La responsabilité des hôpitaux du fait des médecins a toujours soulevé une vive controverse en raison de la grande complexité de la matière mais aussi de son influence directe sur le corps humain. L'aléa thérapeutique semble, par exemple, difficile à prendre en charge tant il est, par définition, imprévisible. Pour autant, le Conseil d'Etat, par cet arrêt du 3 novembre 1997 Hôpital Joseph Imbert d'Arles contre Mme Mehraz, tente d'encadrer la responsabilité des hôpitaux pour ce qui concerne les actes médicaux. En effet, des parents (les Mehraz) souhaitent que leur enfant subisse une circoncision, pour des motifs religieux. Mais, au cours de l'intervention, l'enfant connaît un arrêt cardiaque et sombre dans un profond coma qui le mènera au décès, un an plus tard.
La mère de la victime demande réparation du préjudice subi en raison du décès de son enfant qu'elle attribue au fait de l'hôpital. La cour administrative d'appel de Lyon décide d'indemniser Mme Mehraz mais l'établissement public hospitalier se pourvoit en cassation car il estime n'avoir commis aucune faute.
Ainsi le Conseil d'Etat devra se demander si la responsabilité de l'hôpital doit être engagée et, si c'est le cas, l'engager sur quel fondement. Y a-t-il faute de l'administration alors que l'accident n'est pas arrivé du seul fait de l'acte médical mais surtout par l'anesthésie générale qui lui était certainement nécessaire ? En outre, cet acte médical n'avait pas de finalité thérapeutique.
Après avoir évacué une question de procédure mineure quant à la convocation de l'avocat de l'hôpital à l'audience, le Conseil d'Etat applique a priori sa propre jurisprudence (I) mais profite de l'espèce pour l'élargir (II).
[...] Par cet arrêt du 3 novembre 1997, le Conseil d'Etat semble confirmer clairement sa tendance jurisprudentielle. Cependant, il la rectifie et l'élargit de façon non négligeable. II- Une extension louable de la jurisprudence Bianchi L'assouplissement effectué par le Conseil d'Etat était attendu mais n'a pas eu toutes les conséquences escomptées Un assouplissement attendu des conditions d'application du principe jurisprudentiel L'espèce concernant le jeune Mehraz ne correspond pas tout à fait à celle de M. Bianchi. Cela permet cependant aux Hauts magistrats d'étendre un principe jurisprudentiel pourtant très rigoureux. [...]
[...] Des confirmations inégales par le juge et le législateur L'avènement de la jurisprudence Hôpital Joseph Imbert d'Arles contre Mme Mehraz semble s'effectuer en deux temps : par le Conseil d'Etat tout d'abord puis par le législateur lui-même par la suite. La rechute jurisprudentielle Étonnamment, dans un arrêt du 27 octobre 2000, Centre hospitalier de Seclin, le Conseil d'Etat, s'il confirme la réparation de l'aléa thérapeutique tenant à un accident résultant d'une anesthésie générale, il retombe dans la qualification restrictive de "malade" et non plus de "patient". Cela peut s'expliquer par deux hypothèses. La première, naïve, pourrait voir le Conseil d'Etat commettre une erreur de plume. Les hauts magistrats se seraient trompés. Mais cela parait peu probable. [...]
[...] De même, le Conseil d'Etat exige l'existence d'un risque connu "mais dont la réalisation est exceptionnelle". Il semble difficile de connaître tous les risques inhérents à chaque méthode médicale. En l'espèce, cette condition est remplie puisque les risques d'accident durant une anesthésie sont connus mais restent rares. Les quatre conditions de l'arrêt Bianchi semblent être réunies, même si l'une d'entre elles parait poser problème. Il s'agit alors de comprendre quelles raisons ont conduit le juge à adopter ce type de raisonnement. [...]
[...] De même, personne ne soupçonnait le jeune Mehraz d'être susceptible de réagir si mal à une anesthésie générale. Cet aléa thérapeutique semble donc irrésistible, imprévisible et extérieur à la volonté des médecins. Ce sont les caractères même de la force majeure, passablement capable d'exonérer l'auteur du fait dommageable de sa responsabilité et ce, tant en droit privé qu'en droit public. Pourquoi, dès lors, ne pas appliquer ce raisonnement aux médecins ? Il semble que seule la volonté louable d'indemniser la victime d'une fatalité médicale inextricable puisse suffire à expliquer ce choix. [...]
[...] La généralisation à tout type de patient Alors que l'arrêt Bianchi demandait un acte nécessaire au traitement du "malade", l'arrêt du 3 novembre 1997 admet plus généralement un acte nécessaire eu traitement du "patient". Cela tient à la situation particulière du jeune Mehraz puisqu'il est entré à l'hôpital Joseph Imbert sans être malade, mais seulement pour subir une circoncision, non foncièrement indispensable à la poursuite de son existence. Mais cela ne doit en rien affecter la qualité des traitements prescrits à l'enfant. [...]
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