Cet avis du Conseil d'Etat en date du 18 mai 2004 traite de la domanialité publique virtuelle ou par anticipation ou plus largement de l'interprétation qu'a faite le conseil d'Etat de la notion de domanialité publique. En l'espèce, le conseil d'Etat était interrogé par le ministre de la Culture sur le point de savoir si les locaux acquis par l'Etat pour y installer la cinémathèque française constituaient des dépendances du domaine public et si la destination qu'il était prévu de leur donner suffisait à leur conférer ce caractère. Il s'agissait, dans cette affaire, d'une personne privée à qui on avait envisagé d'aménager un immeuble public subventionné par un établissement public de l'Etat. L'Etat avait ainsi acquis les locaux pour y installer la cinémathèque française et les travaux d'aménagement prévus à cet effet étaient en cours. La question était donc de savoir à quel titre juridique était soumise la cinémathèque lui permettant de disposer des locaux. Cela revient donc à se poser la question de savoir si les locaux sont soumis ou non au régime de la domanialité publique. Et pour cela, les locaux doivent répondre aux critères de la domanialité publique, à savoir que le bien doit appartenir exclusivement à une personne publique, ainsi qu'en dispose l'art L2111-1 du Code général de la propriété des personnes publiques, et que le bien doit recevoir une affectation particulière. L'Etat semble donc être le propriétaire unique de cet immeuble, ce qui répond au premier critère car l'immeuble a été acquis par l'Etat. Le problème se pose sur la question du second critère, à savoir l'affectation particulière du bien car celui-ci n'est pas encore affecté au dit service public culturel. Le Conseil d'Etat va donc se poser la question de savoir à quel moment les immeubles appartenant à des personnes publiques sont soumis aux règles et aux principes de la domanialité publique. Il estime qu'en l'espèce la cinémathèque française, gérant un service public culturel, et qu'ainsi, l'immeuble acquis par l'Etat qui sera, dans le futur, affecté au service public, est soumis dès lors au régime de la domanialité publique, avant même la fin des travaux d'aménagement spécialement prévu à cet effet. Il s'agit donc là d'une application par le Conseil d'Etat de la théorie de la domanialité publique virtuelle, qui est une construction jurisprudentielle consistant à appliquer de manière anticipée le régime de la domanialité publique en considération de l'affectation que des biens sont destinés à recevoir.
Il convient donc de voir dans un premier temps en quoi la théorie de la domanialité publique virtuelle amène à penser qu'il s'agit d'une catégorie innovante, au-delà des critères traditionnels d'application des principes de la domanialité publique des personnes publiques (I). Dans un second temps, il s'agira de démontrer dans quelle mesure cet avis a été rendu dans le sens d'une hypertrophie du domaine public contraire à l'esprit du Code général de la propriété des personnes publiques, limité par le fait qu'il ne s'agit pas d'une incorporation proprement dite au domaine public (II).
[...] En effet, en principe, tant que l'affectation ou l'aménagement ne sont pas réalisés, le bien ne fait pas partie du domaine public. Cependant, le juge administratif parait parfois se contenter de l'affectation future ou virtuelle. C'est ce qu'il a semblé ressortir d'un arrêt du 6 mai 1985 Eurolat, dans lequel le Conseil d'Etat avait déjà anticipé sur un aménagement spécial sur le point d'être réalisé afin d'éviter de faire échapper le bien au principe de l'inaliénabilité des biens des personnes publiques. [...]
[...] Cela revient donc à se poser la question de savoir si les locaux sont soumis ou non au régime de la domanialité publique. Et pour cela, les locaux doivent répondre aux critères de la domanialité publique, à savoir que le bien doit appartenir exclusivement à une personne publique, ainsi qu'en dispose l'art L2111-1 du Code général de la propriété des personnes publiques, et que le bien doit recevoir une affectation particulière. L'Etat semble donc être le propriétaire unique de cet immeuble, ce qui répond au premier critère, car l'immeuble a été acquis par l'Etat. [...]
[...] Le Conseil d'Etat, dans cet arrêt, avait décidé que le seul fait de destiner un terrain relevant du domaine privé à l'implantation d'un service public interdit à la personne publique propriétaire d'y constituer des droits réels. Les principes de la domanialité publique s'appliquaient à un immeuble qui pourtant ne remplissait pas les critères d'appartenance au domaine public, puisque l'élément d'aménagement spécial faisait défaut, mais avait vocation à y entrer par le fait même qu'a été spécifiquement prévu la réalisation de l'aménagement spécial. [...]
[...] Cet avis du 18 mai 2004 s'inscrit donc dans une série d'arrêt qui montre à la fois une volonté d'élargir le champ de la domanialité publique, mais avec des conditions strictes. Néanmoins, dans cet avis, le Conseil d'Etat se fonde uniquement, pour décider de la certitude de l'affectation prochaine, sur la double constatation que l'Etat a acquis l'immeuble pour y installer la cinémathèque et que celle-ci gère un service public. C'est pour cette raison qu'il s'agit d'une certitude, selon lui. [...]
[...] Il s'agit donc là d'une application par le Conseil d'Etat de la théorie de la domanialité publique virtuelle, qui est une construction jurisprudentielle consistant à appliquer de manière anticipée le régime de la domanialité publique en considération de l'affectation que des biens sont destinés à recevoir. Il convient donc de voir dans un premier temps en quoi la théorie de la domanialité publique virtuelle amène à penser qu'il s'agit d'une catégorie innovante, au-delà des critères traditionnels d'application des principes de la domanialité publique des personnes publiques Dans un second temps, il s'agira de démontrer dans quelle mesure cet avis a été rendu dans le sens d'une hypertrophie du domaine public contraire à l'esprit du Code général de la propriété des personnes publiques, limité par le fait qu'il ne s'agit pas d'une incorporation proprement dite au domaine public (II). [...]
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