Véritable « pilier » de la procédure administrative, le Commissaire du Gouvernement n'en demeure pas moins une institution dont les contours sont difficilement appréhendables.
Ainsi, Tony SAUVEL, conseiller d'État, écrivait à son sujet qu'il « est né dans l'obscurité, dans l'incertitude. Les traits essentiels sont venus de là. Il est né d'un texte laconique et sans débats préparatoires, une simple ordonnance, là où en bonne logique il aurait fallu une loi (...). Aucun texte n'est jamais intervenu “portant organisation” de ce ministère public (...). Il a pu se définir de lui-même, à l'usage, compte tenu des besoins rencontrés et des services rendus. Son existence, de 1831 à 1945, a été affirmée par toutes les lois et tous les règlements, mais sans que jamais aucun texte en ait défini le caractère et précisé le mécanisme. Il est à bien des égards un organisme né de la coutume ».
Dès lors, face aux nombreuses lacunes des textes, les juridictions administratives, au premier rang desquelles le Conseil d'État, se sont efforcées au fil des décisions de définir avec précision son rôle et sa place au sein de la procédure administrative.
C'est dans ce cadre que s'inscrit l'arrêt « KRESS c. FRANCE » rendu le 7 juin 2001 par la Cour Européenne des Droits de l'Homme (ci-après la « CEDH »).
La nature de la juridiction qui a rendu cet arrêt rend compte de l'importance de cette décision. En effet, la CEDH a été amenée à juger de la conventionalité de l'intervention du Commissaire du Gouvernement au sein de la procédure devant le Conseil d'État.
En l'espèce, la requérante, Madame KRESS avait subi une intervention chirurgicale gynécologique aux Hospices Civils de Strasbourg (personne publique), mais elle fut victime dès son réveil de nombreux troubles, et fut à terme atteinte d'une invalidité de 90%. Elle décida alors de saisir le Président du tribunal administratif de Strasbourg afin de demander une expertise. Cette expertise conclu à l'absence d'erreur médicale. Par la suite, elle introduisit une requête devant le tribunal administratif de Strasbourg pour obtenir réparation de son préjudice. Elle interjeta alors appel de la décision devant la Cour administrative d'appel de Nancy qui rejeta toutes ses demandes. Elle forma alors un pourvoi en cassation devant le Conseil d'État sur le fondement de l'arrêt « BIANCHI» (CE, 9 avril 1993) qui reconnaissait la responsabilité sans faute en matière hospitalière aux aléas thérapeutiques. Le Conseil d'État n'a pas accueilli le moyen au motif que la Cour administrative d'appel de Nancy avait apprécié souverainement les faits, et n'avait pas déterminé, même sans faute, une responsabilité du centre hospitalier. Madame KRESS a alors porté une requête contre la République française devant la CEDH sur le fondement (i) d'une part de l'article 6-1 de la CESDH, la procédure ayant atteint une durée excessive (saisie du tribunal en référé en désignation d'expert le 27 mai 1986, arrêt de Cassation rendu le 30 juillet 1997) et (ii) d'autre part en se référant à l'article 6 de la CESDH.
En effet, elle soutenait devant la CEDH avoir été privée d'un procès équitable, en raison (i) d'une part de l'impossibilité d'obtenir, préalablement à l'audience, la communication des conclusions du Commissaire du Gouvernement et de pouvoir y répliquer à l'audience et (ii) d'autre part de la participation du Commissaire au Gouvernement au délibéré.
La CEDH a donc été amenée à se prononcer sur la compatibilité de l'intervention du Commissaire du Gouvernement au sein de la procédure devant le Conseil d'État avec les principes du procès équitable définis à l'article 6 de la CESDH.
La Cour a estimé que la non communication préalable des conclusions du Commissaire du Gouvernement et l'impossibilité d'y répondre n'étaient pas contraires au principe d'impartialité prévu par l'article 6-1 de la CESDH. Toutefois, elle a estimé que la participation du commissaire au délibéré (même s'il ne participait pas au vote) était contraire à la convention.
[...] La CEDH a donc été amenée à se prononcer sur la compatibilité de l'intervention du Commissaire du gouvernement au sein de la procédure devant le Conseil d'État avec les principes du procès équitable définis à l'article 6 de la CESDH. La Cour a estimé que la non-communication préalable des conclusions du Commissaire du gouvernement et l'impossibilité d'y répondre n'étaient pas contraires au principe d'impartialité prévu par l'article 6-1 de la CESDH (Première Partie). Toutefois, elle a estimé que la participation du commissaire au délibéré (même s'il ne participait pas au vote) était contraire à la convention (Deuxième Partie). [...]
[...] Sa présence se justifie d'autant plus par le fait qu'ayant été le dernier à avoir vu et étudié le dossier, il est à même, pendant la délibération, de répondre à toutes les questions qui lui sont posées éventuellement sur l'affaire. La Cour n'a pas été séduite par l'argumentation du gouvernement qui s'inspire de l'arrêt ESCLATINE selon lequel le Commissaire du gouvernement et bel et bien un membre de la formation de jugement qui assiste au délibéré sans prendre part au vote. [...]
[...] Par la suite, dans un important arrêt MARTINIE (CEDH avril 2006), la CEDH a souligné que la jurisprudence KRESS prohibe, au nom du principe d'apparence aussi bien la participation du Commissaire du gouvernement au délibéré que sa présence à ce dernier. Le Code de Justice Administrative (ci-après CJA a donc de nouveau été modifié par le décret 2006-964 du 1er aout 2006. Ainsi, devant les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la présence du Commissaire du gouvernement au délibéré est dorénavant prohibée. [...]
[...] Devant le Conseil d'Etat, l'art. R 733-36 du CJA s'applique : sauf demande contraire d'une partie, le commissaire du gouvernement assiste au délibéré. Il n'y prend pas part Ainsi, le justiciable peut récuser la présence du commissaire du gouvernement au délibéré. [...]
[...] FRANCE rendu le 7 juin 2001 par la Cour Européenne des Droits de l'Homme (ci-après la CEDH La nature de la juridiction qui a rendu cet arrêt rend compte de l'importance de cette décision. En effet, la CEDH a été amenée à juger de la conventionalité de l'intervention du Commissaire du gouvernement au sein de la procédure devant le Conseil d'État. En l'espèce, la requérante, Madame KRESS avait subi une intervention chirurgicale gynécologique aux Hospices Civils de Strasbourg (personne publique), mais elle fut victime dès son réveil de nombreux troubles, et fut à terme atteinte d'une invalidité de 90%. [...]
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