L'activité de police, touchant par nature à l'ordre public, apparaît comme étant d'importance première pour les libertés. En effet, les mesures prises dans le cadre d'une telle activité porte nécessairement atteinte aux libertés et droits fondamentaux. Dans l'affaire dite du « lancer de nain », les conséquences juridiques semblent particulièrement nombreuses. Les questions posées apparaissent fortement sensibles car elles touchent au droit (notamment dans le domaine du droit des libertés fondamentales), mais également à la philosophie et appellent très rapidement des considérations tant humaines et morales que juridiques. Par deux arrêts remarqués d'assemblée rendus le 27 octobre 1995 , le Conseil d'Etat a eu à connaître d'une affaire dans laquelle deux villes avaient interdit la tenue d'un spectacle de lancer de nain sur le fondement de l'ordre public au motif notamment de l'atteinte à cet ordre. L'organisateur a saisi les tribunaux administratifs compétents qui ont annulé l'arrêté d'interdiction émanant des autorités municipales soit pour défaut de circonstances locales particulières justifiant une telle atteinte, soit en constatant que l'activité ainsi annulée ne constituait pas une atteinte à la dignité . Le CE, en appel, censure les juges du premier degré et confirment les arrêtés municipaux en intégrant, comme composante de l'ordre public, la notion de dignité de la personne humaine. Le désaveu des premiers juges et des argumentaires des parties condamnées est sans équivoque. La juridiction suprême verra sa décision confortée par des organes supra nationaux de protection des libertés fondamentales , ce qui confère à l'obscure notion de dignité (obscurité entendue sur le plan juridique au moins) une importance considérable.
Cependant, l'on remarquera que le CE interprète de manière originale la notion d'ordre public. L'interprétation extensive de l'ordre public ne porte t-elle pas atteinte de manière excessive aux libertés ? Au surplus, l'on peut se demander jusqu'à quel point une notion si mal définie ne recouvre t-elle pas l'arbitraire ?
Confier au maire des pouvoirs de police dont les fondations reposent sur des sables mouvants (I) pose la question de l'étendue de tels pouvoirs. Comme dans l'arrêt Benjamin , l'on peut craindre les excès du premier magistrat communal. La Haute Juridiction de l'ordre administratif et les instances supra nationales prennent un risque non négligeable en permettant aux autorités de police de fonder leurs actes sur des notions floues (II), pour reprendre les termes employés par M. Delmas-Marty.
[...] L'ordre public municipal : la liberté d'appréciation des maires Dès 1902[7], le CE a admis une certaine marge d'appréciation aux maires dans le cadre de leurs pouvoirs relatifs à la police générale à raison des circonstances locales qui justifieraient des adaptations spatiales limitées à des mesures de police prises au niveau national, pourvu que les dispositions locales soient plus sévères. La même possibilité interviendra en matière de police spéciale[8]. Sur ces deux décisions, l'on peut apprécier le pragmatisme du juge : les dispositions nationales ne peuvent convenir partout et à tous moments. [...]
[...] Surtout qu'en l'espèce, c'est une véritable création municipale d'un concept juridique. B. La création municipale d'une composante de l'ordre public validée par le Palais Royal : la dignité de la personne humaine Le juge administratif a peut être surtout créé un ordre public moral facilement invocable par le biais du concept de dignité. Les juridictions internationales qui ont suivi le CE prennent un risque non négligeable en renforçant le poids d'un concept fluctuant, et juridiquement indéfini. Ces instances n'ont en effet pas pris la peine de définir et d'encadrer la dignité, la laissant s'enferrer dans sa dimension morale arbitraire. [...]
[...] Le concept d'ordre public n'est ici qu'une façade créant l'illusion de la présence d'un fondement juridique. Il subit ici un détournement de ce qu'il est intrinsèquement par l'étendue donnée à cette notion par le CE. Le juge pose ainsi des bornes intangibles pour protéger la dignité. Le problème est que la municipalité ne s'appuie guère sur la notion de dignité comme liberté fondamentale, mais sur la notion de dignité comme composante de l'ordre public. Il ne s'agit plus de défendre l'individu, mais le groupe, la masse. [...]
[...] CE octobre 1995, Commune de Morsang-sur-Orge L'activité de police, touchant par nature à l'ordre public, apparaît comme étant d'importance première pour les libertés. En effet, les mesures prises dans le cadre d'une telle activité porte nécessairement atteinte aux libertés et droits fondamentaux. Dans l'affaire dite du lancer de nain les conséquences juridiques semblent particulièrement nombreuses. Les questions posées apparaissent fortement sensibles car elles touchent au droit (notamment dans le domaine du droit des libertés fondamentales), mais également à la philosophie et appellent très rapidement des considérations tant humaines et morales que juridiques. [...]
[...] La difficulté tient à ce que ce concept n'est pas juridiquement défini[12]. Pour reprendre la thèse de Cécile Husson (cf. article précité), le Conseil d'Etat peut-être, tout simplement cherché à se retrancher derrière une notion bien commode et protéiforme permettant d'interdire une activité particulièrement humiliante à ses yeux. Il n'en demeure pas moins que nier ou feindre d'ignorer le consentement de la personne à une telle activité pose la question de l'ingérence de la jurisprudence dans la liberté individuelle lorsque celle-ci ne trouble pas réellement l'ordre public. [...]
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