Notre arrêt intervient après que de fortes pluies se soient abattues sur la région, un barrage, celui du Malpasset, dont le département du Var est maitre d'ouvrage, rompt, et provoque de nombreux dommages, dont certains à la société Bec Frères.
La société Bec frères demande donc au département du Var, maitre d'ouvrage du barrage, ouvrage public, devant le tribunal administratif de Nice.
Le 20 juin 1968, les juges de ce tribunal déclarent le département du Var responsable des dommages subis par l'entreprise Bec frères à la suite de la rupture du barrage de Malpasset, et ordonne une expertise aux fins d'évaluer lesdits dommages, et rejette les appels en garantie par le département du Var, de l'État, des héritiers du sieur Coyne, du bureau d'études Coyne et Bellier, des sociétés Ballot et Gianotti. Le département du Var dépose alors une requête devant le Conseil d'État, tendant à l'annulation de cette décision.
Le problème est donc ici de savoir si la rupture du barrage est consécutive à un événement de force majeure ou pas, le critère faisant en l'espèce grief étant celui de l'extériorité du fait dommageable, à savoir si le département du Var est ou non à l'origine de la survenance de la rupture du barrage, ou si celle-ci résulte d'une cause étrangère et est donc indépendant de la volonté du département. L'enjeu réside dans le fait que si la cause de la rupture n'est pas extérieure au département du Var, et que donc il n'y a pas force majeure, le département sera tenu d'indemniser les dommages subis par les victimes qui établissent un lien de causalité certain et direct entre le fait générateur qu'est la rupture du barrage, et les dommages subis.
[...] Cames est ouvrier à l'arsenal de Tarbes et est blessé à la main par un éclat de métal projeté par une machine, l'administration n'aura commis aucune faute mais sera tenu d'indemniser le préjudice Dans la même logique, sont soumis à un régime de responsabilité sans faute les tierces victimes de dommages causés par les choses dangereuses, lorsque des risques excèdent les limites de ceux qui résultent normalement du voisinage comme dans un arrêt de 1919, arrêt Reynault Desrosiers, après qu'en Mars 1916 une explosion ait eu lieu causant de nombreux dégâts humains et matériels, cela après que l'autorité militaire ait fait une accumulation d'une grande quantité d'explosifs dans des installations militaires situées à côté d'une agglomération importante. Le Conseil d'Etat considèrera alors que ces opérations étaient exécutées sous l'empire de la nécessité militaire et comportaient des risques excédant ceux qui résultent normalement du voisinage. L'administration sera donc tenue à indemnisation. De tels risques sont de nature en cas d'accident à engager indépendamment de toute faute la responsabilité de l'Etat. [...]
[...] Néanmoins dans ce système de réparation, l'indemnisation est conditionnée par le caractère spécial et anormal du préjudice. Concernant le champ d'application de la responsabilité sans faute, dans le domaine de la responsabilité du fait des dommages de travaux publics, en matière de dommages accidentels concernant les tierces victimes, c'est seulement lorsque la victime par rapport à l'ouvrage ou au travail public en cause, la qualité de tiers (qualité contrôlée par le juge de cassation), que joue pleinement un régime de responsabilité sans faute. [...]
[...] La définition de l'extériorité du fait de force majeure ne fait guère problème lorsque sont invoquées les calamités naturelles comme les inondations ou la foudre, et pour les guerres. Il est cependant des cas où il est difficile de déterminer si le fait invoqué est extérieur ou intérieur au demandeur. Ainsi, dans notre affaire de la catastrophe du barrage de Malpasset, le Conseil d'État n'a pas admis que la cause invoquée de la rupture du barrage, à savoir la présence de deux grandes failles dans le sous-sol d'assise, était extérieure à l'ouvrage; il a au contraire retenu une cause interne: résulte de l'instruction que la rupture du barrage de Malpasset a été due à «l'expulsion» de la roche à l'aval immédiat de l'ouvrage sous la pression de l'eau retenue par ce dernier; dans ces conditions, la cause de la rupture ne peut être regardée comme extérieure au barrage». [...]
[...] Nous retrouvons la même opinion chez monsieur J. Théry, dans ses conclusions dans notre affaire du barrage de Malpasset, pour le commissaire du gouvernement, «c'est par l'extériorité, et par elle seule, que la force majeure se distingue du cas fortuit [ . ] cette différence [ . ] est, de surcroît, seule de nature à expliquer que dans un système de responsabilité intégralement fondé sur le risque, la force majeure ait un effet exonératoire que le cas fortuit ne peut avoir». [...]
[...] Cela est donc très favorable à la victime, on ne se place non plus du côté de l'auteur du dommage pour savoir s'il a commis une faute ou pas, mais du côté de la victime dont on cherche la personne responsable de son dommage et qui peut ainsi le réparer. Cette solution est de plus très bénéfique en matière de sécurité juridique, en effet, l'assemblée réunie permet d'affirmer solennellement les deux causes d'exonérations de la responsabilité que sont la faute de la victime et la force majeure, et permet de mettre fin aux divergences concernant cette force majeure, pour laquelle la doctrine et la jurisprudence n'arrivaient pas à se mettre d'accord concernant les critères de celle-ci (notamment la présence ou non du critère de l'extériorité). [...]
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