Conseil d'État, 20 septembre 2022, n°451129 - La suspension des travaux est-elle possible sur le fondement de l'article L. 521-2 du Code de justice administrative ?

Extraits

[...] En effet, le requérant doit démontrer l'existence d'une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale, que cette atteinte soit le fait d'une personne morale de droit public ou d'un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public, qui a agi dans l'exercice de ses pouvoirs et qu'il existe une extrême urgence à faire cesser cette atteinte. Par ailleurs, ces conditions sont énoncées en des termes très spécifiques. En effet : En premier lieu, le requérant doit démontrer l'existence d'une « atteinte grave et manifestement illégale à sa situation personnelle, du fait notamment de l'affectation de ses conditions ou de son cadre de vie, soit aux intérêts qu'elle entend défendre. [...]

[...] En effet, si le juge des référés du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, dans une décision du 29 avril 2005, avait attribué au droit à l'environnement le caractère de liberté fondamentale au sens de l'article 521-2 du CJA, le juge des référés du tribunal administratif de Strasbourg, quant à lui, avait considéré dans une ordonnance de la même année, que l'article 1[er] de la Charte de l'environnement « ne constitue pas une liberté fondamentale dont la sauvegarde est susceptible de donner lieu au prononcé de mesures sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative ». Avec cette décision du 20 septembre 2022, le Conseil d'État exprime de manière express sa volonté de consacrer à la protection de l'environnement le statut de liberté fondamentale influencé sans nul doute par la jurisprudence du Conseil constitutionnel qui octroie une « place de plus en plus importante à la protection de l'environnement ». [...]

[...] Selon l'auteur Frédéric Rolin, cette proposition aurait pu être une avancée s'agissant de l'ouverture du champ des libertés fondamentales en matière environnementale. Toutefois, cette proposition n'a pas été retenue par l'Assemblée nationale. [...]

[...] La Haute autorité administrative cite les procédures de référé susceptibles de « prévenir ou faire cesser une atteinte à l'environnement dont il n'est pas sérieusement contestable qu'elle trouve sa cause dans l'action ou la carence de l'autorité publique » en évoquant uniquement le référé-suspension à l'article L. 521-1 et le référé-mesures utiles à l'article L. 521-3. Ainsi, l'absence de l'énonciation de l'article L. 521-2 du CJA illustre implicitement la mise à l'écart, presque « traditionnelle » du référé-liberté en matière de protection de l'environnement. Ce silence du Conseil d'État se justifie éventuellement par l'objectif que tendent à atteindre les référés des articles L. [...]

[...] 521-2, L. 521-1 et L. 521-3 sont des procédures d'urgence depuis la loi du 30 juin 2000. Ainsi, pour bénéficier du référé-liberté, l'affaire doit être urgente et une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale doit être démontrée. Par exemple : la liberté d'aller et venir consacrer à l'article 13 de la Déclaration universelle des droits de l'Homme ou encore la liberté de pratiquer un sport. Le degré d'atteinte à la liberté fondamentale s'apprécie par le juge des référés. [...]