A l'origine, pour contester la validité d'une décision administrative, les citoyens devaient s'adresser au ministre compétent, auquel on avait accordé le droit de se prononcer sur la nullité d'un acte. Les lois du 16 et 24 août 1790 et du 16 fructidor an III instituaient ainsi la théorie du ministre-juge, selon laquelle les ministres étaient juges de premier ressort pour les affaires de droit commun administratif en contentieux. La constitution de l'an VIII quelques années plus tard mit en place le Conseil d'Etat, qui se vit alors attribuer, pour certains domaines, le devoir de se prononcer sur certaines réclamations contentieuses en annulation de décisions administratives. Cependant, cette fonction restait très restreinte car les domaines de son application étaient strictement limités. En effet, le Conseil d'Etat fonctionnait selon le système dit de la « justice retenue » : afin que ses décisions passent en force de chose jugée, et donc qu'elles bénéficient de la légalité et de la légitimité nécessaire pour être exécutées, le Conseil d'Etat devait attendre que ses décisions soient signées par le chef de l'état. Ces signatures furent le plus souvent données sans poser de grandes difficultés mais cela portait malgré tout, atteinte au principe de séparation des pouvoirs, et à l'indépendance des décisions juridictionnelles.
Néanmoins, au cours du 19ème siècle, le Conseil d'Etat réussit à affirmer son pouvoir et a étendu son champ d'action. Une loi du 24 mai 1972 vint modifier cette situation en abolissant le principe dépassé de « justice retenue », et en instaurant la « justice déléguée ». Au titre de cette loi, il devint la « juridiction administrative suprême ». Dès lors, les décisions du Conseil d'Etat devenaient exécutoires à partir de leur lecture en tribunal, et n'étaient plus soumises à la signature obstacle du chef d'état.
Un arrêt du 13 décembre 1889 Cadot vint parachever cette évolution en accordant au juge la compétence nécessaire pour se prononcer sur tous les recours contentieux invoqués à l'encontre de tout acte administratif. Jusqu'alors, le Conseil d'Etat n'était compétent que pour les cas où un texte ne lui donnait expressément compétence pour connaître les recours dirigés contre l'administration. Dans le cas où rien n'était mentionné, les ministres étaient compétents. Les rôles avec cet arrêt se sont inversés : sauf si un texte le précise expressément, les cas de recours contentieux relève des compétences du conseiller d'état. Cet arrêt est d'une extrême importance car il symbolise l'aboutissement d'un « processus historique de renforcement constant de la jurisprudence administrative » (Lebon).
[...] Le juge doit simplement trancher et choisir parmi les moyens qu'on lui présente d'office, celui qu'il juge le plus opportun, même si, selon lui, sa décision aurait dû trouver une autre base légale. Avec les moyens soulevés d'office, le juge peut, sans tenir compte des motivations des parties, réellement faire un contrôle très personnel Il n'est plus directement au service des parties pour contrôler les excès de pouvoir et garantir le respect de leurs droits. Son rôle est désormais largement plus discrétionnaire, car il n'est pas lié par les moyens des parties. [...]
[...] Au recours de plein contentieux, on associe parfois un dernier caractère lié à la sanction : le Conseil d'Etat statue en premier et dernier ressort, comme nous le suggère la rédaction du présent arrêt. On peut expliquer cette dernière caractéristique par le fait que l'on donne compétence de premier et dernier ressort au Conseil d'Etat dans les cas des recours contre des actes administratifs qui relèvent du ressort de tribunaux administratifs différents. La sanction à laquelle est condamné le conseil d'administration est donc absolue, et définitive. [...]
[...] Cette sanction nous donne davantage de précisions sur la nature du contrôle que fait le Conseil d'Etat. En effet, le recours contentieux peut comprendre deux concepts différents : le recours pour excès de pouvoir ainsi que le recours de plein contentieux. Le recours pour excès de pouvoir, vise uniquement à l'annulation d'un acte entaché d'illégalité. Dans le cas d'espèce, étant donné que cette annulation est assortie du versement d'indemnités, il ne peut s'agir d'un simple recours pour excès de pouvoir. [...]
[...] On assiste donc ici, au travers de cet arrêt, à une significative extension de pouvoir du juge. On appelle ce pouvoir l'inquisitorialité de la procédure. Ce phénomène d'extension du pouvoir du juge avait déjà été consacré dans une loi de réforme des procédures du 8 février 1995 : il dispose depuis d'un pouvoir d'injonction pour faire exécuter les décisions passées en force de chose jugée ainsi que d'un pouvoir d'astreinte, c'est-à-dire d'établir un délai dans lequel l'administration doit s'exécuter Il est légitime face à ce phénomène de s'interroger sur sa légitimité et sur son bien-fondé. [...]
[...] Certains assimilent, automatiquement, ces moyens soulevés d'office au moyen d'ordre public. Le principe est cependant celui de l'absence de caractère d'ordre public des moyens relatifs à la forme ou à la procédure de l'action administrative. La doctrine est divisée sur la question de concevoir les moyens soulevés d'office et les moyens d'ordre public séparément ou pas. Dans le cas d'espèce et donc du vice de procédure, on ne pourra trancher ; certains pensent donc que les vices de procédure comme en l'espèce peuvent être des moyens soulevés d'office, sans pour autant rentrer dans la catégorie des moyens d'ordre public. [...]
Bibliographie, normes APA
Citez le doc consultéLecture en ligne
et sans publicité !Contenu vérifié
par notre comité de lecture