Parmi les trois lois du service public figure celle posant un principe d'égalité devant le service public qui a valeur constitutionnelle depuis une décision du Conseil Constitutionnel du 27 décembre 1973. La section du contentieux dans l'arrêt du 29 décembre 1997 permet cependant de considérer la possibilité d'une dérogation à ce principe en autorisant une modulation tarifaire, améliorant ainsi sa jurisprudence antérieure.
Par une délibération du 23 juin 1989, le Conseil Municipal de Gennevilliers a fixé les droits d'inscription au conservatoire municipal de musique en différenciant leur montant en fonction des ressources des familles des élèves et du nombre de personnes vivant au foyer.
Le préfet des Hauts-de-Seine défère alors cette délibération devant le Tribunal Administratif de Paris qui, par un jugement du 17 décembre 1993, annule ladite délibération du Conseil Municipal de Gennevilliers en date du 23 juin 1990. La commune forme alors une requête devant le Conseil d'Etat tendant à annuler le précédent jugement ainsi qu'à rejeter le déféré du préfet.
La question qui se pose au Conseil d'Etat est la suivante : le fait pour un Conseil Municipal de fixer des droits d'inscription différents selon les ressources est-il constitutif d'une atteinte au principe d'égalité des usagers devant le service public ?
Le Conseil d'Etat, par un arrêt du 29 décembre 1997 annule le jugement rendu par le Tribunal administratif de Paris et rejette le déféré préfectoral au motif qu'il « ressort des pièces du dossier que le fonctionnement du conservatoire de musique de Gennevilliers constitue un service public municipal administratif à caractère facultatif » et qu'il existe un « intérêt général qui s'attache à ce que le conservatoire de musique puisse être fréquenté par les élèves qui le souhaitent, sans distinction selon leurs possibilités financières » ce qui justifie que le « Conseil Municipal a pu, sans méconnaître le principe d'égalité entre les usagers du service public, fixer des droits d'inscription différents selon les ressources de la famille, dès lors notamment que les droits les plus élevés restent inférieurs au coût par élève du fonctionnement de l'école ». Qu'en conséquence, la commune de Gennevilliers est accueillie dans sa demande.
[...] Cette augmentation a pu s'accompagner de la volonté de moduler les tarifs en fonction des ressources familiales, comme c'est le cas en l'espèce. Cependant et de manière générale, un service public, même à caractère facultatif doit respecter le principe d'égalité de traitement - des usagers devant ledit service ; principe à valeur constitutionnel (C.Const. 27/12/1973, Taxation d'office) et affirmé très tôt par le Conseil d'Etat (CE Sect. 9/03/1951 Sté des Concerts du Conservatoire ; CE 14/01/1991 - Bachelet). Ainsi pour un même service rendu dans une situation strictement identique, le tarif exigé des usagers doit être le même. [...]
[...] Ainsi, par le recours à cette exigence, il est possible de différencier des usagers alors même qu'ils sont dans une situation identique à l'égard du service public L'arrêt Commune de Gennevilliers permet de consacrer ce cas de dérogation dont l'application fait l'objet d'une exigeante appréciation par le juge administratif. En effet, le plus souvent, le Conseil d'Etat se réfère à cette notion d'intérêt général pour en écarter l'application. Ainsi, les arrêts Meyet (CE 19/12/1979) et Associations Etudes et consommation CFDT (CE 8/04/1987) montrent la persistance du Conseil d'Etat à écarter cette notion en matière de service de télécommunications. [...]
[...] Cependant, en ce qui concerne les écoles de musique, le Conseil d'Etat a déjà pu retenir une différence de situation de nature à justifier des tarifs différents selon que les élèves soient ou non domiciliés sur le territoire de la commune qui a la charge budgétaire de l'école. (CE 2/12/1987- Comm. De Romainville ; CE Sect. 13/05/1994 Comm. De Dreux). Le Conseil d'Etat accepte alors la différenciation tarifaire délibérée par le conseil municipal eu égard à l'intérêt général La modulation tarifaire est justifiée par la nécessité de cet intérêt général, notion au cœur de la définition de service public et sera appréciée en fonction des circonstances, in concreto. [...]
[...] La même position fut adoptée en ce qui concerne une cantine scolaire (CE 10/02/1993 Ville de La Rochelle) et d'un centre de loisirs (CE 18/03/1994 Mme Dejonckeere et autres). Les services publics ayant une vocation sociale furent ainsi largement bénéficiaires de dérogations ce qui amène à penser que la jurisprudence Ville de Tarbes était condamnée à être abandonnée. La section du contentieux a donc mis fin à une divergence de traitement entre les services publics à caractère social et ceux culturels comme une école de musique. [...]
[...] La jurisprudence devra à l'avenir travailler à la prévention d'abus, corollaire quasi-systématique des dérogations mais cela ne doit en rien amoindrir la portée de cet arrêt quant à l'évolution du service public et des principes qui le régissent. [...]
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