La responsabilité de l'administration peut être engagée pour faute simple ou pour faute lourde. Pendant longtemps, la responsabilité de l'administration pénitentiaire ne pouvait être engagée que pour faute lourde, notamment en raison du milieu particulier qu'est le milieu carcéral. Toutefois, avec cet arrêt Chabba du 23 mai 2003, le Conseil d'Etat engage la responsabilité de l'administration pénitentiaire pour faute simple. Cette position s'inscrit dans un contexte où le nombre de suicide parmi les détenus est croissant, problème face auquel le juge administratif ne peut pas rester indifférent.
En l'espèce, M. Chabba a été placé en détention provisoire le 18 juin1992 pour une période de 4 mois c'est-à-dire jusqu'au 18 octobre. Etant toujours incarcéré le 19 octobre, M. Chabba s'est manifesté auprès du personnel pénitentiaire en protestant contre le caractère arbitraire de la poursuite de sa détention dont il ignorait qu'elle avait été prolongée à compter du 18 octobre à minuit, par une ordonnance du magistrat instructeur, ordonnance qui ne lui avait pas été notifiée alors même que le greffe de la maison d'arrêt l'avait reçu deux jours plus tôt. Mais, en réponse à cette interrogation sérieusement motivée de M. Chabba, les agents du service pénitentiaire se sont contentés de lui demander de se calmer et d'attendre le lendemain. M. Chabba s'est alors suicidé.
En conséquence, Mme Chabba, a assigné le service pénitentiaire en réparation de son préjudice personnel et de celui de ses enfants mineurs sur le fondement de la responsabilité pour faute
Le Tribunal administratif de Paris dans un jugement du 22 juin a rejeté sa demande.
Elle a alors interjeté appel, mais la CAA de Paris dans un arrêt du 19 avril 2001 a notamment rejeté sa demande aux motifs que le fait reproché au service pénitentiaire était sans lien de causalité directe avec le suicide du détenu.
Cette dernière a alors formé un pourvoi en cassation devant le Conseil d'Etat afin que la responsabilité du service pénitentiaire soit engagée.
Celui a annulé le jugement et l'arrêt précédent aux motifs que la responsabilité pour faute du service pénitentiaire devait être engagée.
En rendant cet arrêt, le Conseil d'Etat a donc considéré qu'une faute simple suffisait à engager la responsabilité de l'administration pénitentiaire
Avec cet arrêt, le Conseil d'Etat abandonne la faute lourde à l'encontre de l'administration pénitentiaire (I). Cet arrêt s'inscrit dans un mouvement général qui tend à exiger une faute simple à la place d'une faute lourde (II).
[...] Le Conseil d'État considère que la succession de ces fautes est la cause du suicide de M. Chabba. Il établit donc un lien de causalité directe entre ces fautes et le suicide, ce que le TA et la CAA niaient. Mais, dans la mesure où c'est l'ensemble de ces fautes qui sont rapprochées dans le temps, s'étant toutes produites le soir du 19 octobre, qui implique la mise en cause de sa responsabilité, la faute simple se rapproche d'une faute caractérisée. Bibliographie Droit administratif, 10e édition P. [...]
[...] Le Conseil d'État admet le lien de causalité entre le suicide de M. Chabba et les fautes de l'administration pénitentiaire sans faire référence à la gravité de ces fautes. Celles-ci sont donc suffisantes pour engager la responsabilité de l'administration pénitentiaire, et la condamner à réparer le dommage subi par Mme Chabba et ses enfants, car il estime que le suicide de M. Chabba est la conséquence directe d'une succession de fautes imputables au service pénitentiaire. Cette solution est donc sévère à l'égard de l'Administration. [...]
[...] Arrêt Chabba, Conseil d'Etat mai 2003 La responsabilité de l'administration peut être engagée pour faute simple ou pour faute lourde. Pendant longtemps, la responsabilité de l'administration pénitentiaire ne pouvait être engagée que pour faute lourde, notamment en raison du milieu particulier qu'est le milieu carcéral. Toutefois, avec cet arrêt Chabba du 23 mai 2003, le Conseil d'État engage la responsabilité de l'administration pénitentiaire pour faute simple. Cette position s'inscrit dans un contexte où le nombre de suicides parmi les détenus est croissant, problème face auquel le juge administratif ne peut pas rester indifférent. [...]
[...] Ce n'est en effet qu'en 1873 avec l'arrêt Blanco (Conseil d'État fév. 1873) que le principe de la responsabilité de l'État a été posé. En 1905, les régimes d'irresponsabilité ont été supprimés avec l'arrêt Tomaso Greco qui pose la responsabilité de l'État pour les activités de police. Toutefois, la véritable évolution résulte d'une loi de 1972 concernant les juridictions judiciaires qui pose le principe d'une responsabilité pour faute lourde et de l'arrêt Darmont (Conseil d'Etat, 1978) qui considère que la loi ne s'applique pas aux juridictions administratives tout en admet une responsabilité pour faute lourde Cet arrêt s'inscrit en définitive dans un contexte général d'évolution de la responsabilité pour faute de l'administration. [...]
[...] C'est en effet ce qui résulte de (Conseil d'État, arrêt Commune de Saint Florent oct. 2000) Mais, en parallèle, l'abandon de la faute lourde au profit d'une faute simple est favorable aux administrés. Une position favorable aux administrés L'exigence d'une faute permet d'engager plus facilement la responsabilité de l'État, il est en effet plus facile de rapporter l'existence d'une faute simple que d'une faute lourde. La position adoptée par le Conseil d'État est donc ici favorable aux administrés. Cet arrêt permet d'améliorer leur sort. [...]
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