28 février 1919, pourvoi 61593, arrêt Dames Dol et Laurent, recours pour excès de pouvoir, mesure de police, pouvoirs de police, liberté du commerce, liberté individuelle, légalité administrative, acte administratif, circonstances exceptionnelles, dérogations législatives, autorité administrative, arrêt Commune de Morsang-sur-Orge, censure, mesure préfectorale, constitution de 1958, sécurité publique
Les requérantes, les dames Dol et Laurent, « filles publiques », c'est-à-dire prostituées, se voient interdire l'accès au port de Toulon pour racoler par le préfet maritime. Elles soulèvent un recours pour excès de pouvoir devant le Conseil d'État, considérant que ces mesures de police sont prises au-delà des limites conférées par la législation municipale et la loi du 9 août 1849. En effet, elles violent la liberté individuelle et la liberté du commerce.
À l'opposé, le préfet maritime considère que les mesures prises sont légales, non pas en suivant le cadre de la légalité administrative normale, mais spécifiquement en raison du caractère exceptionnel du contexte de guerre.
[...] C'est par exemple ce que fait l'administration dans l'arrêt Bosquain de 1947. Malgré cette acceptation de mesures dérogatoires, le Conseil d'État tempère sa position en affirmant pleinement la nécessité d'un contrôle de ces mesures par le juge administratif. Le maintien d'un strict contrôle du juge des dérogations à la légalité administrative Le Conseil d'État affirme que les mesures exceptionnelles doivent être contrôlées et ne sont pas illimitées En l'espèce, ce contrôle le conduit à valider les mesures du préfet maritime L'affirmation d'un contrôle de principe des mesures de police adoptées Pour le Conseil d'État, « il appartient au juge, sous le contrôle duquel s'exercent ces pouvoirs de police, de tenir compte, dans son appréciation, des nécessités provenant de l'état de guerre, selon les circonstances de temps et de lieu ». [...]
[...] En effet, il s'agit ici d'une liberté générale, assimilable à la liberté de se déplacer dans l'espace public. La « liberté individuelle » de l'article 66 renvoie en revanche, en tout cas telle qu'elle est aujourd'hui interprétée par le Conseil constitutionnel, au droit de ne pas être arbitrairement détenu. La liberté du commerce préfigure l'arrêt Daudignac de 1951 qui garantira la liberté du commerce et de l'industrie comme principe général du droit. Concernant le contrôle en lui-même, indéniablement le Conseil se montre peu disert, voire lapidaire. [...]
[...] Cette jurisprudence peut être étendue à celle des circonstances exceptionnelles. La Guerre comme circonstance exceptionnelle Dans cette décision du Conseil d'État, ce dernier considère assez logiquement qu'en l'espèce, la Guerre est une circonstance exceptionnelle. Le Conseil d'État ne cherche pas à justifier sa position ; il affirme simplement l'opposition entre le « temps de paix » et la période de guerre ». Cette position apparaît assez logique dans la mesure où, comme nous l'avons dit, cette position était ébauchée dans l'arrêt Heyriès de 1918, mais aussi dans la mesure où le Conseil d'État crée cette jurisprudence spécifique pour ce contexte de Première Guerre mondiale. [...]
[...] En effet, pour le Conseil d'État, la légalité classique doit céder le pas à un régime différent lorsque certaines circonstances qualifiées d'exceptionnelles. Ces circonstances ne sont pas établies a priori, et sont intrinsèquement factuelles. Ainsi, le Conseil a pu considérer comme de telles circonstances évidemment la guerre, mais également une grève des cheminots (CE Jarrigon), les périodes de décolonisation en Indochine, en Algérie et à Madagascar (respectivement, CE Andreani, CE 1965, Union fédérale des magistrats et Sieur Reliquet et CE Andriamiseza). [...]
[...] Ici encore, il affirme plus qu'il ne démontre. Le contrôle dont il garantit l'existence n'est alors pas un plein contrôle de la proportionnalité des mesures de police, comme il le fera dans sa décision Benjamin de 1933. Le contrôle apparaît léger, validant ainsi toutes les restrictions tout en garantissant le principe même de leur contrôle. [...]
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