal avant de conclure des contrats de recrutement avec des agents non titulaires ? A cette dernière question le conseil d'Etat répondra qu'aux termes du premier alinéa de l'article 34 et de l'article 136 de la loi du 26 janvier 1984, le conseil municipal doit délibérer sur la question de recrutement d'agents non titulaires, et qu'ainsi en l'espèce, le contrat est entaché d'illégalité à la suite d'un vice de procédure et peut donc être annulé. [...]
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