Dans un arrêt de principe du 11 mai 2004 (Association AC ! et autres ; AJDA 2004, p. 1183 ; JCP A 2004, RFDA 2004 p. 438) , l'Assemblée du contentieux du Conseil d'État a précisé le régime de l'annulation contentieuse.
En l'espèce, le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité avait, par le biais de sept arrêtés datés du 5 février 2003, agréé deux conventions et leurs annexes en date des premiers janvier 2001 et 2004. Ces conventions étaient relatives à l'aide au retour à l'emploi et à l'indemnisation du chômage.
Plusieurs associations de chômeurs formèrent un recours pour excès de pouvoir contre chacun de ces arrêtés, dans le but d'empêcher la mise en œuvre des conventions. Les requêtes portant sur les mêmes questions, le Conseil d'État, compétent en premier et dernier ressort pour connaître des actes réglementaires des ministres, a jugé ces différentes affaires dans une même décision (considérant 1).
Le principal moyen invoqué par les demandeurs à l'appui de leur requête était un vice de forme. Ils soulevaient en effet que, en violation des dispositions du Code du travail, les conventions n'avaient pas été signées par l'ensemble des organisations nécessaires à leur validation. Le ministre ne pouvant agréer lesdites conventions que moyennant cette condition, les arrêtés de validation étaient par suite illégaux. Le problème de droit soulevé était donc celui de la légalité des arrêtés ministériels.
Pour résoudre ce problème, le Conseil d'État opère de façon très classique. Il estime d'abord que les requérants ont qualité à agir (considérant 2). Il relève ensuite qu'ils ont également intérêt à agir (considérant 3). Le recours étant dès lors recevable, le juge poursuit au fond. Il examine les moyens de légalité externe (considérants 4, 5 et 6). Relevant que « la consultation du comité supérieur de l'emploi revêt le caractère d'une formalité substantielle », que cette consultation est viciée du fait d'une composition illégale de la commission permanente, émanation directe du comité supérieur, il déclare les requérants « fondés à soutenir que la consultation exigée par la loi a eu lieu dans des conditions irrégulières et que les arrêtés attaqués se trouvent dès lors, dans leur totalité, entachés d'illégalité. » Le Conseil d'État poursuit néanmoins son analyse en examinant les moyens de légalité interne (considérants 7, 8,9 et 10). Il déclare ainsi illégales un certain nombre de clauses, pour de simples raisons de mauvaise application des textes, qui ne donnent par conséquent pas lieu à un commentaire approfondi.
Dans la solution juridique donnée au problème de droit posé, il s'agit donc d'un arrêt tout à fait classique. La grande originalité de cette décision tient plutôt dans les conséquences que donne à son annulation le Conseil d'État. En effet, s'il s'en était tenu à sa propre jurisprudence, il eut simplement prononcé l'annulation des sept arrêtés ministériels.
Or, il s'attache aux conséquences de cette annulation. S'il l'avait déjà fait par le passé , il le fait ici avec une clarté et une ampleur telle qu'il donne à cet arrêt une portée de principe qui marquera probablement profondément la jurisprudence à venir. Le Conseil d'État affirme ainsi dans cette décision l'existence d'une dérogation au principe de rétroactivité des annulations contentieuses (I). Cette dérogation passe par la modulation temporelle des effets de l'annulation (II).
[...] Toutefois, en ce qui concerne les règlements, la Cour de justice indique, si elle l'estime nécessaire, ceux des effets du règlement annulé qui doivent être considérés comme définitifs. Or, la Cour de justice des communautés européennes (CJCE) développe une interprétation particulièrement extensive de cette disposition. Elle applique ainsi son pouvoir de modulation non seulement dans le cadre de recours dirigés contre les règlements, mais également dans le cadre de ceux dirigés contre tous les autres actes communautaires. Elle le met même en œuvre en dehors du cadre du recours en annulation. Le conditionnement qu'en donne le Conseil d'État demeure cependant plus strict. [...]
[...] Pour résoudre ce problème, le Conseil d'État opère de façon très classique. Il estime d'abord que les requérants ont qualité à agir (considérant 2). Il relève ensuite qu'ils ont également intérêt à agir (considérant 3). Le recours étant dès lors recevable, le juge poursuit au fond. Il examine les moyens de légalité externe (considérants et 6). Relevant que la consultation du comité supérieur de l'emploi revêt le caractère d'une formalité substantielle que cette consultation est viciée du fait d'une composition illégale de la commission permanente, émanation directe du comité supérieur, il déclare les requérants fondés à soutenir que la consultation exigée par la loi a eu lieu dans des conditions irrégulières et que les arrêtés attaqués se trouvent dès lors, dans leur totalité, entachés d'illégalité. [...]
[...] En second lieu, une série d'acte ont pu être pris sur le fondement de l'acte B. Du fait de son annulation, ils se retrouvent non seulement privés de base légale, mais ils sont également réputés n'avoir jamais existé. Ce genre de solution peut aussi provoquer des effets insurmontables. L'annulation par exemple d'un texte qui impose une taxe a par exemple pour conséquence directe que les administrés se trouvent en droit de demander à l'administration fiscale la restitution des sommes payées. [...]
[...] L'originalité de cet arrêt réside donc dans le caractère général du pouvoir de dérogation reconnu au juge plutôt que dans son caractère absolument nouveau. Il semble ainsi possible de dire qu'au sujet des dérogations accordées au principe de l'effet rétroactif des annulations contentieuses, la jurisprudence quitte ici le domaine des décisions d'opportunités pour entrer dans celui de l'application d'un régime juridique spécial bien établit. Cependant, affirmer une dérogation à la rétroactivité des annulations n'est pas suffisant en soit. Il faut encore que les modalités de cette dérogation soient posées. [...]
[...] Notamment avec l'arrêt CE Ass juin 2001, Vassilikiotis, Rec : cette annulation comporte pour l'État les obligations énoncées aux motifs de la présente décision. L'article 2 du Code civil dispose : La loi ne dispose que pour l'avenir ; elle n'a point d'effet rétroactif. Le Conseil d'État a eu pour sa part l'occasion d'affirmer le principe en vertu duquel les règlements ne disposent que pour l'avenir (CE Ass juin 1948, Société du journal "L'Aurore", Rec ; GAJA 63). Chapus, Revue du droit public no p. 13-14. CE mai 1971, Ville nouvelle Est, Rec : dégage la théorie du bilan. [...]
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