Dans une perspective qui tend à considérer que « les notions d'usager de service public et de consommateur ne sont pas radicalement antinomiques » , le Conseil d'Etat prolonge son emprise sur le droit de la consommation dans un arrêt marquant une relecture profonde du principe d'égalité des usagers d'un service public industriel et commercial.
Visant une simplification de la grille tarifaire du service, le Syndicat des transports parisiens, établissement public, a pris un acte administratif unilatéral portant création d'un nouveau titre de transport qui associe deux prestations auparavant distinctes. En pratique, cette modification conduit les usagers à se voir proposer un billet unique permettant d'effectuer un trajet d'une gare de banlieue vers Paris ainsi qu'un trajet à l'intérieur du réseau ferré de la capitale, via la SNCF ou la RATP. Ladite décision rend donc incontournable l'acquisition de ce billet à prestation global, quel que soit le trajet réellement effectué au départ d'une station périphérique et emporte la création d'une zone de tarification urbaine à l'intérieur de laquelle tout usager, d'où qu'il provienne doit être porteur du titre de transport idoine. Cette décision a été attaquée devant le juge administratif, à la fois par l'Union fédérale des consommateurs (UFC) au titre de la création de la zone unique de tarification et par un particulier dont les griefs sont quelque peu étendus. Le Conseil d'Etat a été saisi par renvoi de ces deux requêtes, celles-ci relevant de sa compétence en tant qu'elles attaquent une mesure réglementaire d'organisation du service émanant d'un organisme collégial dont la compétence excède le ressort d'un seul Tribunal administratif.
La Haute juridiction va régler un certain nombre points d'achoppement dont certains ne retiendront pas notre intérêt. Ainsi règle-t-il rapidement la question de l'intérêt suffisant donnant qualité à l'UFC, en raison de ses statuts, pour agir à l'encontre de cette décision administrative. De la même manière, le Conseil d'Etat règlera la question de la compétence du Syndicat des transports parisiens dans l'édiction de la décision incriminée par une démonstration logique basée sur la hiérarchie des normes et leur application dans le temps qui ne nous retiendra pas.
Le double intérêt de l'arrêt commenté réside dans le traitement qu'il réserve d'abord au droit de la consommation, en ce qu'il prohibe la pratique dite de la « vente liée » à l'aune de laquelle les requérants contestent l'obligation d'acheter un billet comportant nécessairement une double prestation, ensuite au principe d'égalité des usagers dont le Conseil fournit une lecture renouvelée, aucun des deux moyens n'emportant toutefois l'annulation de ladite décision.
Il s'agit dès lors de s'interroger sur l'apport de l'arrêt du 13 mars 2002 au droit des services publics industriels et commerciaux, plus particulièrement sur l'appréhension du droit de la consommation et du principe d'égalité des usagers par le juge administratif dans le cadre de son contrôle de légalité des actes d'organisation du service.
A travers l'arrêt commenté, il est patent que le Conseil d'Etat procède à une extension du bloc de légalité administrative en y incorporant le droit de la consommation, au-delà de la seule interdiction des clauses abusives. Il procède ce faisant à une systématisation de la logique consumériste en contentieux administratif tout en la mâtinant des spécificités liées à la gestion des services publics et fondées sur l'intérêt général. L'intégration de la prohibition de la vente liée dans cet arrêt met en lumière la constitution contemporaine d'un véritable « droit public de la consommation » protecteur des usagers-consommateurs du service public pour lesquels est ainsi admis le principe de l'opposabilité du droit de la consommation aux actes administratifs d'organisation du service. Le Conseil d'Etat procède également à une démonstration particulièrement pédagogique des principes régissant l'appréhension par l'administration du principe d'égalité des usagers, confortant son pouvoir discrétionnaire dans sa mise en œuvre. L'arrêt du Conseil semble pourtant porter, plus loin, une certaine « finalisation » du principe d'égalité au regard à apprécier au regard des objectifs du service public concerné.
Le Conseil d'Etat procède ainsi à la fois à une lecture consumériste systématisée de la question de l'organisation des services publics industriels et commerciaux (I) et à une lecture égalitariste rationalisée de la situation des usagers de ces services (II).
[...] L'arrêt du 13 mars 2002 marque les limites de cette conception très interventionniste, peut-être trop subjectiviste pour le juge administratif. C'est dans cette optique que le Conseil réaffirme que les usagers n'ont aucunement droit au maintien des avantages tarifaires qui auraient été antérieurement institués en leur faveur Le Conseil d'Etat, en réaffirmant les limites du principe d'égalité des usagers, inscrit surtout sa décision dans la finalité d'une égalité des usagers devant le service de transport avant tout. La simplification des systèmes de billetterie, la rationalisation de la grille tarifaire sont des mesures qui tendent, avant tout, à améliorer la qualité du service public des transports. [...]
[...] Le Conseil d'Etat a été saisi par renvoi de ces deux requêtes, celles-ci relevant de sa compétence en tant qu'elles attaquent une mesure réglementaire d'organisation du service émanant d'un organisme collégial dont la compétence excède le ressort d'un seul Tribunal administratif. La Haute juridiction va régler un certain nombre de points d'achoppement dont certains ne retiendront pas notre intérêt. Ainsi règle-t- il rapidement la question de l'intérêt suffisant donnant qualité à l'UFC, en raison de ses statuts, pour agir à l'encontre de cette décision administrative. [...]
[...] Le Conseil d'Etat procède ainsi à la fois à une lecture consumériste systématisée de la question de l'organisation des services publics industriels et commerciaux et à une lecture égalitariste rationalisée de la situation des usagers de ces services (II). I. Une lecture consumériste systématise de l'organisation des SPIC Si à l'évidence le droit de la consommation est applicable aux personnes publiques agissant directement comme opérateur économique, son opposabilité aux actes administratifs participants de l'organisation des services publics industriels et commerciaux n'était pas garantie. Le juge administratif a pourtant franchi le pas dès 2001. [...]
[...] Mais la disposition réglementaire a pu être annulée en raison de ses effets, notamment dans le cadre des contrats conclus avec les usagers. Dans cette affaire, le commissaire du gouvernement BERGEAL justifiait le recours au droit de la consommation par le fait que l'application classique du droit des services publics n'est pas toujours à même d'appréhender ces clauses notamment lorsqu'elles réclament d'être analysées dans leur globalité. Au-delà de la nécessité logique qui sous-tend le recours nécessaire à la notion d'opposabilité, un motif juridique poussait nécessairement le juge à la consécration de cette solution. [...]
[...] Le contenu de ce principe est clairement précisé par l'arrêt du 13 mars 2002 Union fédérale des consommateurs. Traditionnellement, le principe d'égalité devant le service public impose de traiter de la même manière des personnes placées dans des situations semblables. Dans l'espèce qui nous intéresse, cela se traduit par la possibilité d'identifier des catégories particulières d'usagers qui bénéficieront d'un traitement différent les usagers d'une même catégorie étant ensuite traités de manière identique. Ainsi en va-t-il de la tarification spéciale au bénéfice des usagers résidant dans les communes les plus proches de Paris de nature à limiter l'incidence financière pour les intéressés résultants de la mise en place de la nouvelle tarification Ceux-ci auraient pu être lésés par la nouvelle réglementation, le principe d'égalité permet de leur créer une catégorie afin de leur faire bénéficier d'un traitement spécifique. [...]
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