En contentieux administratif, un adage ancien déclare que « recours administratif sur recours administratif ne vaut ». Ce principe clairement posé et abondamment appliqué par la jurisprudence aboutit à l'irrecevabilité d'une demande fondée sur un second recours administratif. La conséquence directe est donc que seul le premier recours administratif peut proroger le délai de recours contentieux, dès l'instant où il est lui-même exercé dans ce délai. La prorogation a pour effet de suspendre le délai qui, aux termes de l'article 421-1 du Code de justice administrative est de deux mois. Il ne recommence à courir qu'une fois la décision de l'administration rendue. Les causes de cette prorogation sont multiples, elles peuvent tenir en une demande d'aide juridictionnelle (CE, 7 février 1902, Berti) ou en la saisine d'une juridiction incompétente (CE, 25 mai 1928, Reynaud). Toutefois, le motif de prorogation le plus fréquent réside dans l'exercice d'un recours administratif préalable.
Il existe deux types de recours administratifs. D'une part, la personne peut saisir l'administration même qui a rendu la décision contestée, on parle alors de recours gracieux. D'autre part, la personne peut aussi choisir d'adresser sa demande directement au supérieur de l'autorité ayant pris la décision litigieuse, il s'agit alors d'un recours hiérarchique.
Comme nous l'avons dit, le principe veut qu'un seul recours puisse proroger le délai. Néanmoins et dans un souci de bonne administration de la justice, certaines hypothèses particulières permettent un cumul des recours administratifs, par exemple lorsqu'un recours gracieux est obligatoire, un recours hiérarchique postérieur conserve le délai. Or, en l'espèce le recours gracieux n'était pas obligatoire, ce qui pose nécessairement la question de l'éventuelle prorogation du délai contentieux.
En l'espèce, une association demande l'autorisation pour licencier un délégué syndical à l'inspecteur du travail qui refuse, par une lettre du 4 avril 2003. Face à cette décision, l'association décide d'adresser un recours gracieux audit inspecteur, le 26 mai et, parallèlement, le lendemain, elle forme un recours hiérarchique auprès du ministre du travail. L'inspecteur rejette la demande le 26 juin, tout comme le ministre du travail qui se prononce le 29 septembre.
Le 26 novembre 2003, l'association saisit le tribunal de Melun afin de faire annuler la décision du ministre. La Cour administrative d'appel confirme le jugement du tribunal administratif qui a accédé à la demande de l'association. L'employé se pourvoit en cassation au motif que la Cour aurait entaché sa décision d'une erreur de droit en jugeant recevable la demande de l'association qui serait tardive car présentée le 26 novembre alors que le recours gracieux avait été rejeté le 26 juin. Par ailleurs, le demandeur invoque la violation de diverses dispositions du code du travail protectrices des délégués syndicaux (...)
[...] Le 26 novembre 2003, l'association saisit le tribunal de Melun afin de faire annuler la décision du ministre. La Cour administrative d'appel confirme le jugement du tribunal administratif qui a accédé à la demande de l'association. L'employé se pourvoit en cassation au motif que la Cour aurait entaché sa décision d'une erreur de droit en jugeant recevable la demande de l'association qui serait tardive car présentée le 26 novembre alors que le recours gracieux avait été rejeté le 26 juin. [...]
[...] Par conséquent, au regard des conclusions du rapporteur public et de la position adoptée par le Conseil d'État, il n'est pas certain que le juge administratif ait entendu ouvrir un nouveau cas de cumul, comme le pensent certains auteurs tels que Marie-Christine ROUAULT. En effet, il est plus probable que le juge ait souhaité redonner toute sa place au ministre en renforçant l'importance du contrôle hiérarchique. Si telle était vraiment la volonté du Conseil d'État, cela fait naître quelques questions. Dans l'hypothèse où les deux recours hiérarchiques sont faits dans le délai contentieux mais où la première décision rendue est celle du ministre, faudrait-il tout de même attendre la réponse à la deuxième décision pour que le délai recommence à courir ? [...]
[...] Nous avons aussi mis en avant que la mise en œuvre pratique de l'arrêt Fourel pouvait conduire à une incohérence, en faisant primer la décision de l'inspecteur du travail sur celle du ministre. Un autre argument de poids s'ajoute et rejoint ceux-ci. En effet, par le passé, le Conseil d'État a déjà jugé que même sans disposition, le ministre a un pouvoir hiérarchique qu'il est tenu d'exercer en cas de recours section juin 1950, Queralt). En l'espèce, le Conseil d'État avait considéré que la décision initiale de l'inspecteur du travail ne créait pas de droit et que le ministre seul pouvait se prononcer. [...]
[...] Comme nous venons de le voir la décision Ouahrirou revient sur la solution chronologique adoptée par la décision Consorts Fourel en 1974. Ce revirement est le bien venu, car le fait de conférer un effet prorogatoire à la première décision rendue sur recours n'était pas satisfaisant. Dans les cas où un recours gracieux et un recours hiérarchique étaient formés tous deux dans le délai contentieux l'effet prorogatif dépendait en fait de la célérité des autorités administratives à apporter une réponse aux recours qui leurs étaient adressés. [...]
[...] Surtout, il était possible de faire appel à la solution dégagé dans l'arrêt consorts Fourel pour des faits identiques. En effet, outre l'irrecevabilité, cette décision permettait de palier l'inconvénient de la simultanéité des recours en considérant que le délai recommençait à courir une fois la première décision rendue. Une nouvelle fois, en l'espèce, il s'agissait du recours gracieux. La solution aurait donc du être l'irrecevabilité, quel que soit le fondement invoqué. Néanmoins et comme nous l'avons déjà mis en lumière, l'application in concreto du principe général ou de l'arrêt consorts Fourel n'était pas souhaitable. [...]
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