Conseil d'État, arrêt GISTI, article du 47 du Code civil, circulaires, REP Recours pour Excès de Pouvoir, 12 juin 2020, autorité administrative, illégalité, recevabilité d'une requête, acte de droit souple, ressortissant étranger, Guinée, lignes directrices, fraude documentaire, fraude à l'identité
Par cette décision du 12 juin 2020, le Conseil d'État en section a eu à se prononcer sur la recevabilité d'un recours pour excès de pouvoir tendant à l'annulation d'une note d'actualité émanant de l'administration visant à diffuser une information relative à l'existence d'une fraude documentaire, et préconisant en conséquence un comportement à adopter aux agents ayant à traiter ces documents.
En l'espèce, par une note d'actualité du 1er décembre 2017, la division de l'expertise en fraude documentaire et à l'identité a diffusé, à l'intention de la direction centrale de la police aux frontières, une information relative à l'existence d'une "fraude documentaire généralisée en Guinée (Conakry) sur les actes d'état civil et les jugements supplétifs", préconisant par conséquent, notamment aux agents devant se prononcer sur la validité d'actes d'état civil étrangers, de formuler un avis défavorable pour toute analyse d'un acte de naissance guinéen.
[...] Conscient de cette potentielle contrevenance au principe de légalité des administrés, l'intégration des lignes directrices, à elles seules, dans la catégorie des actes susceptibles de recours avait déjà été amorcée par les décisions précitées Fairvesta et Numericable de 2016. Le Conseil d'État avait élargi la voie du recours pour excès de pouvoir contre les lignes directrices aux requérants « justifiant d'un intérêt direct et certain à leur annulation lorsqu'elles sont de nature à produire des effets notables, notamment de nature économique, ou ont pour objet d'influer de manière significative sur les comportements des personnes auxquelles elles s'adressent ». [...]
[...] En effet, s'agissant dans un premier temps des circulaires, par sa décision d'assemblée du 29 janvier 1954 Notre-Dame-du-Kreisker, le Conseil considérait que seules les circulaires qui fixaient de nouvelles règles pouvaient faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir, excluant ainsi les circulaires d'interprétation. Face aux critiques formulées à l'égard de cette distinction, une décision Duvignières de 2002 était venue renouveler l'approche des circulaires, en affirmant que seules étaient susceptibles de recours les circulaires présentant un caractère impératif, soit l'obligation pour ses destinataires de s'y conformer. De la même manière, le Conseil d'État s'était également intéressé à la recevabilité des directives nationales, rebaptisées « lignes directrices » en 2006, qui étaient cependant soumises à une grande complexité jurisprudentielle. [...]
[...] En effet, c'est du fait de l'absence de caractère impératif du comportement préconisé par la division de l'expertise en fraude documentaire et à l'identité qu'est rejeté le moyen d'illégalité interne au regard de l'article 47 du Code civil. Ainsi, il n'est pas inutile de relever que le Conseil d'État, en l'espèce, procède au contrôle du vice de légalité en réalisant en contrôle d'impérativité de la mesure suggérée. Il procède ainsi à une sorte de contrôle interne du caractère d'impérativité d'une ligne directrice. [...]
[...] Le Conseil d'État, cependant, ne va pas non plus donner droit au GISTI sur ce second moyen. En effet, il considère que la note litigieuse se borne à « préconiser » et « suggérer » l'émission d'un avis défavorable. Dès lors, elle n'interdit pas aux experts compétents de procéder comme ils y sont tenus par l'article 47 à l'examen individuel des demandes. Comme le souligne le rapporteur public Odinet « elle ne décharge nullement ces autorités de l'obligation de rechercher, ensuite, des éléments de nature à confirmer ou infirmer le contenu des documents qui leur sont produits et, in fine, de porter, sous le contrôle du juge, les appréciations qui relèvent de leurs prérogatives ». [...]
[...] En effet, il énonce que la note, puisqu'elle préconise un certain comportement susceptible d'avoir des effets significatifs sur les droits et la situation des ressortissants guinéens, puisqu'elle influe sur l'appréciation des documents d'état civil guinéens produits à l'appui de demandes de visas ou de titres de séjour, est susceptible de recours. Ainsi, le Conseil d'État reprend son raisonnement des décisions Hardouin et Marie en prenant les effets notables sur les requérants comme critère de recevabilité d'un recours. Après avoir affirmé cela, il lui revient par conséquent de déterminer la nature du contrôle exercé par le juge. [...]
Bibliographie, normes APA
Citez le doc consultéLecture en ligne
et sans publicité !Contenu vérifié
par notre comité de lecture