Au sein de l'administration française, une autorité administrative peut édicter des actes unilatéraux, quels que soient leurs portées ou leurs valeurs juridiques. Parmi ces actes existent les circulaires qui ont une portée générale ou du moins assez large dans le service. Ils ont une force obligatoire à l'égard des agents du service, mais n'ont pas d'effet juridique direct auprès des administrés et ne leur font ainsi pas grief. En principe, il est aisé de déterminer si un acte produit ou non des effets juridiques. L'arrêt CE 10 juillet 1995, Syndicat des embouteilleurs de France considère que l'arrêté de police municipale a un caractère exécutoire et fait grief, tandis que la lettre de l'administration à un administré rappelant l'état du droit existant ne bouleverse pas l'ordre juridique et n'est ainsi pas susceptible de recours pour excès de pouvoir.
En l'espèce, le 11 janvier 1950, le ministre de l'Education nationale émet une circulaire, relative à l'application de la loi Falloux de 1850, qui soumet à l'avis préalable du Conseil supérieur de l'Education nationale toutes les demandes de subvention qui sont adressées par les établissements d'enseignement secondaire à des collectivités territoriales et qui impose la signature d'un engagement entraînant un contrôle administratif et pédagogique de l'établissement. Cette circulaire précise donc les conditions à remplir pour pouvoir obtenir une éventuelle subvention, alors même que ces conditions n'étaient formulées par aucune loi. Le 25 février 1950, le sous-préfet de Morlaix exige alors dans une lettre que le dossier de demande de subvention de l'Institution Notre-Dame du Kreisker soit constitué conformément aux prescriptions de la circulaire du ministre de l'Education nationale. Ladite institution, représentée par son directeur en exercice, souhaite faire annuler la décision du sous-préfet du 25 février 1950 pour excès de pouvoir, au motif que le pouvoir de prendre une décision définitive sur lesdites demandes appartenant aux conseils généraux et aux conseils municipaux, le ministre de l'Education nationale ne pourrait légalement subordonner l'exercice par les assemblées locales de leur pouvoir à l'intervention d'avis non prévus par la loi. De plus, le ministre de l'Education nationale ne se serait pas borné à interpréter les textes en vigueur mais aurait édicté des règles nouvelles, conférant un caractère réglementaire à ladite circulaire.
Ainsi, il paraît juste de se poser la question suivante : une circulaire à caractère réglementaire est-elle susceptible de recours de la part des administrés ? En effet, le critère de distinction tiré de l'arrêt CE 29 janvier 1954, Institution Notre-Dame du Kreisker est de distinguer les décisions exécutoires à savoir les circulaires réglementaires, des autres décisions appelées circulaires interprétatives. Le Conseil d'Etat considère que les circulaires réglementaires sont celles qui modifient l'ordonnancement juridique, en imposant des obligations nouvelles à l'administré. Ainsi, l'intérêt de l'étude de l'arrêt susvisé concerne d'abord les droits que les administrés peuvent tirer d'une circulaire.
[...] Ainsi, conformément à l'arrêt CE 17 juillet 1995, Syndicat des psychologues de l'éducation nationale, lorsqu'une circulaire n'est qu'interprétative des dispositions d'un texte, elle ne saurait faire grief. De même, la circulaire définissant le fonctionnement interne du service vue dans l'arrêt CE 9 mars 1951, Guislain est considérée comme étant une vraie circulaire tout comme celles qui commente ou interprète, vu l'arrêt CE 29 juillet 1953, Dame Sinichou, celles qui se contentent d'indiquer aux agents un certain comportement dans l'arrêt CE 23 décembre 1959, Freyssinet et UNEF, ou encore celles qui par elles-mêmes ne contiennent aucune disposition directement opposable aux administrés et constituent ainsi une instruction ne faisant pas grief comme l'arrêt CE 10 juillet 1995, Association Un Sysiphe A l'inverse, depuis l'arrêt Institution Notre-Dame du Kreisker, le Conseil d'Etat considère que le fait de fixer des règles nouvelles relatives à la constitution des dossiers des demandes de subventions ( ) confère un caractère réglementaire à ladite circulaire (deuxième Considérant). [...]
[...] Toutefois, en tant que chef de service, le ministre peut aussi prendre des mesures dont les destinataires sont les usagers des services. C'est le cas de l'arrêt CE Ass. 1er avril 1949, Chaveneau, mais également le principe par l'arrêt Notre-Dame du Kreisker susvisé. En effet, il ne peut que préciser ou compléter les dispositions législatives ou décrétales, non en combler les lacunes en édictant une règle applicable à une situation non prévue par les lois et décrets, vu l'arrêt CE Sec décembre 1963, Confédération générale des vignerons du midi. [...]
[...] C'est également le cas des arrêts CE 8 octobre 1971, Syndicat national des architectes et CE 2 décembre 1966, Sieur marchand. Toutefois, un progrès législatif a permis aux administrés d'exercer un recours plus facilement : en effet, la loi du 17 juillet 1978 portant diverses mesures d'amélioration des relations entre l'administration et le public, dite sur la transparence dispose que les circulaires doivent être publiques, ce qui permet à l'administré de les connaître et ainsi pouvoir les attaquer, notamment lorsque celles-ci ne sont pas émises par une personne expressément compétente pour cela. [...]
[...] Le Conseil d'Etat va considérer que le pouvoir de prendre une décision définitive sur lesdites demandes appartenant aux conseils généraux et aux conseils municipaux, le ministre de l'Education nationale ne peut subordonner l'exercice du pouvoir à l'intervention d'avis non prévus par la loi, et qu'ainsi l'institution requérante est fondée à attaquer la circulaire pour excès de pouvoir. De plus, il ne saurait appartenir qu'à cette assemblée de subordonner l'octroi de cette subvention à l'acceptation par l'établissement d'un tel contrôle particulier. Le Conseil d'Etat considère alors que l'institution est fondée à soutenir que le ministre a commis un excès de pouvoir. La circulaire du 11 janvier 1950 est ainsi annulée, et la requête de l'institution Notre-Dame du Kreisker approuvée. [...]
[...] C'est le cas des arrêts CE 19 février 2003, Société Auberge ferme des genets et CE 9 avril 2004, Syndicat national force ouvrière des magistrats. Pour les actes à portée générale et impersonnelle, ce n'est donc que depuis l'arrêt Duvignères que ce caractère impératif suffit à ouvrir l'accès aux tribunaux. Auparavant, et notamment dans l'arrêt Notre-Dame du Kreisker, les juridictions administratives s'attachaient à vérifier que l'acte ajoutait au droit, en revêtant ainsi un caractère non pas interprétatif mais bel et bien réglementaire. [...]
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