Jacques Chirac, alors premier ministre, rappelait à ses ministres par une circulaire en date du 15 juin 1987, que " la circulaire ne peut créer pour les usagers d'obligations qui ne résulteraient ni de la loi ni des règlements " et leur demandait d'avoir plutôt recours aux arrêtés pour prendre des dispositions réglementaires. Cette recommandation est importante pour déterminer le système juridique des circulaires auquel le conseil d'Etat a du faire face ici.
Par un arrêt en date du 27 juillet 2006, le conseil d'Etat a eut à se prononcer sur la légalité d'une circulaire. En l'espèce, l'association avenir de la langue française attire l'attention sur l'instruction aux services de contrôle, prise par la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (D.G.C.C.R.F.) le 21 février 2005, relative à l'application de la loi n° 94-665 du 4 août 1994 sur l'emploi de la langue française, dite « loi Toubon ».
[...] > Toutefois, le Conseil d'Etat a admis la légalité de l'instruction attaquée - c'est-à-dire sa conformité à la constitution. Des deux motifs qui ont conduit le Conseil d'Etat à se prononcer en ce sens, - le premier est, d'un point de vue théorique, le plus important : le Conseil d'Etat a en effet estimé qu'à la différence de la circulaire annulée en 2003, et indépendamment de son caractère impératif, l'instruction de 2005 ne se présentait pas comme créant un régime général, mais comme se contentant de fixer une ligne de conduite pour les agents, en leur indiquant les cas dans lesquels il y a lieu d'écarter la loi parce qu'elle est contraire au droit communautaire La distinction entre ces deux types de normes est pour le moins ténue, pour ne pas dire inexistante. [...]
[...] Par l'instruction contestée du 21 février 2005, le directeur général de la concurrence, de la répression et de la répression des fraudes avait prescrit aux agents placés sous sa direction de ne pas relever d'infractions aux violations de la loi de 1994 lorsque sont employés, à la place des mentions dont le libellé est prévu en langue française, soit des termes ou expressions dans une autre langue, soit d'autres moyens assurant l'information des consommateurs. A l'appui de son pourvoi, elle demande l'annulation des dispositions de la circulaire en tant qu'elles seraient contraire au principe de proportionnalité tel que la cour de Justice des communautés européennes l'exige en matière d'exigences linguistiques nationales, qu'elles feraient l'objet d'un excès de compétence de la part du D.G.C.C.R.F. et qu'elles méconnaîtraient le principe d'égalité. L'association invoque également prévalence du droit communautaire en cas de contrariété sur les dispositions de l'article 2 de la loi du 4 août 1994. [...]
[...] Plus intéressant pour nous, parce qu'il concerne la France, est l'arrêt Geffroy, non cité par le juge, du 12 septembre 2000. Cet arrêt considère que pour des produits déterminés l'information du consommateur doit être effectuée dans une langue compréhensible pour lui, et où, s'agissant de produits proposés à des consommateurs français en France, l'obligation faite par les autorités françaises d'utiliser le français est sanctionnée. Le commissaire du gouvernement estime qu'en l'espèce la dérogation qu'entendait apporter la circulaire ne pouvait pas s'appuyer sur l'incompatibilité de l'article 2 de la loi de 1994 au regard du droit communautaire. [...]
[...] Dès lors, le DGCCRF n'a pas édicté de règles de portée générale venant modifier ou substituer les dispositions de l'article 2 de la loi du 4 août 1994, il n'a donc pas excédé ses compétences. D'autre part, l'exigence constitutionnelle de l'article 2 qui dispose que La langue de la république est le français a été précisée par la jurisprudence constitutionnelle qui retient qu'il n'y a pas d'obligation d'usage du français dans les relations de droit privé mais que l'usage du français s'impose aux personnes morales de droit public et aux personnes de droit privé dans l'exercice d'une mission de service public ainsi que dans les relations entre les particuliers et les administrations et services publics. [...]
[...] >Dans un important arrêt du 30 juillet 2003, Association avenir de la langue française», le Conseil d'État a jugé que, s'il appartient aux autorités administratives nationales, sous le contrôle du juge, d'exercer les pouvoirs qui leur sont conférés par la loi en donnant à celle-ci, dans tous les cas où elle se trouve dans le champ d'application du droit communautaire, une interprétation qui soit conforme au droit communautaire, et notamment aux objectifs fixés par les directives du Conseil, et s'il appartient, le cas échéant, aux ministres, dans l'hypothèse où des dispositions législatives se révéleraient incompatibles avec des règles communautaires, de donner instruction à leurs services de n'en point faire application, les ministres ne peuvent en revanche trouver dans une telle incompatibilité un fondement juridique les habilitant à édicter des dispositions de caractère réglementaire qui se substitueraient à ces dispositions législatives >Il est en effet de jurisprudence constante que les mesures prises par les autorités nationales pour assurer l'application des normes internationales doivent toujours être édictées dans le respect des règles de compétence et de procédure de droit interne (V. notamment Sect juill Jonquières d'Oriola). Cette solution par la négative supprime les inconvénients de tous ordres résultant de l'édiction d'une nouvelle norme et permet, notamment, de ne pas affecter, c'est-à-dire de ne pas ajouter à la norme nationale. [...]
Bibliographie, normes APA
Citez le doc consultéLecture en ligne
et sans publicité !Contenu vérifié
par notre comité de lecture