Les textes législatifs ou réglementaires demeurent applicables jusqu'à l'entrée en vigueur d'un texte qui les modifie ou les abroge. Lorsque l'abrogation est expresse et totale, le juge ne rencontre aucune difficulté mais les abrogations implicites posent des questions plus délicates.
L'arrêt d'Assemblée rendu par le Conseil d'Etat le 16 décembre 2005 (Syndicat national des huissiers de justice) permet de décrire différents aspects de la technique utilisée par le juge administratif pour constater une telle abrogation (...)
[...] Les expressions retenues par le Conseil d'Etat pour constater une abrogation implicite ont en effet varié au fil du temps. > La succession des normes dans le temps font que le texte antérieur n'est plus applicable (CE Ass mai 1961, Sieur Ruais, préc.) > Le texte antérieur ne peut faire obstacle à l'application exclusive du texte plus récent (CE 4 octobre 1972, Sieur Benhalla, Lebon p. 601). > Certaines dispositions sont devenues caduques (CE 24 janvier 1958, Société Gencel, Boutet et Coudray, Lebon p. [...]
[...] > Les normes sont incompatibles entre elles (CE 9 octobre 1959, Sieur Taddei, Lebon p. 495). Face à la diversité des justifications retenues, le juge a finalement choisi un critère d'une grande simplicité opérationnelle qui tient au caractère inconciliable des normes entre elles. B Le critère unique de l' inconciliabilité des normes entre elles > Il y a abrogation implicite si le contenu de la norme est inconciliable avec celui de la norme postérieure. Il est tout de même assez rare qu'une loi se traduise par la négation directe d'un principe posé en termes généraux par le préambule Les abrogations implicites résultant de ce type de collision seront donc probablement exceptionnelles. [...]
[...] L'Assemblée du contentieux a estimé que le second alinéa de l'article 10 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 portant statut des huissiers, qui revient à interdire à ces derniers de former des organisations habilitées à participer à la négociation collective, entrait directement en conflit avec le principe de la liberté syndicale, garanti par le sixième alinéa du préambule de la Constitution de 1946, qui implique que puissent se constituer librement des organisations visant à la défense, par l'action collective, des intérêts économiques, matériels et moraux des membres d'une profession. > Une disposition législative aménageant la liberté syndicale, au regard notamment d'autres exigences constitutionnelles, n'aurait probablement pas été regardée comme ayant été abrogée par la Constitution. Mais une disposition contredisant frontalement un principe constitutionnel ne pouvait avoir survécu à l'entrée en vigueur de la nouvelle norme constitutionnelle. [...]
[...] > Les effets de l'abrogation : la décision Syndicat national des huissiers de justice fait figure de cas limite de ce point de vue. Elle constate l'abrogation implicite, en 1946, d'un texte datant de 1945, qui a pourtant été appliqué de manière constante jusqu'à la fin de l'année 2005. La solution retenue comporte une part de fiction. > L'objet principal du recours à l'abrogation implicite doit être de déterminer pour l'avenir les prescriptions que doit respecter l'administration pour agir conformément au principe de légalité. [...]
[...] B Le recours à l'abrogation implicite > Principe de la théorie de la loi écran inopérant en l'espèce : la loi ne fait plus écran car elle est abrogée implicitement. Cas proche où la théorie de la loi écran tombe : la jurisprudence Nicolo permet au juge administratif d'écarter l'application d'une loi au motif qu'elle est contraire à des engagements internationaux ou communautaires. > Le mécanisme de l'abrogation : le juge vérifie que la norme postérieure (ordonnance du 2 novembre 1945) est d'un niveau au moins égal à la norme avec laquelle elle entre en collision (préambule Constitution 1946). [...]
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